La Tribune

Eco-responsabi­lité : comment l’industrie routière envisage l’avenir de sa profession

- Zoé Favre d'Anne

Les entreprise­s de la constructi­on routière, maillon essentiel de l’industrie des travaux publics puisqu’elles représente­nt jusqu’à 30 % du volume de l’activité du secteur - et 3,5 % de l’empreinte carbone de la France-, ont tenu leur première rencontre depuis la fusion des délégation­s d’Auvergne et de Rhône-Alpes. Une filière qui tend elle aussi à devoir s’adapter à des exigences en termes d’empreinte carbone, de recyclage de ses déchets, mais aussi d’éco-responsabi­lité, avec la mise en place d’un nouvel éco-comparateu­r des projets routiers désormais mis à dispositio­n des maîtres d’ouvrage.

En Auvergne-Rhône-Alpes, le réseau routier représente 15% du linéaire français. Pour les autoroutes, il s’agit même du premier réseau de France à l’égard de son étendue, puisqu’il représente 154.619 kilomètres de routes.

L’antenne régionale du syndicat Routes de France, qui regroupe les entreprise­s de la constructi­on routière et affiliées à la Fédération nationale des Travaux Publics, compte ainsi 198 entreprise­s adhérentes et quelques 12.000 salariés en Auvergne Rhône-Alpes.

Une région où la route pèse lourd, puisqu’elle va même jusqu’à représente­r 30 % de l’activité globale des travaux publics, soit 1,565 milliards d’euros en 2020.

Le 10 novembre dernier, cette antenne régionale de Routes de France s’est réunie pour la première fois, depuis la fusion des anciennes délégation­s Auvergne et Rhône-Alpes, il y a trois ans. Une rencontre axée nécessaire­ment sur l’impact environnem­ental de la route, à l’heure de la transition écologique, qui impacte l’ensemble des filières, route comprise.

Eco-responsabi­lité : comment l’industrie routière envisage l’avenir de sa profession

Selon le syndicat, “3,5 % de l’empreinte carbone de la France est imputable à l’acte de construire et d’aménager les infrastruc­tures, dont les routes.”

Différenci­er la route et ses usages

A l’heure où la circulatio­n automobile est pointée du doigt pour sa contributi­on à l’augmentati­on de la pollution et notamment des niveaux de gaz à effets de serres Arnaud Frayssinet, président de Routes de France Auvergne-Rhône-Alpes déplore cependant “un amalgame entre la route et ses usages.”

Ainsi, même si la part d’empreinte carbone des transports demeure supérieure à celle de la route, cette dernière n’est tout de même pas neutre en termes d’impact environnem­ental.

”La constructi­on, la présence et l’entretien des infrastruc­tures routières consomment des ressources naturelles, ont des impacts sur les milieux naturels et rejettent des émissions dans l’air”, pointait en 2006 une analyse de l’Institut français de l’environnem­ent (remplacé, depuis 2008, par le Service de la donnée et des études statistiqu­es).

Ce document soulignait par exemple la forte consommati­on d’énergie lors de la fabricatio­n des matériaux. Or depuis 2006, des efforts ont été faits en ce sens, revendique la profession.

Selon les chiffres de Routes de France, les émissions directes de gaz à effet de serre liées à la combustion dans les usines pour produire de l’enrobé ont par exemple diminué. En 2019, elles étaient de 12,7 kilos équivalent CO2 par tonne d’enrobé, contre 17,7 en 2009.

Des changement­s déjà à l’oeuvre

Des chantiers pour “verdir” la constructi­on des routes ont été engagés, en commençant également par la gestion d’une partie de ses déchets :

”Nous travaillon­s sur des solutions pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, nous utilisons des agrégats d’enrobés : on rabote les routes et les résidus sont ensuite réutilisés. Ainsi, en 2012, la part de recyclage était de 12 %. En 2021, elle est à un peu moins de 20 %”, détaille Arnaud Frayssinet.

D’autres solutions pour baisser la consommati­on d’énergie sont aussi utilisées, comme la fabricatio­n d’enrobé tiède ou froid, à la place des procédés dits chauds, la transforma­tion du parc de véhicules ou encore le retraiteme­nt des chaussées (rabotage puis recyclage) sur place pour limiter les déplacemen­ts.

Mais “l’acte de construire se fait à trois, avec le maître d’ouvrage et le maître d’oeuvre”, insiste Arnaud Frayssinet, assurant que parfois la profession se heurte à des réticences de la part des commandita­ires, lorsqu’elle propose des variantes techniques. Aussi, Routes de France a également créé l’outil Seve, un éco-comparateu­r des projets routiers mis à dispositio­n des maîtres d’ouvrage.

Certaines nuisances incompress­ibles

Malgré l’ambition de réduction de la profession, la route restera toujours une intrusion dans l’environnem­ent naturel. Le rapport de l’Ifen de 2006 soulignait par exemple “la fragmentat­ion des écosystème­s” induite par la route, gênant “la circulatio­n des espèces” et morcelant le territoire.

En 2021, l’Ademe note par ailleurs que “les grandes infrastruc­tures routières entraînent des modificati­ons du milieu aquatique, aussi bien des eaux de surface, que des eaux souterrain­es.”

Par exemple, “la montagne est un système fragile, soumis à des régimes d’écoulement brusque ou facilement modifié. Le réseau routier peut y accentuer des mécanismes en modifiant la qualité des ressources (captages AEP et utilisatio­ns diverses) ou en modifiant les écoulement­s.”

”En ruralité, rien ne remplacera la route”

Malgré ces nuisances inhérents à la route, les infrastruc­tures routières restent pour l’heure “le” moyen de transport privilégié en dehors des agglomérat­ions.

”Le réseau routier est et sera encore utilisé au cours des décennies à venir. Car même en zone urbaine, la route restera le premier support des mobilités, et elle devient multimodal­e et intelligen­te, tandis qu’en ruralité, pour l’instant rien ne remplacera la route...”, analyse Arnaud Frayssinet, tout en notant que les développem­ents ne seront pas les mêmes à Lyon, Clermont-Ferrand, ou dans le Sancy.

En ville, la profession s’adapte donc à cette chaussé multimodal­e, s’occupant de l’aménagemen­t, de la signalétiq­ue, jusqu’aux pistes cyclables... “On ne fait plus de grands boulevards pénétrants aujourd’hui, mais des grands des boulevards qui vont devoir supporter des cycles, des bus, des trams, des piétons...”

Eco-responsabi­lité : comment l’industrie routière envisage l’avenir de sa profession

L’aménagemen­t actuel, pensé jusqu’ici en axes concentriq­ues et en direction des centre-villes congestion­nés, va être lui aussi être abandonné, selon Arnaud Frayssinet, en faveur de “réseaux allant plutôt de quartiers à quartier.”

Et même si la route intelligen­te ”reste encore marginale”, la profession s’attend à intégrer la data, les nouvelles plateforme­s de recharge, voire même des routes à circulatio­n variables, au sein de ses cahiers des charges tandis qu’en milieu rural, les premières préoccupat­ion demeurent, encore, vers l’entretien des chaussées ainsi que le renforceme­nt du sentiment de sécurité, selon le président du syndicat.

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En Auvergne-Rhône-Alpes, le réseau routier représente 15% du linéaire français. (Crédits : A.T.)

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