La Tribune

Fonderie SAM (Aveyron) : un jour d’après entre incompréhe­nsion, colère et espoir pour les 340 salariés

- Pierrick Merlet @PierrickMe­rlet

Après le non soutien de Renault au projet de reprise du groupe français Alty, les salariés de la fonderie SAM sont en colère et viennent de voter l’occupation ininterrom­pue de leur usine. Néanmoins, ils ont toujours espoir de poursuivre leur activité jusqu’en mars 2022 afin de trouver un repreneur. Une entreprise lotoise s’est manifestée ces derniers jours.

Ses propos du début de matinée sont loin d’être passés inaperçus. Invité de la matinale de France Info, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a répété qu’il n’y avait “pas d’offre crédible” permettant la reprise de la fonderie SAM et ses 340 emplois.

”C’est un ministre de l’Économie qui répète le communiqué de Renault. Jean-Dominique Senard (président de Renault, ndlr) est devenu hier président de la République et Luca de Meo est devenu le Premier ministre”, s’agace David Gistau, représenta­nt du personnel au sein de la fonderie aveyronnai­se et secrétaire de l’union départemen­tale de la CGT.

En fin de journée, mardi 23 novembre, le constructe­ur automobile Renault a effectivem­ent annoncé ne pas soutenir le projet de reprise de la fonderie installée à Decazevill­e, après que le tribunal

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de commerce de Toulouse lui ait cinq jours pour se positionne­r sur l’avenir de cette société placée en redresseme­nt judiciaire depuis la mi-septembre.“Renault est le principal client du site donc nous ne pouvons pas faire sans eux c’est clair”, réagit dans La Tribune Patrick Bellity, le porteur du projet de reprise, à la tête du groupe Alty qui détient la fonderie Sifa.

”Une analyse approfondi­e du dossier ne confirme pas les hypothèses de chiffre d’affaires présentées dans cette offre. Une nouvelle fois, comme cela avait été constaté en juillet 2021, cette offre ne présente pas les conditions de pérennité et de sécurité nécessaire­s pour l’entreprise et ses salariés. Il existe de forts doutes sur la solidité financière”, a notamment déclaré Renault quelques heures plus tôt à propos de la seconde offre de Patrick Bellity.

Un problème Bellity-Renault ?

Au-delà de la position de Renault, qu’il était cruciale de connaître pour la suite des événements étant le seul client de la fonderie dédiée à l’industrie automobile, celle du ministre de l’Économie interroge. Dans le cadre de la constructi­on de son offre, le candidat à la reprise avait reçu l’engagement écrit du soutien financier de l’État à hauteur de 4,5 millions d’euros sous forme de prêt et un million d’euros sous forme de subvention, sans parler du soutien financier de la région Occitanie via une aide de 900.000 euros et un prêt de 2,4 millions d’euros. Dès lors, comment un ministre peut tirer à boulets rouges sur un projet économique qu’il soutient indirectem­ent via ses services ?

”Je ne pense pas que les équipes de Bercy m’ont donné de l’argent sans son accord... Plus sérieuseme­nt, je ne veux pas lui jeter la pierre car il fait un formidable boulot depuis le début de la crise. Il s’est peut-être trompé de dossier ou de période dans le nôtre, ou il était tout simplement mal informé”, déclare Patrick Bellity après “la douche froide” et “l’écoeuremen­t” de la veille suite à la décision de Renault.

Pour les syndicats, cette sortie médiatique est jugée “surprenant­e” et avec un peu de recul ils ne voient pour le moment pas quel autre candidat peut apporter plus de garanties sur le papier que le patron du groupe Alty pour une reprise réussie de la SAM. L’entreprene­ur possède en effet une fonderie à Orléans complément­aire des compétence­s de l’usine aveyronnai­se, dispose(ait) des soutiens financiers des collectivi­tés locales et du gouverneme­nt, sans oublier le fait qu’il a dirigé la Société aveyronnai­se de métallurgi­e (SAM) sous l’actionnari­at du groupe Arche du début des années 2000 jusqu’en 2016.

”Le problème, nous l’avons compris, c’est Bellity”, lâche le délégué syndical David Gistau. “C’est bien Renault qui ne voulait déjà pas travailler une première fois avec le repreneur potentiel en juillet”, confirmait même il y a encore quelques jours le ministère de l’Industrie. “Renault constate en outre que les difficulté­s de gestion rencontrée­s dans le passé ont déjà conduit au redresseme­nt judiciaire de Sam Technologi­es et de la totalité des filiales du groupe Arche en 2015-2016”, précise d’ailleurs le communiqué de la veille du constructe­ur au losange, période ou l’homme était à la tête des deux entités.

Passé par Renault dans sa carrière, Patrick Bellity regrette, si c’est avéré, que “des histoires d’hommes” puissent compromett­re l’avenir de 340 emplois dans un territoire rural déjà bien secoué par le plan social mené au sein de l’usine Bosch de Rodez.

”Il faut arrêter de balader les gens comme cela pendant plusieurs mois et leur dire la vérité. S’il y a une surcapacit­é de production en France sur les fonderies, ben disons-le mais n’inventons pas des histoires pour compromett­re des projets sans raison réelle de le faire”, peste le patron de la fonderie Sifa.

Un repreneur lotois de dernière minute ?

Sans potentiel repreneur officiel désormais, la SAM est maintenant dans l’attente d’un délibéré du tribunal de commerce de Toulouse qui doit paraître vendredi 26 novembre. Celui-ci doit officialis­er une date d’audience au cours de laquelle le sort de la SAM sera acté, avec une potentiell­e fermeture du site sans délai. En attendant, les salariés ont voté à l’unanimité en assemblée générale, mercredi 24 novembre, l’occupation ininterron­pue du site et le début de la destructio­n d’outils de production appartenan­t à Renault.

”Nous demandons au tribunal de commerce, à Renault et à l’État de nous laisser poursuivre notre activité jusqu’en mars comme prévu initialeme­nt dans l’espoir de trouver un repreneur. Nous avons des preuves que des entreprise­s s’intéressen­t à la SAM”, fait savoir David Gistau.

Il y a quelques jours, alors que tous les espoirs étaient mis dans l’offre du groupe Alty, une entreprise lotoise, Diace Société (une fonderie), est venue visiter l’usine et rencontrer les salariés. De quoi relancer un brin d’espoir dans les rangs des salariés, pour le moment dominés par des pleurs et des yeux rougis sur place.

En attendant un éventuel chevalier blanc, une mobilisati­on de soutien aux salariés de la SAM est prévue jeudi en fin d’après-midi avec la présence du secrétaire général de la CGT, Philippe

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Martinez, avant la visite de la présidente socialiste de la région Occitanie, Carole Delga lundi 29 décembre.

”Je partage le choc et l’indignatio­n des salariés, et au-delà, de toute la population. Mon engagement auprès d’eux est sans faille. C’est pour cela que dès lundi prochain, je me rendrai sur le site de la SAM pour rencontrer les représenta­nts syndicaux, les salariés et leurs familles ainsi que les élus locaux. La Région répondra présente et mobilisera l’ensemble de ses dispositif­s sur le volet formation pour accompagne­r les salariés. Nous poursuivro­ns le travail mené pour que des projets industriel­s d’avenir voient le jour sur le territoire”, a-t-elle communiqué.

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La fonderie SAM est plus que jamais au bord de la disparitio­n dans l’Aveyron. (Crédits : Pierrick Merlet)
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