La Tribune

Le football français doit faire sa mue en matière de gestion de risque

- Olivier Hassid @MCABIROL

Le football est certaineme­nt le sport, qui a connu la plus forte internatio­nalisation au cours des trente dernières années. Cette évolution a débuté en 1995 avec la ratificati­on de l’arrêt Bosman marquant le début d’une libéralisa­tion du football permettant la libre circulatio­n des footballeu­rs entre les États membre. Ce qui a entraîné la hausse des flux de transferts. Par Olivier Hassid, président du Think Tank C.S.I (Corporate Security Intelligen­ce)

Le football français, peut être avec un peu de retard par rapport à d’autres pays comme l’Angleterre, a connu cette même tendance. Ainsi, en France, au cours des dernières années, de nombreux clubs ont été rachetés par des intérêts étrangers. Qu’il s’agisse du PSG par des investisse­urs qataris, l’Olympique de Marseille par un fond américain, l’AS Monaco par un investisse­ur russe ou d’autres clubs comme le FC Sochaux par le chinois Nenking... D’autres clubs comme l’Olympique Lyonnais ont favorisé l’arrivée d’un actionnair­e minoritair­e chinois, IDG Capital, représenta­nt environ 20% du capital.

Et cet intérêt ne se dément pas au cours des derniers mois. Ainsi le club de Saint-Etienne a vu des marques d’intérêt aussi bien d’intérêts nord-américains que cambodgien­s, l’Olympique de Marseille d’intérêts du Moyen-Orient, le SCO d’Angers par des potentiels acquéreurs provenant du Golfe ou encore l’Espérance Sportive Troyes Aube Champagne acquise par City Football Group, une société émiratie.

Le football français doit faire sa mue en matière de gestion de risque

Vendre au plus offrant

Des propriétai­res exsangues sont prêts à vendre au plus offrant leur club sans s’intéresser à qui sont les potentiels repreneurs et sans regarder l’intérêt du club. Or une bonne affaire et une belle histoire nécessiten­t de bien connaître les personnes qui se mettent autour de la table. Au Royaume-Unis, qu’ils s’agissent de repreneurs, d’investisse­urs et même de nouveaux sponsors, il est très souvent regardé l’honorabili­té et l’intégrité des parties tierces : son passif, les risques de corruption liés à sa personne, les escroqueri­es qu’elle aurait pu réaliser, les risques de blanchimen­t...

Bref, une vérificati­on complète est réalisée afin de se protéger contre toute mauvaise surprise. Ainsi avant une éventuelle entrée au capital, Arsenal a-t-il vérifié si des investisse­urs iraniens étaient sans risque. De même, avant de devenir sponsors du club, Liverpool a vérifié si les sponsors égyptiens qui gravitaien­t autour de Mohamed Salah étaient en conformité avec le cadre légal anglais.

En France, pas de gestion de risque

En France, il n’y a pas cette culture de la gestion de risque. Nos instances et nos clubs ne sont pas habitués à réaliser ce que les anglo-saxons appellent des integrity due diligences ou pour le dire plus prosaïquem­ent des enquêtes de réputation­s. Les clubs donnent à des cabinets d’audit le soin de vérifier la solvabilit­é et les aspects financiers, sans se demander un seul instant si les capitaux pouvaient être véreux ou s’il y avait un risque d’escroqueri­e.

Faute d’enquête, les Girondins de Bordeaux ont été au bord du dépôt de bilan lâché par le fonds d’investisse­ment King Street l’été dernier. De même Saint-Étienne vient de faire l’amère expérience d’un rachat avorté. Un prince cambodgien aurait en effet produit un faux « document de garantie financière de 100 millions d’euros émanant d’une grande banque internatio­nale » comme le mentionnai­t le club dans un communiqué de presse. Nous pourrions également mentionner la Ligue de Football Profession­nel (LFP) qui avait vendu les droits de diffusion de la Ligue 1 à Mediapro, opération qui se solda par un fiasco.

Des évaluation­s réalisées par des spécialist­es de la gestion de risque auraient certaineme­nt permis au football français bien des désagrémen­ts aussi bien financiers que réputation­nels. Il est peut-être temps que celui-ci opère sa mue et mettent en place, comme d’autres pays, des standards robustes en matière de gestion de risques afin de devenir un football réellement profession­nel. C’est, il nous semble, une condition impérieuse pour que le football français devienne compétitif.

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Faute d’enquête, les Girondins de Bordeaux ont été au bord du dépôt de bilan lâché par le fonds d’investisse­ment King Street l’été dernier. (Crédits : dr)
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