La Tribune

Coup de tonnerre chez Orange : l’affaire Tapie fait tomber son PDG Stéphane Richard

- Pierre Manière @pmaniere

Le PDG de l’opérateur historique, condamné ce mercredi dans l’affaire Tapie, quittera son poste au plus tard fin janvier.

Il paraissait indétrônab­le. Mais la justicea emporté sa couronne.Condamné ce mercredi dans l’affaire Tapie, Stéphane Richard, le PDG d’Orange, a décidé jeter l’éponge. Il tire un trait sur ses ambitions, à la finde son troisième mandat en mai prochain, de rester président de l’opérateur historique, avec une direction générale dissociée. Au terme d’une réunion en urgence du conseil d’administra­tion, ce mercredi soir, celui-ci a décidé que Stéphane Richard quittera son poste au plus tard fin janvier.

Orange perd un PDG qui était globalemen­t apprécié en interne. Il est notamment « l’homme de la réconcilia­tion sociale », dixit Sébastien Crozier, le président de la CFE-CGC d’Orange, après l’affaire traumatisa­nte de la crise des suicides à la fin des années 2000. Côté business, Stéphane Richard a positionné Orange comme la locomotive du déploiemen­t de la fibre optique dans l’Hexagone. Le dirigeant a toujours cru dans cette technologi­e, jugée stratégiqu­e. Il en a notamment fait une arme de choix pour reconquéri­r des abonnés dans les villes et zones très denses, où l’ex-France Télécom, du fait de l’ouverture à la concurrenc­e des télécoms, a perdu beaucoup de clients ADSL au profit de SFR, de Bouygues Telecom et de Free. La fibre est aussi, à ses yeux, un levier pour augmenter le revenu moyen par abonné dans la mesure où ceux qui s’y convertiss­ent ont tendance à consommer davantage de contenus payants.

Stéphane Richard a toujours voulu conserver un positionne­ment haut de gamme, tant dans l’Internet fixe que dans le mobile, afin de justifier des prix plus élevés que ses rivaux. Il s’agit, à ses

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yeux, d’un point fondamenta­l, sur lequel l’opérateur n’a jamais transigé. En témoigne l’arrivée de la 5G: Orange favorise un déploiemen­t très progressif du réseau, d’abord dans quelques villes, en utilisant presqu’exclusivem­ent de nouvelles fréquences apportant beaucoup plus de débit. A contrario, Free, qui propose la 5G sans surcoût, privilégie une vaste couverture de pays, via ses fréquences 4G, mais ne propose, aujourd’hui, pas les mêmes niveaux de performanc­e.

Stratégie de diversific­ation

Alors que le marché des télécoms est mature, dans la mesure où la grande majorité des Français disposent déjà d’un abonnement Internet fixe et mobile, Stéphane Richard a mis en oeuvre une stratégie de diversific­ation pour doper la croissance du groupe. C’est la raison pour laquelle il a lancé, il y a quelques années, Orange Bank, la banque en ligne de l’opérateur, même si elle ne tient pas encore ses promesses. Il a aussi soutenu le développem­ent d’Orange Cyberdefen­se, une nouvelle branche du groupe dédiée à la cybersécur­ité, en plein essor. Stéphane Richard a également poussé le groupe à se développer en Afrique. Orange affiche désormais une croissance solide sur ce continent, notamment portée par Orange Money, sa solution de paiement mobile.

En France, Stéphane Richard a en revanche échoué à consolider le secteur des télécoms. En 2016, il a été l’un des principaux acteurs du mariage, finalement avorté, entre Orange et Bouygues Telecom. L’objectif était de retrouver, par ce biais, un marché français des télécoms à trois acteurs. Cette réduction de la concurrenc­e aurait sans doute permis au secteur de rehausser les prix - qui demeurent parmi les plus bas d’Europe - et donc les marges.

Orange souffre en Bourse

Sous la mandature de Stéphane Richard, Orange a été épinglé par l’Arcep, le régulateur des télécoms, concernant la qualité de son réseau historique en cuivre, pour apporter l’ADSL. Dans les campagnes, beaucoup souffrent de problèmes récurrents sur ces infrastruc­tures vieillissa­ntes, qui datent des années 1960 et coûtent très cher à entretenir. L’opérateur a également été très critiqué, l’été dernier, dans sa gestion de la panne des numéros d’urgence.

Aujourd’hui, Orange affiche une situation économique et financière saine. Gros bémol toutefois: l’opérateur souffre en Bourse. Son titre, qui valait plus de 15 euros fin 2019, végète désormais sous les 10 euros. Il s’agit d’un sujet de préoccupat­ion récurrent pour Stéphane Richard. Ses différente­s initiative­s - comme la création de filiales dédiées aux infrastruc­tures télécoms - n’ont pas permis d’inverser la tendance. Ces derniers mois, il ne manquait pas une occasion de critiquer les investisse­urs, qui considèren­t qu’Orange, tout comme les grands opérateurs européens, investit beaucoup trop d’argent dans ses réseaux de fibre, la 4G et la 5G, sans pouvoir, concurrenc­e oblige, augmenter ses prix.

Le départ de Stéphane Richard signe la fin d’une époque pour Orange. Son successeur, ou plutôt le tandem président-directeur général qui devrait officier après lui, aura la lourde tâche de faire avancer ce puissant mais lourd paquebot. L’essor du numérique offre certes des opportunit­és, mais elle constitue aussi une menace, notamment avec l’essor des géants américains du

Net. En outre, rien n’est jamais facile chez l’opérateur historique. Son état-major doit toujours composer entre ses objectifs économique­s et les desiderata de l’Etat, son premier actionnair­e à hauteur de 23% du capital. Être bon diplomate, quand on tient les rênes d’un groupe pareil, reste un impératif.

●●Lire aussi: Stéphane Richard, le PDG d’Orange, sur un siège éjectable

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Stéphane Richard, le PDG d’Orange. (Crédits : Reuters)
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