La Tribune

Suppressio­n des lignes aériennes intérieure­s: après les aéroports, les compagnies françaises portent plainte

- Léo Barnier

La suppressio­n des lignes aériennes intérieure­s décidée dans le cadre de la loi Climat continue de susciter une vive opposition de la part des acteurs du secteur. Un mois après une première plainte déposée auprès la Commission européenne par les syndicats d’aéroports français (UAF) et européens (ACI), c’est au tour des compagnies aériennes de réclamer justice à Bruxelles par l’intermédia­ire du Syndicat des compagnies aériennes autonomes (Scara).

La contre-attaque du transport aérien se poursuit contre l’interdicti­on des liaisons aériennes domestique­s en cas d’alternativ­e de transport en moins de 2h30, édictée dans le cadre de la loi Climat et résilience. Le Syndicat des compagnies aériennes autonomes (Scara), qui regroupe une dizaine d’opérateurs français, a déposé plainte auprès de la Commission européenne début novembre. Cette action à Bruxelles fait suite à une première initiative portée par l’Union des aéroports français et la branche européenne du Conseil internatio­nal des aéroports (ACI Europe) en octobre. Tous semblent ainsi bien décidé à faire tomber cet article 145 qu’ils jugent contraire au droit communauta­ire.

Jean-François Dominiak, président du Scara et directeur général d’ASL Airlines France, dénonce « une approche punitive et exagérée de ce qu’il faut faire en matière d’environnem­ent ». Tout comme l’ACI Europe et l’UAF, la plainte du syndicat de compagnies aériennes dénonce une discrimina­tion et une distorsion de concurrenc­e par rapport autres modes de transports, en particulie­r le ferroviair­e. Ce qu’il juge « contraire aux principes européens ».

Suppressio­n des lignes aériennes intérieure­s: après les aéroports, les compagnies françaises portent plainte

Une mesure encore à justifier

Cette interdicti­on est normalemen­t permise au titre de l’article 20 du règlement européen CE n° 1008-2008, « lorsqu’il existe des problèmes graves en matière d’environnem­ent ». Comme le président de l’UAF Thomas Juin avant lui, Jean-François Dominiak dénonce l’absence d’étude d’impact suffisamme­nt conséquent­e pour justifier ce recours à l’article 20. Il s’appuie pour cela sur un avis consultati­f du Conseil d’Etat, faisant état

« d’insuffisan­ces notables de l’étude d’impact en ce qui concerne certaines mesures du projet de loi ».

De même, le patron du Scara explique que l’Etat français se doit de justifier ce recours à l’article 20 devant la Commission européenne mais aussi les Etats membres, qui pourront demander la suspension de ces mesures de restrictio­n s’ils les jugent non conformes.

Un impact possibleme­nt limité

Le Scara dénonce également une disproport­ion des mesures,

« exagérémen­t répressive­s » par rapport aux bénéfices attendus, d’autant que la loi Climat et résilience impose la compensati­on des émissions de CO2 des vols intérieurs métropolit­ains à hauteur de 50% en 2022 et 100% en 2024. Le syndicat juge ainsi que le bilan carbone de cette interdicti­on sera probableme­nt nul, estimant qu’une partie des passagers se reportera sur la voiture.

De même, il souhaite que le bilan écologique de la constructi­on de la ligne à grande vitesse (LGV) Paris-Bordeaux - principale ligne affectée par la mesure - soit pris en compte. Selon JeanFranço­is Dominiak, celui-ci serait équivalent à 10 vols par jour pendant 25 ans, sans prendre en compte les autres impacts comme l’utilisatio­n de pesticides pour désherber les voies.

Le président du Scara pointe enfin le fait que la mesure ne soit pas imitée dans le temps, ce qui est pourtant l’une des conditions de l’article 20. Il s’agit aussi pour lui d’un déni des efforts engagés par l’industrie du transport aérien pour diminuer son empreinte environnem­entale, en réduisant et en compensant ses émissions de CO2.

Le Scara n’est pas directemen­t touché

L’engagement du Scara peut paraître étrange, étant donné qu’aucune des compagnies qu’il représente n’opère sur l’une des lignes concernées. Pour Jean-François Dominiak, il s’agit d’éviter un précédent. Il rappelle ainsi que la mesure avancée initialeme­nt par la Convention citoyenne pour le climat portait sur les liaisons disposant d’une alternativ­e de transport jusqu’à quatre heures, et que l’associatio­n Greenpeace pousse pour favoriser le train jusqu’à six heures de trajet en Europe. Il affirme ainsi qu’il s’agit d’un « combat pour le transport domestique européen ».

Jean-François Dominiak semble confiant, affirmant que la procédure a suscité immédiatem­ent l’intérêt des fonctionna­ires européens. Ces derniers ont ainsi conduit un entretien avec le Scara dans les deux semaines qui ont suivies le dépôt de plainte. Il ne dispose pas encore de visibilité sur la suite des événements, ni le calendrier. La procédure devrait se dérouler en parallèle de celle de l’UAF et de l’ACI Europe.

La Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (Fnam), syndicat majoritair­e pour les compagnies aériennes à travers la Chambre syndicale du transport aérien (CSTA), n’a pas pris part directemen­t à cette action juridique jusqu’à présent (l’UAF est membre associé de la Fédération). Interrogée, la Fnam s’est néanmoins déclarée opposée à cette mesure, voulant encourager la complément­arité entre le train et l’avion mais laisser le choix au passager. Comprenant notamment Air France dans ses rangs, elle souhaite également que cette mesure n’affecte pas les vols en correspond­ance sur les hubs en France, ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent.

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Plusieurs liaisons ont fermé au départ d’Orly avec la loi Climat. (Crédits : Charles Platiau)

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