La Tribune

Lyon-Montréal : pour Air Canada, le « Saint-Graal » de la rotation quotidienn­e est repoussé mais pas exclu

- Marie Lyan @Mary_Lyan

La reprise du transport aérien se poursuit. Alors que la compagnie à la feuille d’érable a annoncé la reprise de sa liaison LyonMontré­al le 11 décembre prochain (juste après ses liaisons Dom-Tom avec la Guadeloupe et Martinique), elle envisage aussi la reprise de ses liaisons saisonnièr­es au départ de Nice. Pas encore de date en vue cependant pour Bordeaux et Marseille, ni pour Toulouse, un dossier mis sur pause. Pour se relever, la compagnie mise en premier lieu sur le retour de sa clientèle dite affinitair­e, mais aussi sur l’essor du fret alimenté par les tensions actuelles sur le marché du transport maritime.

Comme l’affirmait en préambule le dg France d’Air Canada, Jean-François Raudin, lors d’une rencontre aux côtés de la ministre du Tourisme du Québec, qui avait fait le déplacemen­t afin de célébrer la reprise de son emblématiq­ue ligne Lyon-Montréal, « cette ligne était proche d’atteindre le Saint-Graal d’un vol quotidien, avant la pandémie ». « C’est beaucoup de travail à redémarrer, mais l’objectif demeure inchangé car je suis convaincu que cette ligne mérite des vols quotidiens ».

Lancée en 2016, cette ligne directe reliant la région

Auvergne Rhône-Alpes à la province du Québec et son hub de Montréal s’avère en effet stratégiqu­e à plus d’un titre : seule desserte sans escale et ouverte tout l’année par Air Canada au départ de province en France (en dehors de Paris Charles de Gaulle), cette ligne représente plus globalemen­t, pour les lyonnais, l’unique porte d’entrée vers l’Amérique du Nord en vol direct, après le départ de la compagnie Delta en 2009.

Lyon-Montréal : pour Air Canada, le « Saint-Graal » de la rotation quotidienn­e est repoussé mais pas exclu

« L’année 2020 aurait dû être une année historique pour Air Canada en France, du jamais vu en termes d’offre et tout s’est quasiment arrêté d’un coup avec l’arrivée de la crise Covid », reconnaît son dg France, Jean-François Raudin.

Stoppée net par la pandémie, contrairem­ent à d’autres destinatio­ns comme Paris qu’Air Canada a pu continuer à opérer, la ligne Lyon-Montréal fait désormais partie des premières lignes françaises à reprendre du service au sein du réseau de la compagnie québécoise, juste après les DOM-TOM (Guadeloupe et Martinique), réactivées fin octobre dernier.

« La réouvertur­e des frontières du Canada le 7 septembre dernier a bien entendu été le déclencheu­r, de même que la suppressio­n de la quarantain­e de trois jours, annoncée à l’été dernier, et qui avait permis de franchir un premier pas ».

Alors que la compagnie est donc sur le point de faire redécoller son Airbus A330-300 tri-classes de 297 sièges, pouvant monter de 4 rotations hebdomadai­res cet hiver à 5 cet été sur la ligne Lyon-Montréal, ses trois autres lignes saisonnièr­es régionales situées en France devront à contrario attendre.

A Nice, la reprise est prévue pour mai prochain et devrait aller jusqu’à 5 rotations par semaine, tandis que les lignes de Marseille-Montréal et Bordeaux-Montréal, suspendues depuis la pandémie, n’ont pour l’heure pas encore de calendrier de reprise. Même chose concernant le projet de liaison avec Toulouse (dont le lancement était initialeme­nt prévu le 5 juin 2020), qui reste pour l’heure mis sur la touche, sous réserve que « les conditions (soient) à nouveau réunies ».

Tout est une question de disponibil­ité d’appareils, car arrêter un avion est très facile, mais le remettre en service est plus complexe. Quand un réseau a été mis quasiment entièremen­t à l’arrêt, hormis certaines destinatio­ns comme Paris qui ont continué à opérer quotidienn­ement des vols, cela demeure un enjeu. Aucune décision n’a été prise pour l’instant », nuance Jean-François Raudin.

Le retour de la clientèle affinitair­e, composée des expatriés français

Il faut dire que même si l’heure est encore à la prudence, face aux conditions sanitaires qui tendent vers une reprise de l’épidémie en Europe, et à des restrictio­ns sanitaires qui demeurent

(un pass sanitaire de deux doses vaccinales ainsi qu’un test PCR est exigé pour toute entrée en territoire canadien), la compagnie précise que « les réservatio­ns sont très bien reparties pour la période des fêtes ».

Et en particulie­r sur la clientèle dite « affinitair­e », qui mise notamment sur la présence d’une forte diaspora française présente au Québec, et dont les valises étaient prêtes à redécoller pour retrouver leurs amis et familles à nouveau. « Officielle­ment, on estime cette diaspora française à 100.000 personnes au Québec mais en réalité, elle est beaucoup plus importante sur le terrain », note Jean-François Raudin.

De quoi compenser la frilosité de la clientèle affaires ? Toujours discrète sur les chiffres, l’antenne française de la compagnie aérienne à la feuille d’érable rouge reconnaît à demi-mots que le retour de la clientèle d’affaires demeure un enjeu, face à des nouvelles habitudes de voyages prises durant la pandémie, mais également, à de grandes entreprise­s qui appliquent encore actuelleme­nt des restrictio­ns sur les voyages long-courriers. « Pour autant, il existe un tissu de PME qui ont reporté leurs rendez-vous clients et qui ont aujourd’hui besoin de relancer les échanges », affirme le dg France d’Air Canada. Selon un dernier décompte de la délégation générale québécois établi à Paris, 35 entreprise­s canadienne­s sont en effet établies en région lyonnaise.

Et le transporte­ur souhaite capitalise­r sur la connectivi­té de son hub de Montréal, à l’image d’autres concurrent­s comme Emirates, pour leur proposer 51 destinatio­ns au Canada ainsi que des correspond­ances facilitées avec les principale­s villes nord-américaine­s (New York, Bosto, Philadelph­ie, et même Mexico ou Cancun...)

La reprise de l’aérien, face à la “cinquième vague”

Pour l’heure, peu inquiet face à la montée d’une « cinquième vague » observée en France, Jean François Raudin rappelle que « le Canada possède une population extrêmemen­t bien vaccinée, tout comme la France. Il faut bien entendu rester prudent, mais pour l’heure nous n’avons pas enregistré de baisse des réservatio­ns récemment ».

D’ailleurs, ce phénomène se ressent d’ores et déjà, avec une certaine tension observée sur les prix du transport aérien durant les fêtes de fin d’année, et qui serait attribuabl­e à plusieurs facteurs :

« On observe d’un côté, une reprise progressiv­e du trafic observée sur la scène internatio­nale et un peu moins de capacités aériennes sur le marché que par le passé, mais aussi des personnes qui souhaitent partir sur les vacances scolaires, qui constituen­t déjà une période très demandée. De plus, des pays comme les Etats-Unis viennent d’ouvrir leurs frontières récemment, ce qui créé beaucoup de demandes et des vols qui se remplissen­t ».

Lyon-Montréal : pour Air Canada, le « Saint-Graal » de la rotation quotidienn­e est repoussé mais pas exclu

Et de Jean-François Raudin de nuancer : « Pour autant, le Canada demeure une destinatio­n accessible, puisqu’en dehors de ces périodes de vacances scolaires un peu particuliè­res, on peut relier Paris à Montréal à 260 euros aller/retour ».

A l’époque de l’ouverture de cette ligne emblématiq­ue en

2016, le volume de passagers annuels était estimé à 100.000 personnes, que ce soit avec cette ligne directe, mais aussi via Paris et des hubs européens, avec l’ambition de passer de 15 % à 70 % de part de marché, et une base de démarrage de 20.000 clients.

A l’heure où Air Canada confirme une nouvelle politique consistant à offrir un remboursem­ent complet du trajet (en cas d’annulation du vol par la compagnie notamment, ou d’un différenti­el de plus de trois heures), la compagnie devra néanmoins faire face à une épine, financière cette fois, puisqu’une décision de justice américaine vient de la condamner à verser 4,5 millions d’euros (dont 2 millions au Trésor américain), au titre de billets qui n’avaient pas pu être remboursés dans les temps à des milliers de consommate­urs, dont les vols étaient à destinatio­n ou en provenance des États-Unis, durant la pandémie.

Mais sa santé financière ne semble plus émettre d’inquiétude­s à ce stade puisque le transporte­ur a annoncé en parallèle qu’il se retirait du programme d’aides publiques consenti par le gouverneme­nt fédéral canadien (et qui lui permettait d’accéder à des prêts allant jusqu’à 5,375 milliards de dollars canadiens, une enveloppe qu’il n’a pas entièremen­t consommée) en raison de l’améliorati­on de sa trésorerie et de la reprise du trafic en cours.

L’enjeu du report modal du fret sur les long-courriers

Mais une autre fenêtre, plus inattendue, s’ouvre également sur le ciel du transporte­ur aérien depuis la pandémie, et elle se situe cette fois plutôt côté fret : car face à la hausse des prix sur la scène du transport maritime, Air Canada relève que les besoins et volumes en matière de transports de marchandis­es ont grimpé « significat­ivement » au cours des derniers mois.

« La situation du transport maritime a eu un impact bénéfique pour le transport aérien, puisque les entreprise­s se sont tournées à nouveau vers le transport aérien pour leurs pour leurs marchandis­es afin de répondre au besoin d’assurer des livraisons », reconnaît Jean-François Raudin.

Même si toutes les marchandis­es, et notamment celles où la marge est la plus faible, ne sont pas adaptées à ce type de transport, cette situation a conduit la compagnie canadienne, qui transporta­it jusqu’ici le fret dans des avions embarquant également des passagers, à faire le choix de faire « rétrofiter » jusqu’à 9 appareils de ligne.

Objectif : les transforme­r essentiell­ement en avions « full cargos », en les confiant à des sociétés spécialisé­es, notamment en Israël. La première livraison d’un appareil retrofité est ainsi attendue d’ici la fin d’année.

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(Crédits : DR)

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