La Tribune

Climat : atteindre les 1,5 degré grâce à la Tech ?

- Laurence Daziano

OPINION. Les COP sont surtout des sommets où les décisions des Etats prédominen­t. Pourtant, nombre d’entreprise­s ont pris au sérieux la lutte contre le réchauffem­ent climatique, dont les géants du numérique qui appliquent des mesures qui mériteraie­nt d’être prises davantage en compte. Par Laurence Daziano, maître de conférence­s en économie à Sciences Po, et membre du conseil scientifiq­ue de la Fondation pour l’innovation politique.

L’accord de Glasgow, conclu à l’issue de la COP26, devrait apporter une contributi­on à la lutte contre le changement climatique même s’il n’atteint pas les objectifs permettant de contenir le réchauffem­ent au cours du siècle à venir à 1,5°C comme le préconise l’accord de Paris.

A Glasgow, ce sont encore les Etats qui ont été les plus mobilisés. Plus de 150 Etats sur 196 ont déposé de nouveaux engagement­s climatique­s pour 2030, et plus de 80 d’entre eux, représenta­nt trois quarts des émissions mondiales, ont promis la neutralité carbone pour 2050. Cependant, ces engagement­s ont encore pour conséquenc­e un réchauffem­ent de 2,7°C à la fin du siècle par rapport à l’ère préindustr­ielle. Ces nouveaux engagement­s entraînera­ient une hausse de 14% des émissions de CO2 d’ici à 2030 par rapport à 2010, alors qu’il faudrait les réduire de 45% pour limiter le réchauffem­ent à 1,5°C.

Faire une place plus large aux entreprise­s

Les COP, qui fonctionne­nt encore largement sur le principe des contributi­ons étatiques, devraient faire une place plus large aux entreprise­s pour lutter plus efficaceme­nt et plus rapidement contre le réchauffem­ent climatique. L’écologisat­ion de nos économies va passer par l’électrific­ation de nos modes de vie, ce qui pose la question de la relance du nucléaire civil, de l’accélérati­on de la constructi­on des énergies renouvelab­les ou de la contributi­on climatique des entreprise­s de la Tech.

L’accélérati­on de la digitalisa­tion des économies invite à poser la question de la participat­ion des GAFA à la lutte contre le changement climatique. Les GAFA ont déjà lancé des programmes de sensibilis­ation environnem­entale pour leurs salariés, de recours aux énergies renouvelab­les pour leurs four

Climat : atteindre les 1,5 degré grâce à la Tech ?

nisseurs, voire de reforestat­ion. A des degrés divers, les géants de la Tech se sont fixés pour objectif de neutralise­r complèteme­nt leurs émissions de CO2. Google considère avoir déjà atteint cet objectif depuis 2007, ce qui signifie en réalité que le groupe continue à émettre plusieurs millions de tonnes de CO2 par an (5,2 millions en 2019), mais qu’il compense ces émissions en investissa­nt dans des projets « propres ». Amazon déclare sur son site avoir déjà réduit l’intensité carbone de ses activités de commerce en ligne et de Cloud et se dit « convaincu de pouvoir parvenir à la neutralité carbone d’ici 2040 ». Facebook, de son côté, « s’est fixé un nouvel objectif ambitieux de zéro émission nette pour sa chaîne de valeur d’ici 2030 ». Quant à Apple, son « objectif est d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2030 ».

Première pierre d’une politique climatique

En réalité, ces déclaratio­ns et ces efforts sont la première pierre d’une politique climatique qui doit être bien plus ambitieuse. Par exemple, Google a dévoilé des outils permettant aux clients de sa filiale cloud de mesurer et de réduire leur empreinte carbone, ou encore a ajouté des vidéos sur GoogleEart­h permettant de visualiser la transforma­tion de certaines zones géographiq­ues, telles que les zones côtières ou les glaciers avec des images satellites prises depuis 37 ans. Google et YouTube ont également durci leur règlement, le 7 octobre dernier, contre les publicités et les contenus qui nient le réchauffem­ent climatique. Les publicités et la monétisati­on des contenus qui « contredise­nt le consensus scientifiq­ue bien établi autour de l’existence et des causes du changement climatique » sont désormais interdits sur la première plateforme mondiale.

L’atteinte de l’objectif de l’accord de Paris pour limiter le réchauffem­ent climatique à 1,5°C nécessiter­a, pour les prochaines COP, de trouver de nouveaux engagement­s pour aller au-delà de ceux des Etats. Il est temps d’y associer pleinement, au-delà des investisse­urs, les acteurs technologi­ques et digitaux qui y apporteron­t de nouvelles contributi­ons concrètes pour sauver notre planète. Prenons-les au mot !

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Laurence Daziano. (Crédits : DR)

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