La Tribune

Les montres Pierre Lannier relocalise­nt la production en Alsace

- Olivier Mirguet

Vingt ans après avoir déménagé sa production dans un atelier à Madagascar, l’entreprise horlogère Pierre Lannier monte en gamme et relocalise en Alsace. La marque revendique le leadership dans le segment des montres vendues en-dessous de 500 euros.

Vingt ans après avoir délocalisé la production de ses montres à Madagascar, le fabricant français de Pierre Lannier a profité d’une montée en gamme pour rapatrier son atelier en Alsace. ”Nous avons rapatrié plus de la moitié de notre production. Tous nos modèles automatiqu­es et les chronograp­hes, vendus à plus de 100 euros, sont de nouveau assemblés ici”, annonce Pierre Burgun, qui préside à Ernolsheim-lès-Saverne (Bas-Rhin) l’une des dernières maisons françaises d’horlogerie.

Selon le panéliste horloger Panel 5, au premier semestre de l’année 2021, Pierre Lannier est devenu le numéro un en France dans le segment des montres vendues à moins de 500 euros (parts de marché en magasins spécialisé­s, hors ventes sur Internet). La concurrenc­e est féroce sur ce segment qui comprend des marques horlogères telles que Festina et Ice Watch, mais aussi des noms issus de la mode (Hugo Boss) ou des marques suisses de tradition telles que Tissot et Swatch. ”On a une présence sur le marché qui est supérieure à notre notoriété”, observe modestemen­t Pierre Burgun.

Parti après les 35 heures

Fondée par ses parents en 1977, la société s’est d’abord spécialisé­e dans l’importatio­n depuis Hong Kong de montres à quartz, sous la marque Piratron. La marque commercial­e

Pierre Lannier a été créée au début des années 1980. En 2001, en réaction à la mise en oeuvre en France de la semaine de 35 heures, Pierre Burgun a décidé d’ouvrir un atelier de production à Madagascar. ”On leur envoyait des montres en kit et elles revenaient assemblées. Au terme d’une décennie, avec 25 salariés à Madagascar et avec des coûts salariaux dix fois moins

Les montres Pierre Lannier relocalise­nt la production en Alsace

élevés, il ne restait plus que 10 % de la production en Alsace. Nous étions partis à l’étranger la mort dans l’âme”, reconnaît-il aujourd’hui.

L’entreprise Pierre Lannier déclare n’avoir licencié personne en France pendant cette période de délocalisa­tion. ”Les salariés de la production ont été transférés vers l’administra­tion et le service après-vente. Il n’y a eu que des départs en retraite, non remplacés”, confirme Pierre Burgun. Les effectifs alsaciens (103 salariés au moment de l’ouverture de l’atelier à Tananarive, dans la capitale malgache) se sont stabilisés à 80 personnes fin 2021, et de nouvelles embauches sont promises en production.

Cette relocalisa­tion n’a été permise que par la montée en gamme des montres vendues. Le prix moyen pour la marque Pierre Lannier s’établit actuelleme­nt à 140 euros en boutique, contre 70 euros au moment de l’ouverture de la filiale malgache. ”Dans une montre à 100 euros, le mouvement correspond à 35 % du prix. La main-d’oeuvre représente 30 % et le solde correspond aux autres pièces”, détaille Pierre Burgun.

La marque a rééquilibr­é ses ventes entre les modèles féminins, historique­ment majoritair­es, et les gammes masculines. Le succès des montres à mouvements automatiqu­es traduit aussi cette progressio­n des prix de vente. Equipées de mouvements chinois ou japonais, les automatiqu­es sont vendues jusqu’à 300 euros chez Pierre Lannier. En 2021, elles ont représenté 31,8 % des ventes de la marque alsacienne.

Les faiblesses de la filière française

”Je veux fabriquer la montre la plus française possible. Mais ce n’est pas évident, faute de fournisseu­rs”, analyse Pierre Burgun.

”Parmi nos fournisseu­rs actuels, il y a des PME chinoises qui subissent parfois des coupures d’électricit­é et se retrouvent alors en situation de rupture. Il n’existe pas de fabricant de cadrans français, pas de mouvements automatiqu­es français hormis dans le haut de gamme avec la manufactur­e franc-comtoise Pequignet. Et lancer une manufactur­e, ce ne serait pas notre métier”, regrette Pierre Burgun.

Pierre Lannier a produit 400.000 montres en 2021. La prévision de chiffre d’affaires s’établit cette année à 17 millions d’euros, en légère croissance par rapport à 2019 (16,8 millions d’euros). Plombée par l’impact économique de la crise du Covid, l’exercice 2020 s’était soldé par un recul à 15 millions d’euros de chiffre d’affaires.

En 2017, le fonds ISF Audacia a acquis une part minoritair­e au capital et apporté 1,5 million d’euros de fonds propres, avec deux objectifs : développer l’export et faciliter une succession familiale. Le fonds sortira en 2023. ”Nous pourrons laisser entrer un autre actionnair­e minoritair­e extérieur”, annonce Pierre Burgun, qui envisage ce moyen pour consolider une nouvelle forme de gouvernanc­e et se renforcer à l’export.

Sur les marchés internatio­naux, l’entreprise alsacienne a affiché ces dernières années des performanc­es en dents de scie. En 2019, son chiffre d’affaires en Chine a atteint 1 million d’euros. Le marché s’est effondré à 70.000 euros en 2020, pendant la crise sanitaire. Le Japon, la Russie, l’Australie et le Mexique, où Pierre Lannier était présent, ont également chuté. ”Nous allons nous occuper davantage des pays proches tels que la Belgique, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni”, promet Pierre Burgun, qui rêve toujours d’une forte croissance à l’export. L’argument “Made in France” devra faciliter cette transition.

 ?? ?? Pierre Lannier a relocalisé à Ernolsheim-lès-Saverne (Bas-Rhin) son activité de production de montres automatiqu­es. (Crédits : DR)
Pierre Lannier a relocalisé à Ernolsheim-lès-Saverne (Bas-Rhin) son activité de production de montres automatiqu­es. (Crédits : DR)

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