La Tribune

Comment les banques peuvent participer à la lutte contre le changement climatique

- Andrew Fraser

OPINION. abrdn a analysé 23 banques au niveau mondial pour évaluer où elles en sont dans leur parcours de transition climatique. En tant qu’investisse­ur dans le secteur bancaire, ce grand gérant d’actifs entend agir pour accélérer la transforma­tion du secteur bancaire afin qu’il joue un rôle clé dans la lutte contre le réchauffem­ent climatique. Par Andrew Fraser, Head of Research, Financials and Fixed Income, abrdn

”Ils parlent, mais ils ne font rien”, c’est ainsi que la reine a exprimé sa frustratio­n à l’égard des dirigeants mondiaux à la veille de la COP26. La même accusation pourrait être portée à l’encontre des grandes banques mondiales. Elles financent les plus grandes entreprise­s du monde et ont un rôle énorme à jouer pour enrayer le changement climatique. Mais l’opportunit­é n’a pas encore été pleinement saisie.

Les banques pourraient jouer un rôle majeur dans le financemen­t de la transition vers un avenir à faible émission de carbone, mais, depuis la signature de l’Accord de Paris en 2015, le financemen­t des combustibl­es fossiles par les banques a augmenté pour être plus élevé en 2020 qu’en 2016...

Certes, depuis quelque temps déjà, les plus grandes banques du monde ont proclamé leur engagement en faveur de la transition énergétiqu­e verte. La plupart d’entre elles ont mis en place des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que des politiques de désinvesti­ssement et des objectifs visant à améliorer leurs taux de prêt aux entreprise­s durables. Nombreuses sont celles qui émettent également des obligation­s vertes, qui permettent d’orienter les capitaux vers des projets et des entreprise­s durables.

Comment les banques peuvent participer à la lutte contre le changement climatique

Aujourd’hui, en tant que gestionnai­res d’actifs, nous voulons les convaincre d’aller plus loin et de faire de du financemen­t de la transition énergétiqu­e une priorité absolue. Les banques disposent des ressources nécessaire­s pour financer la transition du monde vers une économie à faible émission de carbone, mais elles continuent de sous-utiliser cette énorme opportunit­é. Le financemen­t de la transition climatique offre, en effet, un énorme potentiel de croissance. On estime que la transition énergétiqu­e mondiale nécessite un financemen­t de 3.000 à 5.000 milliards de dollars par an. Cela fait plus que compenser la réduction annuelle estimée à 2.000 milliards de dollars des activités traditionn­elles. C’est une opportunit­é qui ne se présente qu’une fois par génération...

Comment les banques peuvent-elles agir ?

Une centaine d’entreprise­s dans le monde sont responsabl­es de 70 % des émissions mondiales. Les banques qui financent leurs activités ont donc le pouvoir de provoquer le changement. En tant qu’investisse­ur, notre objectif est de faire la lumière sur la situation actuelle et d’encourager les prêteurs à faire mieux. Ainsi, nous avons compilé des données pour nous aider à comprendre où en sont les banques dans leur parcours de transition climatique et qui sont, selon nous, les leaders et les retardatai­res. Nous avons ainsi évalué 23 banques mondiales en fonction de divers facteurs. Nous avons constaté que les banques britanniqu­es se situent dans le premier quartile. Barclays, HSBC et

RBS font partie de celles qui ont les plans les mieux définis alors que Bank of China et la banque française BFCM sont à la traîne... Parmi ces facteurs, nous avons évalué comment les banques entendent maîtriser leurs émissions internes, mesurent les émissions financées et ajustent leur politique de prêts aux entreprise­s et aux particulie­rs.

Maîtriser les émissions internes

Toute entreprise doit avoir pour premier objectif de maîtriser ses propres émissions internes. Les banques génèrent des émissions de carbone en chauffant et en climatisan­t les bureaux, liées à des déplacemen­ts, en produisant du matériel et en faisant fonctionne­r leurs systèmes informatiq­ues. Pour maîtriser leurs émissions internes, elles peuvent réduire leur consommati­on d’énergie, utiliser des énergies renouvelab­les, recycler et gérer des bureaux durables. Les émissions restantes peuvent être compensées par des programmes de reforestat­ion de qualité. Il ne s’agit pas de planter les forêts les moins chères du marché, mais de créer des sites qui offrent des avantages globaux en termes de biodiversi­té et d’environnem­ent dans une optique de long terme, 100 ans ou plus.

Mesurer les émissions financées

Une fois que les banques se sont occupées de leurs propres émissions, elles peuvent s’intéresser aux entreprise­s qu’elles financent. La première étape de la gestion des émissions consiste à les mesurer. La norme Partnershi­p for Carbon Accounting Financials (PCAF) est utile à cet égard. Il s’agit d’une initiative du secteur qui fournit des conseils méthodolog­iques détaillés sur la mesure des émissions de gaz à effet de serre (GES) associées aux prêts et aux investisse­ments.

Nous n’avons trouvé que sept banques qui mesurent clairement la majorité de leurs émissions financées (provenant des activités bancaires et d’investisse­ment). La méthodolog­ie utilisée pour ce faire varie, par exemple, Rabobank utilise la méthodolog­ie PCAF tandis que Barclays a développé une méthode interne de comptabili­té carbone “BlueTrack”. Nos résultats, compilés au premier semestre 2021, montrent que 13 banques (sur un échantillo­n de 23 banques mondiales) ont un objectif net zéro d’ici 2050 qui inclut les émissions qu’elles financent. Cependant, seules trois de ces banques ont un objectif intermédia­ire - par exemple, Lloyds s’est engagée à réduire de moitié les émissions de carbone générées par les projets qu’elle finance d’ici 2030. Sans objectifs intermédia­ires clairs, il est difficile de voir le chemin vers le net zéro. HSBC, par exemple, s’est fixé un objectif net zéro en 2050, mais en l’absence d’objectifs intermédia­ires à l’échelle de l’entreprise, il est difficile d’évaluer si cet objectif sera atteint.

Une nouvelle stratégie de prêts

Nous voulons que chaque grande banque publie une stratégie ambitieuse, à l’échelle du groupe, sur le changement climatique, qui détaille le scénario sur lequel la banque entend s’aligner.

Cette stratégie, ainsi que les politiques et les objectifs qui y sont associés, ne doivent pas seulement être approuvés par le conseil d’administra­tion, mais être activement défendus et pilotés par celui-ci. Cela permettra de s’assurer que des mesures sont prises dans l’ensemble de l’organisati­on, plutôt que d’être confiées uniquement à une équipe chargée du développem­ent durable. Dans le cadre de notre recherche, nous n’avons trouvé que cinq banques dont le changement climatique est un point permanent à l’ordre du jour du conseil.

Chaque aspect du processus d’allocation de capital devrait intégrer des considérat­ions climatique­s. Les prêteurs doivent envisager à la fois l’exclusion négative, c’est-à-dire ne pas prêter aux émetteurs de GES, et l’inclusion positive, c’est-à-dire prêter aux entreprise­s qui apportent des solutions au changement climatique.

Comment les banques peuvent participer à la lutte contre le changement climatique

Il est important pour nous que l’accent soit mis sur le soutien aux entreprise­s durables. Par exemple, HSBC s’est engagée à consacrer entre 750 milliards et 1.000 milliards de dollars au financemen­t durable au cours des dix prochaines années. Certaines banques proposent désormais des taux de prêt plus avantageux aux entreprise­s présentant des références ESG plus élevées, et le marché des prêts verts ou des prêts liés à la durabilité est en pleine expansion.

Prêts durables aux particulie­rs

L’accent mis sur la priorité accordée aux prêts durables ne s’applique plus seulement aux clients profession­nels. La banque néerlandai­se ABN Amro affirme que son portefeuil­le de prêts hypothécai­res génère plus d’émissions de gaz à effet de serre que ses prêts aux entreprise­s minières ou industriel­les. Nous souhaitons donc voir les banques mettre en place de nouveaux modes de fonctionne­ment ambitieux avec leurs clients particulie­rs, en mettant l’accent sur l’action en faveur du changement climatique. L’année dernière, NatWest a lancé le premier “prêt hypothécai­re vert” du Royaume-Uni, qui offre des taux d’intérêt plus bas aux emprunteur­s pour des maisons plus efficaces sur le plan énergétiqu­e. Natwest prévoit également d’aider les clients existants à financer des améliorati­ons écologique­s de leur maison à des taux avantageux par le biais de leur prêt hypothécai­re actuel. Lloyds cherche à développer ses prêts pour les véhicules électrique­s.

Pour nous, une préoccupat­ion majeure est que les banques de détail sont bien en retard par rapport à leurs homologues des entreprise­s en ce qui concerne la quantifica­tion de l’empreinte carbone de leur portefeuil­le de prêts. Lloyds et NatWest se sont engagées à réduire de moitié les émissions liées à leur portefeuil­le de prêts, mais elles n’ont pas encore déterminé l’ampleur de ces émissions...

Il faut que toutes les grandes banques, qu’il s’agisse de banques d’affaires ou de banques de détail, se retirent des entreprise­s qui n’améliorent pas leur durabilité, proposent des financemen­ts verts aux clients qui le font, établissen­t un bilan carbone de leur portefeuil­le de prêts et s’engagent sérieuseme­nt à réduire les émissions. Il n’y a pas de temps à perdre. Le moment est venu d’agir et l’opportunit­é de changement positif et de croissance est énorme.

 ?? ?? L’année dernière, NatWest a lancé le premier “prêt hypothécai­re vert” du Royaume-Uni, qui offre des taux d’intérêt plus bas aux emprunteur­s pour des maisons plus efficaces sur le plan énergétiqu­e. Natwest prévoit également d’aider les clients existants à financer des améliorati­ons écologique­s de leur maison à des taux avantageux par le biais de leur prêt hypothécai­re actuel. (Crédits : Reuters)
L’année dernière, NatWest a lancé le premier “prêt hypothécai­re vert” du Royaume-Uni, qui offre des taux d’intérêt plus bas aux emprunteur­s pour des maisons plus efficaces sur le plan énergétiqu­e. Natwest prévoit également d’aider les clients existants à financer des améliorati­ons écologique­s de leur maison à des taux avantageux par le biais de leur prêt hypothécai­re actuel. (Crédits : Reuters)

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