« Les jeunes des quartiers difficiles ont le profil parfait de l’entrepreneur » (Nadia Hai, ministre de la Ville)
ENTRETIEN- En visite à nouveau dans la Cité phocéenne ces 2 et 3 décembre, la ministre de la Ville vient lancer les appels à initiative des Carrefours de l’entreprenariat, ce guichet unique voué à déceler et accompagner les talents dans les quartiers difficiles et qui fait partie du Plan Marseille en Grand annoncé début septembre par Emmanuel Macron. Une initiative extrêmement guettée, notamment par les chefs d’entreprise, prêts à accueillir, former, parfois même financer les projets considérés comme pérenne. Sans oublier l’impact sur le volet sécuritaire, loin d’être neutre à Marseille.
LA TRIBUNE - Votre venue dans la Cité phocéenne s’inscrit dans la suite du Plan Marseille en Grand et plus particulièrement de la mise en place des Carrefours de l’entreprenariat.
Quelle est la philosophie de ces Carrefours ?
NADIA HAI - Nous avons dressé un constat qui est assez significatif : le pourcentage de créations d’entreprises atteint 30% dans le centre-ville de Marseille alors qu’il n’est que de 24% dans les quartiers Nord. Ce sont des chiffres qui ne peuvent être acceptés. Les jeunes des quartiers ont envie de prendre des risques et, par conséquent, ils possèdent totalement le profil de l’entrepreneur. Nous avons envie d’aider ces jeunes qui font face à des difficultés dans le processus de création d’entreprise, difficultés qui se manifestent souvent par un manque d’information, d’accompagnement, de confiance des banques à les financer. Ce que nous voulons tester à Marseille, c’est de faire de ces Carrefours un lieu, un guichet unique où les jeunes pourront trouver toutes les informations et l’accompagnement nécessaires.
« Les jeunes des quartiers difficiles ont le profil parfait de l’entrepreneur » (Nadia Hai, ministre de la Ville)
Le principe des Carrefours de l’entreprenariat a été annoncé en septembre dernier, lors de la venue du président de la République à Marseille. A quelle échéance seront-ils opérationnels ?
L’idée est de les concrétiser très vite, en 2022. Ce jeudi 3 décembre, nous lançons les appels à initiative dans ce sens. Certaines structures comme L’Épopée (accélérateur dédié à l’innovation éducative et inclusive, Ndlr ou le Carburateur (pôle entrepreneurial, installé dans les quartiers Nord Ndlr) se sont proposées pour devenir Carrefours de l’entreprenariat. Nous voulons que l’accompagnement dispensé soit un accompagnement pérenne, qui s’inscrive dans l’environnement du jeune, que celui-ci est une perspective à 360°.
Ces Carrefours ne sont-ils pas une façon de mieux faire entrer l’idée de l’entreprenariat dans les quartiers dits difficiles ?
Beaucoup de jeunes de ces quartiers ont un objectif professionnel, mais face à la complexité, au manque d’information, il leur est compliqué de franchir le pas. Alors qu’ils sont nombreux à vouloir se réfugier vers la création d’entreprise. Dans mon parcours j’ai connu le monde bancaire anglo-saxon où il existe une vraie appétence à la prise de risque. En France, le rapport avec la prise de risque est plus compliqué. Ce goût pour le risque, les jeunes des quartiers le possèdent déjà, ne serait-ce parce qu’ils sont en insécurité permanente. L’objectif est réellement de faire émerger ceux qui possèdent un talent certain, que ce soit dans l’art ou le BTP. Nous voulons détecter les jeunes créateurs et pour cela nous allons nous appuyer sur les éducateurs, les médiateurs, le tissu associatif. En parallèle de tous les projets de Marseille en Grand, je lance un travail de cocréation avec les associations afin de rendre toutes les initiatives le plus efficaces possibles. Notre objectif est d’accompagner 1.000 jeunes chaque année..
Comment capter les talents, ceux qui ne sont pas forcément faits pour être dirigeants ?
Nous voulons multiplier tous les dispositifs d’aller vers l’entreprenariat. L’objectif n’est pas d’en faire un millefeuille. Une Cité de l’emploi a été labellisée, avec l’idée de mettre autour de la table toutes les personnes qui parlent d’emploi, les entreprises, les acteurs privés, les représentants de l’Etat... La Cité de l’emploi, c’est une méthode de travail qui catalyse toutes les politiques de la ville vers un objectif. Si cette méthode est efficace, alors nous démultiplierons partout en France. En favorisant l’entreprenariat et l’emploi, on participe à la politique sécuritaire.
Le Club Top 20, qui réunit les 50 plus grandes entreprises du territoire d’Aix-Marseille, s’est déjà engagé, qu’attendez-vous des autres entreprises ?
Une soixantaine d’entreprises a déjà signé le PAQTE (Pacte pour les quartiers avec toutes les entreprises NDLR), nous disant ainsi leur volonté de s’investir. Il est assez inédit que des acteurs du privé se mobilisent ainsi. Je ne vise pas que les grandes entreprises, mais toutes les entreprises. Le défi que nous avons en face de nous est sociétal. L’objectif est que tous les jeunes soient sur la même ligne de départ. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Or, les entreprises ont un besoin de recrutement de compétences, elles ont besoin de profils qui correspondent à leurs besoins et elles se disent prêtes à former. Un fossé s’est creusé entre les entreprises et les quartiers, alors que les deux poursuivent le même chemin.