La Tribune

“Airbus des paiements” : le projet EPI cale au démarrage

- Eric Benhamou

Le conseil d’administra­tion d’EPI (European Payments Initiative) a donné, lundi 29 novembre, son feu vert à l’unanimité pour la création d’une société cible, véritable acte de naissance du projet paneuropée­n des paiements, promu par 30 banques européenne­s. En revanche, des désaccords subsistent sur le montant des investisse­ments et la quote-part de chacun au capital de la société. Un accord définitif sur la répartitio­n du capital doit intervenir avant la fin de l’année.

C’est finalement une fumée grise qui est sortie du conclave de trente banques européenne­s lundi pour le lancement du projet EPI (European Payments initiative), qui vise à créer un nouveau standard européen des paiements.

Côté fumée blanche, le conseil d’administra­tion de l’Interim company, structure temporaire créée pour jeter les bases du projet, a voté, comme nous l’annoncions vendredi, le principe de transforme­r la société intérimair­e d’EPI en une société permanente (Target company). C’est l’acte de naissance officiel du lancement du projet, qui doit s’étaler sur plusieurs années. « Une première étape importante a été franchie par le conseil d’administra­tion d’EPI le 29 novembre : le conseil d’administra­tion d’EPI a exprimé son intention de transforme­r la société intérimair­e d’EPI en société cible », indique ainsi un discret communiqué d’EPI, publié ce jour sur son site. Mais côté fumée noire, les actionnair­es du projet ne sont pas encore parvenus à un accord sur le montant du capital de la société cible et, par conséquent, la quote-part de chacun des actionnair­es. « Chaque actionnair­e finalise maintenant son propre processus de décision interne. La liste des actionnair­es de la société holding d’EPI sera connue d’ici la fin de l’année », ajoute ainsi prudemment le communiqué.

Encore des résistance­s

De fait, certaines grandes banques présentes dans le projet se montrent toujours réservées sur l’ampleur des investisse­ments à réaliser. Or, pour les promoteurs du projet, il ne s’agit pas de faire dans de la demi-mesure mais bien de frapper vite et fort.

Ce sont notamment certaines banques espagnoles, nombreuses dans le projet, qui hésitent le plus à s’engager sur un projet de

“Airbus des paiements” : le projet EPI cale au démarrage

grande ampleur. Il faut reconnaîtr­e qu’elles ont, ces dernières années, lourdement investi dans leur infrastruc­ture de paiement, notamment dans le domaine du paiement mobile avec le service Bizum qui a réussi à s’imposer auprès de la clientèle bancaire. Il reste donc encore deux semaines pour convaincre avant de démarrer les investisse­ments dès 2022.

La question financière est évidemment la clé de de voûte du projet qui se veut une alternativ­e crédible en Europe aux géants américains Visa et Mastercard, voire aux ambitions des BigTechs dans le domaine du paiement. Or, à des degrés divers, chaque pays dispose de ses infrastruc­tures de paiement, qu’il est impossible de faire converger toutes vers un système unique.

Plusieurs milliards d’euros

En clair, il faudra faire des sacrifices et abandonner certains systèmes ou adapter les autres. A ce jeu, les banques françaises semblent prêtes à faire ces concession­s, alors qu’elles disposent d’infrastruc­tures efficaces, comme le GIE CB Cartes Bancaires. Pour l’heure, seulement 30 millions d’euros ont été investis dans les études exploratoi­res, mais le projet pourrait coûter à terme « plusieurs milliards d’euros », a reconnu Martina Weimert, directrice générale de l’Interim company et véritable âme du projet.

Cette dernière a d’ailleurs récemment lancé un appel, lors d’un événement organisé par l’associatio­n EPIF (European payment institutio­ns federation), à un cofinancem­ent public du projet, pour l’heure entièremen­t privé, compte tenu de « l’investisse­ment massif » nécessaire. « Les marchands disent qu’ils ne sont pas prêts à payer pour cela, tandis que les banques et les autres actionnair­es de l’EPI ne peuvent pas tout supporter »,a estimé Martina Wiermert.

A défaut d’argent, le projet bénéficie du soutien entier des ministres des finances de sept pays de la zone euro, dont la France, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne, qui souhaite d’ailleurs mobiliser une partie de ses infrastruc­tures en faveur du projet. Il sera cependant difficile de faire accepter des subvention­s publiques massives à un projet bancaire privé. Même au nom de la souveraine­té européenne.

 ?? ?? La création d’un nouveau standard européen des paiements pourrait coûter plusieurs milliards d’euros aux banques participan­tes du projet. (Crédits : iStock)
La création d’un nouveau standard européen des paiements pourrait coûter plusieurs milliards d’euros aux banques participan­tes du projet. (Crédits : iStock)

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