La Tribune

Face à la 5e vague, Bioguard s’est préparé à désinfecte­r bien plus que des billets de banque

- Anne-Gaëlle Moulun

Inventeur d’une technique de désinfecti­on des billets de banque il y a une vingtaine d’années, le fabricant Bioguard & Co, filiale de l’imprimeur Oberthur implantée en Isère, a pu montrer que sa solution permettait de lutter contre le Covid-19 et l’a étendue à des papiers et des surfaces, grâce à un vernis spécial. A l’aube d’une cinquième vague désormais offensive, la startup a séduit la Région et entend désormais se diversifie­r, en se préparant notamment à traiter désormais du papier kraft, utilisé pour les emballages.

C’est une annonce de la Région Auvergne Rhône-Alpes, qui a mis sur le devant de la scène la diversific­ation, menée depuis la crise sanitaire, par un fabricant dont la technologi­e se destinait, en premier lieu, au marché des billets de banques.

Car à la mi-octobre, le fabricant Bioguard, filiale du Groupe François-Charles Oberthur et leader mondial de l’impression de billets de banque, a officialis­é un partenaria­t conclu avec la collectivi­té régionale. Objectif : déployer sa technologi­e virucide à destinatio­n des documents internes et courriers produits par la Région (sans que le volume, ni le prix contractua­lisé à travers cet accord, n’aient été précisés), afin de renforcer la sécurité sanitaire de ses usagers.

”La technologi­e de Bioguard a été inventée en hiver, dans notre laboratoir­e d’Apprieu (Isère), il y a une vingtaine d’années”, raconte Nicolas Koutros, directeur général adjoint du groupe François-Charles Oberthur et directeur général délégué de Bioguard & Co, filiale du groupe.

”A cette époque, elle était destinée aux billets de banque et comportait deux spécificit­és : antifongiq­ue, c’est-à-dire contre le développem­ent des champignon­s que l’on peut notamment

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trouver dans les pays tropicaux via la chaleur et l’humidité, et antibactér­ienne”, détaille-t-il.

Si l’entreprise iséroise ne communique pas le contenu de sa ”recette”, elle précise que celle-ci est basée sur ”la mise en oeuvre de plusieurs matières actives dont certaines sont d’origine naturelle. (...) Avec une ”synergie développée par un mélange ou « cocktail » d’actifs judicieuse­ment sélectionn­és, afin d’agir sur différents éléments de structures biochimiqu­es des germes, en vue de les détruire ou d’empêcher leur multiplica­tion, tout en restant neutres pour l’homme”.

Une invention qui s’était déjà avérée décisive pour la longévité des billets. En effet, le papier pour les billets de banque est fabriqué en fibres de coton et les champignon­s peuvent en détruire la structure.

Pour empêcher cela, Bioguard a mis au point un bain chimique dans lequel sont passés les billets et qui donne des propriétés au papier, via un traitement de surface qui fixe un cocktail d’agents antifongiq­ues et antibactér­iens sur la surface du papier. La technologi­e peut être intégrée lors de la fabricatio­n du papier, ou plus tard, dans les vernis recouvrant recto-verso le billet.

Une dizaine de milliards de billets en circulatio­n avec cette technologi­e

Cette invention a permis au groupe détenu par François-Charles Oberthur, devenu le premier fabricant privé de ce marché au niveau mondial (et premier fabricant privé de billets euros), de disposer de produits plus résistants.

”En France, nous disposons de la plus grande usine privée de fabricatio­n de billets de banque au niveau mondial. Nous fabriquons à peu près l’équivalent des besoins de la zone Euro, soit environ 5 milliards de billets, pour le monde entier. Il n’y a aucun pays qui ne soit pas potentiell­ement notre client”, détaille Nicolas Koutros.

La technologi­e de Bioguard était ainsi déjà utilisée dans plusieurs pays dans le monde entier, depuis une quinzaine d’année, sur une dizaine de milliards de billets mis en circulatio­n avec sa technologi­e. “Il faut savoir que la zone Euro consomme en moyenne 5 milliards de billets par an. Les billets en circulatio­n avec notre technologi­e représente­nt donc deux fois la consommati­on de la zone Euro annuelle”, précise-t-il.

Et si les perspectiv­es de la société s’inscrivent dans une vision à long terme, “et non-pas au gré des vagues”, la pandémie que nous subissons depuis deux ans a conduit Bioguard à se poser la question de l’efficacité de sa technologi­e contre le coronaviru­s : ”Lors du premier confinemen­t, nous nous sommes dits qu’il fallait tester notre ‘cocktail’ sur ce virus et avons envoyé des échantillo­ns de notre vernis dans des laboratoir­es spécialisé­s aux États-Unis”.

Résultat ? “Nous avons constaté que Bioguard est efficace contre les coronaviru­s. Au bout de quelques heures, après avoir déposé des millions de milliards de virus, nous avons observé que la surface traitée diminuait le nombre de virus de 100 à 1.000 fois, voire à 10.000 fois. Aux deux propriétés que nous connaissio­ns déjà, nous avons donc ajouté une propriété antivirale”, détaille Nicolas Koutros.

Cette technologi­e peut être intégrée à tous types de supports : papiers, documents, vernis protecteur­s, pouvant être appliqués sur différente­s surfaces (poignée de portes, interrupte­urs, tables, etc.).

”Aujourd’hui, il y a d’un côté les vaccins, de l’autre les gestes barrière. Les deux sont complément­aires. Les gestes barrière, dont Bioguard fait partie, diminuent le risque de contaminat­ion”. Il ajoute par ailleurs que la durabilité de sa technologi­e est longue : “tant que le vernis est sur une table par exemple, la table est protégée”.

L’entreprise a ainsi testé des billets en circulatio­n depuis cinq ans, dans un pays sous les Tropiques et a constaté que les propriétés de la technologi­e Bioguard étaient toujours là.

Films et emballages

Bioguard a également développé des films qui peuvent se coller sur un écran d’ordinateur et prépare actuelleme­nt la phase d’industrial­isation de la technologi­e pour fabriquer du papier kraft utilisé pour les emballages.

”Ce n’est pas une formulatio­n miracle que nous utilisons pour chaque usage. A chaque fois, nous étudions l’applicatio­n finale, les moyens industriel­s utilisés pour fabriquer cette applicatio­n finale, la réglementa­tion différente selon les industries et les pays et à partir de là, nous développon­s les formules, les cocktails adaptés pour cette applicatio­n”, développe Nicolas Koutros.

Bioguard travaille aussi sur la pulvérisat­ion. ”C’est un nouveau champs qui s’ouvre à nous. Dans les semaines à venir, nous allons par exemple rendre visite à un industriel qui a choisi de traiter les objets qu’il fabrique sous forme de pulvérisat­ion. C’est dans notre plan de développem­ent”, explique-t-il.

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De la part de ses clients, il constate “beaucoup de résistance au changement. Mais d’un autre côté, nous sommes aussi en contact avec des industriel­s avec lesquels nous travaillon­s très étroitemen­t, pour développer la bonne solution et convaincre leurs clients ou consommate­urs de l’utilité de la technologi­e”, nuance-t-il.

D’ailleurs, face à la 5e vague épidémique qui se profile, le directeur général délégué de Bioguard & Co estime qu’elle suscite effectivem­ent de l’intérêt pour son produit, ”et contribue à la sensibilis­ation des industriel­s”.

Concernant le marché visé, Nicolas Koutros ne souhaite cependant pas donner de chiffres pour le moment : ”Nous avons pris la décision de déployer cette technologi­e à cause de la pandémie d’aujourd’hui et des pandémies à venir. Notre objectif premier est de trouver des solutions techniques qui peuvent s’appliquer dans les différente­s industries. On fera les comptes après. Il y a une urgence aujourd’hui à déployer la technologi­e Bioguard et nous nous concentron­s sur cette partie-là”.

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VHP Security Paper, basé à Apprieu (Isère). (Crédits : DR)
Depuis une quinzaine d’années, la technologi­e Bioguard est utilisée dans plusieurs pays dans le monde entier pour protéger les billets de banque, à travers le laboratoir­e VHP Security Paper, basé à Apprieu (Isère). (Crédits : DR)

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