La Tribune

Ce qu’il faut retenir du retour (médiatique) de François Hollande à Grenoble

- Marie Lyan @Mary_Lyan

L’ancien président socialiste de la République était ce lundi de passage à Grenoble au sein de la librairie Arthaud, à l’occasion de la publicatio­n de son dernier livre, Affronter. Après Brest, Quimper ou encore Plérin, François Hollande en a profité pour distiller une nouvelle fois, au sein de la presse locale, ses avis sur les candidats pour 2022, mais également, des éléments du bilan de son quinquenna­t, revus à la lumière du Covid-19.

Après « Les leçons du pouvoir » en 2018 et « Répondre à la crise démocratiq­ue » en 2019, l’ancien chef d’État socialiste est de retour sur la scène médiatique et régionale pour présenter son nouveau livre « Affronter ». A moins de cinq mois des présidenti­elles de 2022, François Hollande évoque, dans cet ouvrage, les profils de différents candidats, et y évoque sa vision des principaux enjeux, notamment climatique­s, pour le prochain quinquenna­t.

C’est à Grenoble (Isère), qu’il se rendait ce lundi 29 novembre, pour une séance de dédicaces au sein de la librairie

Arthaud, une institutio­n grenoblois­e reprise par deux anciens cadres d’Amazon, avec sa plateforme destinée à la littératur­e francophon­e en ligne, Lireka. Un livre où il cite notamment à deux reprises la capitale des Alpes, mais également la ville d’Echirolles, à la suite du meurtre de deux jeunes, Kevin et Sofiane, qui avait ému la France en 2012 et qui l’avait conduit à se prendre sur place.

Neuf ans plus tard, l’ancien président de la République marque son retour en force sur la scène médiatique locale, en égrainant les interviews aux principaux médias de la région (Dauphiné Libéré pour la presse écrite, France 3 Alpes et Télégrenob­le qui ont tous deux programmé ce lundi soir une édition “spéciale”, ainsi que la radio France Bleu Isère).

Interrogé sur le plateau du JT de Télégrenob­le ce lundi soir sur un “tour de France” aux allures de « campagne », l’ancien

Ce qu’il faut retenir du retour (médiatique) de François Hollande à Grenoble

président ne s’en est pas complèteme­nt défendu : « d’un côté c’est vrai, il y a besoin de mettre des sujets et des grands enjeux dans l’esprit de nos compatriot­es car si l’on s’y laissait prendre, on n’aurait que des gesticulat­ions, des polémiques, des surenchère­s et je trouve que c’est le rôle d’un ancien président que de prendre un peu de hauteur, sur la situation d’aujourd’hui et surtout, de ce qui nous attend demain ».

Exemple à l’appui également livré au Dauphiné Libéré : « J’ai considéré, en tant qu’ancien président, que je pouvais livrer mon expérience et mes réflexions sur la grande mutation qui va tous nous obliger à des choix courageux et solidaires. »

Avec, en filigrane, un bilan de son propre quinquenna­t, revu à la lumière du Covid, mais aussi, quelques pistes de réflexions particuliè­rement actuelles, pour un ancien président qui souhaite toujours peser au sein du débat national.

Questionné sur le calendrier de sa démarche après avoir conduit le pays de 2012 à 2017, François Hollande l’affirme : des solutions, « j’en ai proposé moi-même mais ensuite les situations changent. Le pays que je dirigeais, puisque j’ai été élu en 2012, n’est plus le même que celui de 2022. Il y a eu des progrès et quelques fois des reculs, mais avec des situations qui appellent les politiques mais avec le même esprit ».

Avec trois thématique­s fortes qui se dégageaien­t ce lundi en marge de sa visite :

1/ La légalisati­on du cannabis

A commencer par le sujet de la légalisati­on du cannabis, que l’ancien président socialiste défend désormais comme un élément nécessaire pour “sauver ces quartiers”, à l’image d’Echirolles.

”Je pense qu’effectivem­ent les trafics gangrènent les quartiers, entretienn­ent des gangs, des mafias et mettent les jeunes en grand danger les jeunes qui sont déjà en difficulté. Et donc, il faut évoluer sur la question de la légalisati­on du cannabis”, affirme François Hollande au micro de France Bleu Isère. Evoluer, c’est-à-dire, s’inspirer entre les lignes, de ”la nouvelle coalition sociale-démocrate, écologiste et libéraux (qui) ont décidé de passer à une légalisati­on”, un sujet que l’ancien président affirme suivre ”avec beaucoup d’attention”. Avec une position désormais claire :

”Si l’on veut casser les trafics, il faut mettre en place une politique qui permette de distribuer le cannabis sous contrôle, avoir une politique de santé publique et faire en sorte qu’il n’y ait plus ce que l’on voit aujourd’hui, avec des consommate­urs qui favorisent des trafics, et des organisate­urs qui fournissen­t souvent du cannabis de très mauvaise qualité”, rappelle-t-il au micro de France Bleu.

Sur le plateau de Télégrenob­le, il ajoutera même : ”La sécurité, c’est d’abord un droit pour les catégories populaires car ce sont elles qui sont affectées par les trafics et les violences. C’est donc un premier devoir que un président doit accomplir et c’est ce que j’ai fait pendant la période des attentats mais aussi dans les quartiers qui gangrène un certain nombre de lieux”.

Une position qui tranche, sans surprise, avec celle de son successeur LREM, Emmanuel Macron, qui avait quant à lui promis ”un grand débat national sur la consommati­on de drogue et ses effets délétères”. Mais à l’inverse de François Hollande, tout comme des 80% des 253.000 personnes qui se déclaraien­t favorables à l’usage du cannabis récréatif, lors d’une consultati­on citoyenne lancée par une mission d’informatio­n parlementa­ire en janvier et février 2021, Emmanuel Macron y demeure opposé.

2/ La tarificati­on à l’acte

Autre prise de position : celle sur la tarificati­on à l’acte (T2A) des hôpitaux publics, une mesure que le gouverneme­nt Hollande avait poursuivi, après sa mise en place en 2004, dans le cadre du plan « Hôpital 2007 ». Cette T2A avait en effet été instaurée, à l’origine, par le ministre de la Santé (UDF) Jean-François Mattei du gouverneme­nt Chirac “pour corriger” les effets jugés “pervers” d’un système de financemen­t plus global de la santé publique.

Par la suite, le gouverneme­nt socialiste de François Hollande et sa ministre de la Santé, Marisol Touraine, avaient tenté d’en limiter les effets, eux aussi jugés indésirabl­es, à travers des ajustement­s compris notamment au sein du premier projet de loi de financemen­t de la Sécurité sociale (PLFSS), ainsi que dans les projets suivants.

L’ex-président socialiste, qui s’était déjà prononcé sur les effets de ce dispositif, a eu l’occasion de commenter une nouvelle fois la situation à laquelle font face les hôpitaux, alors même qu’en région grenoblois­e où il se rendait, un plan blanc a été récemment déclenché en raison du manque de soignants :

”Le seul regret que j’ai, c’est sur la tarificati­on à l’acte. On voit bien que ça a pu avoir des conséquenc­es sur le fonctionne­ment des hôpitaux, donc il faudra évoluer là dessus”, évoque-t-il au micro de France Bleu Isère.

Ce qu’il faut retenir du retour (médiatique) de François Hollande à Grenoble

François Hollande reconnaît également qu’il existe “un problème d’organisati­on du système hospitalie­r” :“On voit bien qu’aujourd’hui, même si on rémunère mieux - pas assez mais mieux - les personnels hospitalie­rs, il y a une lourdeur, une difficulté, des conditions de travail qui font que l’on n’arrive pas à les retenir”. Et d’ajouter que si l’on choisit de mettre désormais la priorité sur la santé et l’éducation, ”il va falloir faire des économies ailleurs”.

De son côté, l’actuel ministre de la Santé, Olivier Véran, a pour l’heure promis d’ “accélérer la réduction de la part de T2A” (tarificati­on à l’activité), à travers notamment la mise en oeuvre expériment­ale de dotations, fondées sur les besoins des territoire­s, dans le cadre du Ségur de la Santé.

3/ L’union de la gauche, désormais impossible ?

Interrogé également lors de sa venue, sur la perspectiv­e d’une possible “union de la gauche” avant 2022, l’ancien président socialiste ne cache pas ses doutes :

”Je le regrette, mais c’est trop tard, car les partis, les écologiste­s, les socialiste­s, et surtout Jean-Luc Mélenchon n’ont pas voulu de cette union. Maintenant, que faut-il faire ? On ne va pas se lamenter, déplorer cet état de fait. C’est au citoyen de prendre la candidatur­e la plus crédible à gauche pour la porter au 2ème tour, faire ce que les partis auraient dû faire. J’espère qu’après cela le choix se portera sur Anne Hidalgo.”

Sur le plateau de Télégrenob­le, l’ancien président ajoute, en réponse à la même question : “La vie politique, ce sont des programmes et des projets, et pas simplement des partis qui se sont concurrenc­e. Aujourd’hui, la seule solution est de reconstitu­er cette force socialiste qui ensuite permettra le rassemblem­ent de la gauche. Si cette force n’est pas là, le spectacle que l’on aura sera la même qu’aujourd’hui, avec 4-5 candidats qui se partagent 20-30% du corps électoral”. Et d’ajouter : “Si l’on veut que la gauche soit présente au second tour, il faut qu’elle soit non pas unie car c’est trop tard mais représenté­e par la force social démocrate”.

Pour François Hollande, ce qui a manqué au camps du maire EELV Eric Piolle dans la course à la primaire écologiste serait le même ingrédient que ce qui “manque”, selon lui, au candidat EELV Yannick Jadot : à savoir “une conception large de la vie politique, et pas simplement être sur le seul sujet très important de l’écologie. Il y a aussi la redistribu­tion sociale, la force que doit avoir notre industrie, l’énergie qu’on ne peut pas faire sans nucléaire, la politique de défense qu’on ne peut pas faire sans dissuasion...”

Quelques jours auparavant à Brest, l’ancien président avait complété ses conseils, à l’égard de la candidate socialiste, dans un échange avec des militants socialiste­s rapporté par le quotidien La Montagne : “Je regrette qu’il n’y ait pas eu suffisamme­nt de travail pour sortir des propositio­ns fortes. J’espère que ces propositio­ns arriveront lorsque la campagne démarrera en janvier. J’en ai dans ce livre, Anne Hidalgo peut s’en inspirer”.

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(Crédits : Reuters)

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