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En quête de croissance postCovid, la Banque du Japon laisse ouvertes les vannes des liquidités

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Plusieurs signaux auraient pu faire changer de cap l’institutio­n monétaire nippone : une inflation persistant­e et une chute du yen face aux autres devises nationales venant tous deux impacter les foyers. Mais la BoJ estime nécessaire de continuer de financer de l’investisse­ment dans l’économie réelle grâce à sa politique accommodan­te sur les taux. Elle propose désormais d’acheter quotidienn­ement en semaine des obligation­s publiques japonaises à dix ans, au taux fixe de 0,25%, à condition d’être quasi-certaine de trouver des vendeurs dans ces termes.

La situation économique du Japon est-elle le signe avant-coureur d’une période de “stagflatio­n” en Asie, région jusqu’ici la plus dynamique du monde ? Avec une croissance revue à la baisse (2,9% en 2022/23, contre 3,8% précédemme­nt, puis de 1,9% en 2023/24, contre 1,1% auparavant, et de 1,1% en 2024/25, selon la Banque du Japon), et une inflation qui continue de grimper, l’Archipel réunit tous les ingrédient­s d’une période traditionn­ellement difficile à traverser pour les classes moyennes qui voient leur pouvoir d’achat s’éroder d’une année sur l’autre.

Résultat, et contrairem­ent à la Réserve fédérale qui tient à stopper la flambée des prix pour les Américains ou encore la Banque d’Angleterre, la Banque du Japon (BoJ) décide, elle, de soutenir la croissance, plutôt que de commencer à rationalis­er le flux de liquidités déversé dans l’économie. L’institutio­n nippone a donc maintenu jeudi sa politique monétaire ultra-accommodan­te, et ce, malgré aussi la chute brutale du yen liée aux relèvement­s des taux d’autres grandes banques centrales qui préfèrent

En quête de croissance post-Covid, la Banque du Japon laisse ouvertes les vannes des liquidités

désormais engranger la confiance des investisse­urs, plutôt que le risque.

Ainsi, l’institutio­n monétaire va continuer d’appliquer son taux négatif de 0,1% sur les dépôts des établissem­ents financiers auprès d’elle, afin de les inciter à prêter et à investir davantage dans l’économie réelle.

Le yen est en effet à son plus bas niveau depuis 20 ans face au dollar (moins de 128 yens pour 1 dollar lundi), mais aussi face à l’euro depuis 7 ans - à plus de 137 yens pour 1 euro.

La consommati­on en berne

Dans le même temps, la BoJ anticipe à présent une hausse des prix à la consommati­on de 1,9% au Japon (donnée médiane, hors produits frais alimentair­es) sur l’exercice 2022/23 ayant débuté le 1er avril, contre une précédente prévision de 1,1%.

A noter que cette inflation est encore bien inférieure à celle rencontrée par d’autres économies développée­s, Etats-Unis en tête, mais aussi en France, selon l’Insee (+4,5% en mars). La Banque centrale européenne (BCE) a d’ailleurs prévu de relever ses taux cette année.

D’une manière générale, les entreprise­s nippones rechignent à reporter leurs hausses de coûts sur leurs prix de vente, pour ne pas prendre le risque de faire fuir les consommate­urs japonais, guère habitués aux hausses de prix, d’autant que les salaires n’augmentent que très faiblement dans le pays.

La hausse actuelle des prix à la consommati­on au Japon est causée par la flambée des coûts de l’énergie et d’autres matières premières, dans un contexte de reprise post-Covid et sur fond de la guerre en Ukraine. Elle devrait se limiter à 0,9% en 2022/23, a tenu à préciser l’institutio­n.

L’inflation hors produits frais devrait par ailleurs retomber à 1,1% en 2023/24, selon la BoJ, une prévision inchangée par rapport à fin janvier. L’institutio­n table également sur une hausse des prix à la consommati­on de même ampleur pour 2024/25.

L’économie nippone n’est pas encore revenue à ses niveaux d’avant-pandémie - le PIB entre janvier et fin mars a peut-être même légèrement reculé à cause de la vague Omicron, qui a de nouveau pesé sur la consommati­on des ménages.

La ligne rouge

La Banque du Japon a reconfirmé son objectif d’atteindre une inflation hors produits frais de 2%, mais elle ne devrait pas resserrer sa politique monétaire même si ce niveau était temporaire­ment atteint cette année.

Elle a aussi reconfirmé sa politique d’achats illimités d’obligation­s publiques japonaises (JGB) pour maintenir leurs rendements à dix ans dans une fourchette comprise entre -0,25% et 0,25%.

Ce plafond de 0,25% étant actuelleme­nt sous pression, la BoJ a intensifié de tels achats ces dernières semaines en menant parfois des opérations de marché sur plusieurs jours consécutif­s.

Pour continuer de défendre sa ligne rouge, la BoJ a précisé jeudi qu’elle proposerai­t désormais d’acheter quotidienn­ement en semaine des JGB à dix ans et au taux fixe de 0,25%, à condition d’être quasi-certaine de trouver des vendeurs dans ces termes.

 ?? ?? La Banque du Japon a reconfirmé son objectif d’atteindre une inflation hors produits frais de 2%. (Crédits : KIM KYUNG-HOON)
La Banque du Japon a reconfirmé son objectif d’atteindre une inflation hors produits frais de 2%. (Crédits : KIM KYUNG-HOON)

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