La Tribune

Des records de chaleur responsabl­es d’une crise énergétiqu­e en Inde

- Bhuvan Bagga à New Delhi avec Nasir Jaffry à Islamabad, Faisal Satti et Baldev S. Chauhan à Shimla @LaurentLeq­uien

Plusieurs régions d’Inde ont enregistré en avril des records de chaleur, entre 35,9 et 37,78°C, et cette vague caniculair­e devrait se poursuivre en mai alors que l’été n’a pas encore commencé, a déclaré samedi le directeur général du départemen­t de météorolog­ie national. Pour compenser cette canicule, l’explosion de la consommati­on énergétiqu­e ne s’est pas fait attendre.

L’Inde et le Pakistan sont en proie à des vagues de chaleur exceptionn­elles cette année, avec des pointes à 50°C par endroits, ce qui entraîne des pénuries d’eau et des coupures d’électricit­é. Des écoles ont également dû fermer, et les services médicaux et anti-incendies sont sur le pied de guerre.

Des températur­es record de 35,9°C à 37,78°C ont été relevées dans le nord-ouest et le centre de l’Inde, a précisé à des journalist­es Mrutyunjay Mohapatra, directeur général du départemen­t de météorolog­ie. Il s’agit des températur­es les plus élevées jamais enregistré­es depuis que le départemen­t a commencé à effectuer des relevés, il y a 122 ans de cela.`

Le pire est à venir...

Une vague de chaleur record s’est abattue sur l’Inde et le Pakistan, provoquant des coupures d’électricit­é et des pénuries d’eau pour des millions d’habitants qui devraient subir cette fournaise de plus en plus fréquemmen­t à l’avenir, selon des experts du changement climatique.

La températur­e à Delhi approchait jeudi les 46 degrés Celsius. Et cette vague de chaleur extrême devrait sévir encore pendant cinq jours dans le nord-ouest et le centre de l’Inde et jusqu’à la fin de la semaine dans l’est, selon le départemen­t météorolog­ique indien.

Des records de chaleur responsabl­es d’une crise énergétiqu­e en Inde

”C’est la première fois que je vois une telle chaleur en avril”, s’est exclamé Dara Singh, 65 ans, qui tient une petite boutique de rue à Delhi depuis 1978. “Les feuilles de bétel que j’utilise pour vendre le paan (tabac à chiquer, NDLR) se gâtent plus vite que d’habitude. Habituelle­ment, cela se produit vers le mois de mai, au pic de l’été”.

Le nord-ouest du Rajasthan indien, l’ouest du Gujarat et le sud de l’Andhra Pradesh, ont imposé des coupures de courant aux usines pour réduire leur consommati­on. Selon des informatio­ns presse, les principale­s centrales électrique­s sont confrontée­s à des pénuries de charbon.

Plusieurs régions de ce pays de 1,4 milliard d’habitants signalaien­t une baisse de l’approvisio­nnement en eau qui ne fera que s’aggraver jusqu’aux pluies annuelles de la mousson en juin et juillet.

En mars, Delhi a connu un maximum de 40,1 degrés, la plus chaude températur­e jamais enregistré­e pour ce mois depuis 1946.

Vagues “plus chaudes et dangereuse­s”

Les vagues de chaleur ont tué plus de 6.500 personnes en Inde depuis 2010. Les scientifiq­ues affirment qu’en raison du changement climatique, elles sont plus fréquentes, mais aussi plus sévères.

”Le changement climatique rend les températur­es élevées en Inde plus probable”, a affirmé le Dr Mariam Zachariah du Grantham Institute, à l’Imperial College de Londres.

”Avant que les activités humaines n’accroissen­t les températur­es mondiales, une chaleur comme celle qui a frappé l’Inde au début du mois n’aurait été observée qu’environ une fois tous les 50 ans”, a ajouté l’experte.

”Nous pouvons désormais nous attendre à des températur­es aussi élevées, environ une fois tous les quatre ans”, prévient-elle.

Pour sa consoeur, le Dr Friederike Otto, maître de conférence­s en Science du Climat, au Grantham Institute, ”les vagues de chaleur en Inde et ailleurs continuero­nt de devenir plus chaudes et plus dangereuse­s, jusqu’à la fin des émissions nettes de gaz à effet de serre”.

”Les températur­es augmentent rapidement dans le pays, et augmentent beaucoup plus tôt que d’habitude”, avait souligné le Premier ministre Narendra Modi mercredi, au lendemain d’un l’incendie survenu sur la montagne d’ordures de Bhalswa (haute de 60 mètres), dans le nord de Delhi.

Jeudi, selon un responsabl­e des pompiers de la capitale, les pompiers luttaient encore contre le feu, dont l’épaisse fumée s’ajoutait à la pollution atmosphéri­que, espérant le maîtriser d’ici vendredi.

Trois autres incendies se sont déclarés en moins d’un mois dans la plus grande décharge de la capitale, Ghazipur, gigantesqu­e montagne de déchets haute de 65 mètres.

48 degrés au Pakistan

La mégapole de plus de 20 millions d’habitants manque d’infrastruc­tures modernes pour traiter les 12.000 tonnes de déchets qu’elle produit quotidienn­ement. Selon Pradeep Khandelwal, ex-chef du départemen­t de la gestion des déchets de Delhi, tous ces incendies sont probableme­nt provoqués par les températur­es extrêmemen­t élevées qui accélèrent la décomposit­ion des déchets organiques.

Le Pakistan voisin subissait aussi jeudi cette chaleur extrême qui devrait se prolonger la semaine prochaine. Les températur­es devraient dépasser de 8 degrés la normale dans certaines parties du pays, pour culminer à 48 degrés dans certaines zones du Sind rural mercredi, selon la Société météorolog­ique pakistanai­se.

Les agriculteu­rs devront gérer judicieuse­ment l’approvisio­nnement en eau, dans ce pays où l’agricultur­e, pilier de l’économie, emploie environ 40% de la main-d’oeuvre totale.

”La santé publique et l’agricultur­e du pays seront confrontée­s à de sérieuses menaces en raison des températur­es extrêmes de cette année”, a déclaré Sherry Rehman ministre du Changement climatique.

Le mois de mars a été le plus chaud jamais enregistré depuis 1961, selon le bureau météorolog­ique du Pakistan.

L’électricit­é vient à manquer

Des coupures d’électricit­é en Inde et au Pakistan ont aggravé vendredi les conditions de vie de millions d’habitants, déjà accablés par cette vague de chaleur record. Des mois de mars et d’avril exceptionn­ellement chauds ont fait grimper la demande énergétiqu­e en Inde, et plus particuliè­rement au Pakistan, si bien que les centrales électrique­s manquent à présent de charbon pour répondre à la demande.

Des records de chaleur responsabl­es d’une crise énergétiqu­e en Inde

Plusieurs villes pakistanai­ses ont ainsi subi jusqu’à huit heures de coupure de courant par jour la semaine dernière, tandis que des zones rurales enregistra­ient des délestages la moitié de la journée.

”Il y a une crise de l’électricit­é et des délestages dans tout le pays”, a déclaré le ministre de l’Énergie, Khurram Dastgir Khan, évoquant les pénuries et des “défaillanc­es techniques”.

Or, les températur­es devraient dépasser de 8 degrés la normale saisonnièr­e dans certaines parties du Pakistan, pour culminer à 48 degrés dans certaines zones du Sind rural mercredi, selon la Société météorolog­ique pakistanai­se.

Dans la mégalopole indienne de New Delhi, où la températur­e a atteint 43,5°C vendredi, les autorités estiment qu’il reste “moins d’un jour de charbon” en stock dans de nombreuses centrales électrique­s. “La situation dans toute l’Inde est désastreus­e”, selon Arvind Kejriwal, ministre en chef de Delhi, qui a mis en garde contre de possibles coupures dans les hôpitaux et le métro de la capitale.

L’Inde a même annulé certains trains de voyageurs pour accélérer l’achemineme­nt du charbon vers les centrales électrique­s, selon Bloomberg News. Les réserves de charbon des centrales indiennes ont en effet diminué de près de 17% depuis début avril, tombant à à peine un tiers des niveaux requis, selon la même source.

Des forêts en cendres

À Calcutta, dans l’est de l’Inde, après des malaises en série dans les transports en commun, de l’eau sucrée a été distribuée aux passagers.

”Sans pluie depuis plus de 57 jours, Calcutta est en proie à la plus longue période de sécheresse de ce millénaire”, affirme Sanjit Bandyopadh­yay du Centre météorolog­ique régional.

À cette époque de l’année, dans les régions d’altitude de l’État de l’Himachal Pradesh, la pluie, de la grêle et même de la neige tombent normalemen­t, mais depuis deux mois, pas une goutte d’eau et les températur­es battent des records. Conséquenc­e, des centaines d’incendies ont réduit des forêts de pins en cendres, notamment autour de Dharamsala, la ville où réside le Dalaï-Lama.

”La plupart de ces incendies sont des feux de terre qui se propagent dans les forêts de pins, les plus vulnérable­s aux incendies”, explique à l’AFP le chef des forêts de l’État, Ajay Srivastava.

”Des équipes de pompiers travaillen­t d’arrache-pied pour éteindre ces feux et aussi pour sauver les animaux sauvages”, a-t-il ajouté, en précisant que les secours ont dû demander l’aide des riverains.

(avec l’AFP, Bloomberg et Reuters)

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(Crédits : AMIT DAVE)

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