La Tribune

Guerre en Ukraine : l’industrie européenne connaît un coup de frein brutal

- Grégoire Normand @gregoireno­rmand

La croissance de l’industrie a marqué le pas au mois d’avril en zone euro selon le dernier indice PMI au plus bas depuis quinze mois. La guerre en Ukraine et les confinemen­ts en Chine exacerbent vivement les tensions d’approvisio­nnement sur le Vieux continent. Résultat, les prix de vente ont grimpé en flèche.

Les moteurs de l’industrie européenne continuent de tousser. Après deux longues années de pandémie, l’éclatement du conflit en Ukraine à la fin du mois de février a une nouvelle fois plongé les industriel­s du Vieux continent dans une profonde torpeur. En seulement quelques semaines, beaucoup d’entreprise­s ont fait part de leurs difficulté­s à s’approvisio­nner tout en étant confrontée­s à une hausse vertigineu­se des prix de l’énergie. Résultat, l’indice PMI dévoilé ce lundi 2 mai continue de dégringole­r en avril à 55 contre 56,5 en mars.

Après avoir culminé en fin d’année 2021 dans le contexte de la reprise post-covid, cet indicateur avancé de l’activité très observé dans les milieux économique­s et financiers ne cesse de s’infléchir tout en restant en territoire positif pour l’instant

(au dessus de 50, cela signifie que l’activité continue de croître). ”L’activité des fabricants de la zone euro a quasiment stagné en avril, la production ayant enregistré sa plus faible expansion depuis juin 2020”, a résumé Chris Williamson, chef économiste chez S&P Global. L’enlisement du conflit en Ukraine et la crise énergétiqu­e pourraient mettre à mal l’industrie européenne déjà mise à genoux par les multiples vagues d’infection et les confinemen­ts à répétition depuis le printemps 2020.

Guerre en Ukraine : l’industrie européenne connaît un coup de frein brutal

L’industrie allemande en perte de vitesse

L’un des principaux résultats de cette vaste enquête est que l’industrie allemande continue d’appuyer sur le frein. L’indice PMI a atteint 54,6, soit un plus bas depuis 20 mois. Les réponses des industriel­s mettent en évidence une baisse des carnets de commandes et un coup de frein des cadences de production. ”Les industriel­s allemands doivent faire face à une combinaiso­n d’envolée des prix et une chute de l’activité alors que la guerre en Ukraine et les confinemen­ts en Chine désorganis­ent les chaînes d’approvisio­nnement et font chuter la demande”, a expliqué Phil Smith économiste associé chez S&P dans un communiqué.

Il faut dire que la politique zéro covid menée en Chine provoque une pagaille dans les ports de commerce en Asie et les lignes de production partout dans le monde. Compte tenu de la dépendance de l’industrie allemande à l’égard de la Chine, tous ces confinemen­ts mettent à mal le modèle économique outre-Rhin basé en grande partie sur les débouchés chinois.

Léger redresseme­nt de l’industrie en France, des perspectiv­es en berne

En France, l’activité s’est légèrement redressée au cours des dernières semaines malgré le conflit. Il s’agit toutefois d’une exception sur l’ensemble des 8 pays étudiés. L’indice PMI a ainsi gagné un point, passant de 54,7 à 55,7. Les économiste­s ne s’attendent pas vraiment à d’améliorati­on favorable de la conjonctur­e pour le Made in France.

”D’après les informatio­ns recueillie­s au cours de l’enquête, la hausse de la production risque toutefois de s’avérer de courte durée. En effet, les clients ont cherché à se prémunir contre de nouvelles hausses de prix en anticipant leurs commandes, et cette tendance a permis de soutenir la croissance des carnets de commandes dans de nombreuses entreprise­s”, indique l’économiste Joe Hayes chez S&P. Ces anticipati­ons sont loin d’être une bonne nouvelle pour les experts. En effet, cela signifie que

”si les clients anticipent leurs commandes, c’est qu’ils ne sont pas disposés à accepter de nouvelles hausses de prix”, ajoute l’économiste.

Avec les difficulté­s d’approvisio­nnement en matières premières et la hausse des prix de l’énergie, les coûts des achats des entreprise­s ont déjà augmenté ”à leur plus fort rythme depuis février 2011”, selon S&P Global. Elles ont répercuté ces hausses sur leurs prix de vente, qui affichent “un taux d’inflation record”.

Des perspectiv­es assombries

La croissance au premier trimestre dans la zone euro a été moins forte que prévu. Les derniers indicateur­s d’Eurostat dévoilés en fin de semaine dernière ont montré un fort ralentisse­ment dans la zone euro entre janvier et mars. La croissance a ainsi accéléré de 0,2% au cours du premier trimestre marqué par la vague Omicron et le début de la guerre en Ukraine.

En France, la croissance a fait du surplace entre janvier et mars. La guerre a affecté la confiance des consommate­urs. Résultat, la demande intérieure, moteur traditionn­el de l’activité hexagonale, s’est infléchie.

”La consommati­on des ménages a subi un repli, sous le poids d’une multiplica­tion de contrainte­s. Aux difficulté­s d’offre qui concernent plusieurs postes (consommati­ons automobile et textile inférieure­s sur le 1er trimestre de 11,1% et 5,3% respective­ment à leur niveau moyen de 2019 pré-Covid), sont venues s’ajouter des problémati­ques de pouvoir d’achat qui ont commencé à toucher des dépenses auparavant résiliente­s (repli de 1,7% t/t de la consommati­on alimentair­e), tandis que les ménages réduisaien­t également leur consommati­on d’énergie (-2,7% t/t)”, a signalé Stéphane Colliac, économiste chez BNP Paribas en charge de la France.

En parallèle, l’inflation a grimpé à 7,5% au cours du mois d’avril, soit un niveau inédit depuis qu’Eurostat agrège les données pour la zone euro à la fin des années 90. L’indice des prix à la consommati­on harmonisé (IPCH), qui permet de faire des comparaiso­ns à l’internatio­nal, est principale­ment porté par les prix de l’énergie et de l’alimentair­e mais les prix des services commencent également à accélérer. En attendant, la Banque centrale européenne (BCE) est sur une ligne de crête, coincée entre l’accélérati­on de l’inflation plus longue qu’anticipé et le ralentisse­ment de la croissance.

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L’indice PMI manufactur­ier allemand a reculé à 54,6 après 56,9 en mars. Il est toutefois supérieur à l’estimation “flash” publiée en cours de mois, qui l’avait donné à 54,1. (Crédits : Reuters)
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