En Anjou, une maison bas carbone est sortie de terre grâce à des méthodes de construction inédites
Lancée il y a un an pour étudier et promouvoir des modes de construction bas carbone, une expérimentation menée par le collectif Empreinte à Beaucouzé dans le Maine-etLoire a livré une habitation où les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) ont été réduites de 32% et ouvert de nouvelles voies au secteur de la construction. A condition qu’il fasse sa révolution culturelle.
« Qu’avons-nous changé ? On s’est permis d’aller manger dans la gamelle du voisin !», résume Grégory Lussagnet, chef de projet innovation de l’entreprise angevine de construction ERB, à l’origine du collectif Empreinte, associant l’expertise d’une vingtaine d’acteurs du BTP pour faire émerger de nouvelles méthodes de construction et sortir de terre une maison à faible impact environnemental. Lancée il y a un an à Beaucouzé, l’opération livre ses premiers résultats.
« C’est peut-être ce qui a été le plus difficile sur le chantier mais c’est sans doute cette innovation organisationnelle qui nous a permis d’atteindre la norme E2C2 et de réduire de 32% les émissions de gaz à effet de serre (GES) », dit-il. Ainsi, plutôt que de percer un millier de trous dans le béton pour poser l’ossature du bardage, on a imaginé un système de fixation dans la mousse polyuréthane. « C’est moins pénible pour le charpentier, accessoirement moins bruyant pour les voisins, mais ça change les façons de faire du maçon... et du charpentier qui, dès lors, peut, intégrer les fils électriques... C’est un travail collaboratif qui amène de nouvelles méthodes de travail et des gains de temps. Les promoteurs qui, confrontés aux freins culturels de
En Anjou, une maison bas carbone est sortie de terre grâce à des méthodes de construction inédites
la profession, regardaient de loin l’expérimentation sont venus visiter le chantier », observe Grégory Lussanet. Et pour cause, avec l’entrée en vigueur de la norme RE2020 le 1er janvier dernier (la réglementation environnementale qui transforme les techniques de construction NDLR), de nouvelles exigences environnementales s’imposent aux constructeurs.
Matériaux biosourcés et recyclage à tous les étages
Dans la phase préparatoire du chantier, la société Terra Inova a proposé un retraitement des 300 tonnes de terres excavées, un élément qui constitue en général 70% des déchets du BTP, à des fins agricoles ou agronomiques dans un rayon de cinq kilomètres. Pour les fondations, la jeune startup Neolithe a permis la fossilisation de déchets de chantier pour produire des gravats et du béton, évitant ainsi de réduire l’extraction de granulat en carrière. A Beaucouzé, Neolithe a ainsi récupéré deux tonnes de déchets qu’elle a transformé en granulats utilisés pour la construction. A titre indicatif, ERB indique générer, chaque année, 1.100 tonnes de déchets ultimes, jusque-là enfouis ou incinérés. Ce potentiel est estimé à 28 millions de tonnes en France. Au rez-de-chaussée, le sol est réalisé en argile, retenu pour ses qualités de régulateur naturel de température et d’humidité, fourni par la société vendéenne Argilus. Dans les chambres, la salle de bain... il est recouvert de liège biosourcé..., réputé pour son confort acoustique et thermique.
En Anjou, une maison bas carbone est sortie de terre grâce à des méthodes de construction inédites
La maison idéale ? Le président d’ERB estime que tous les segments de la construction ont été divisés par deux permettant d’atteindre les standards de la maison passive, à coût équivalent, avec des technologies validées par le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment). « On a chassé le carbone au maximum pour atteindre la Norme E2C2. Pour aller plus loin, il aurait fallu installer des panneaux photovoltaïques, mais la technologie, souvent produite en Chine, n’étant pas suffisamment mature. Elle aurait fait augmenter le taux de CO2. Ce sera l’étape d’après, avec des bâtiments mutualisés, producteurs d’énergies... », se projette Grégory Lussanet.
Et maintenant, convaincre les promoteurs
Pour Yves Colliot le maire de Beaucouzé (5.546 habitants) qui attire chaque jour presque autant de travailleurs sur ses trois Zone d’Aménagement Concerté (ZAC Les Hauts du Couzé, le Coeur de Ville et les Nouveaux Echats 1, 2, 3) labellisés en écoquartier, « le dernier rapport du Giec nous laisse peu de marge de manoeuvre. S’engager face aux enjeux climatiques est presque devenu une obligation », souligne l’élu dont le quartier des Nouveaux Echats, est retenu au niveau national avec sept autres projets comme territoire test pour l’élaboration d’une méthode d’évaluation Energie et Carbone. Dans ce contexte, le projet Empreinte était le bienvenu. « Et nous donne des idées quand au développement d’une mobilité douce dans et entre les quartiers en développent le vélo, l’autopartage, le co-voiturage... », dit-il, réfléchissant à faire de la maison Empreinte, une maison de la Transition écologique ou le siège d’une association à vocation sociale. Car le projet est loin d’être passé inaperçu dans la population.
« Nous sommes surpris par la participation. Il y a une réelle appétence pour ces questions qui ne sont plus un sujet bobo-isé », observe Michel Ballarini, directeur général de la société d’aménagement angevine Alter-Anjou Loire Territoire qui pilote l’aménagement des dix-sept hectares de la zone d’activité Les Echats 3 où doivent, à terme, émerger 380 logements. « Il faut maintenant modéliser et compiler ce que l’on a pu apprendre sur le projet Empreinte pour que les promoteurs s’emparent de ces technologies», admet-il. Déjà, l’aménageur a lui instauré de nouvelles exigences environnementales pour la construction des futurs logements. A travers trois niveaux : jeune pousse (RE2020), Grand Chêne et Chêne majeur, équivalent aux critères de la maison passive. Ces deux dernières catégories pouvant chacune prétendre à un coup de pouce financier de 3000 et 5000 euros. « On incite d’abord, on obligera ensuite... », sourit le patron d’Alter. Pour le collectif Empreinte, l’avenir se dessinera à travers deux appels à projets. L’un sur les constructions en terre crue en impression 3D , l’autre sur... l’économie des matériaux. « On aurait pu réduire la quantité de béton par trois, si les normes de nous avaient pas bridées », remarque Thomas Grenouilleau.