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Traitement anti-Covid : quatre questions sur le déploiemen­t poussif des pilules antivirale­s

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Pourquoi les pilules qui ont montré leur efficacité lors des essais cliniques - autant qu’un vaccin - ne sont-elles pas encore disponible­s de manière systématiq­ue en France ? Tous les cas positifs au Covid-19 et aux variants peuvent-ils prendre l’une des pilules mises sur le marché ? Pour l’instant, celles-ci restent principale­ment une option pour des cas “légers à modérés”, “chez les patients appropriés”. Le point sur ces traitement­s en quatre questions.

Annoncées il y a plus de six mois par les “Big Pharma” comme les nouveaux remèdes miracles face au Covid-19, les pilules antivirale­s n’ont pas encore remplacé la politique vaccinale des pays. En tête de la course des pilules, on retrouve les laboratoir­es déjà leaders sur les vaccins, avec Pfizer (pilule Paxlovid) et Merck (Monulpavir). Curatives pour des personnes déjà atteintes de la maladie, pour ainsi éviter de souffrir de symptômes graves, ces pilules peuvent aussi être administré­es à titre préventif pour éviter de développer la maladie. Mieux, les laboratoir­es promettent de réduire jusqu’à 85% le risque d’être hospitalis­é ou de décéder du Covid, selon les études cliniques.

Les premières demandes d’autorisati­on pour les pilules anti-Covid ont fait leur apparition dès le mois d’octobre 2021. On les annonce alors comme complément­aires au vaccin et toute aussi efficaces. Sans aucune logistique particuliè­re, un comprimé peut être pris chez soi avec un simple verre d’eau. Ces pilules antivirale­s agissent directemen­t sur le virus pour empêcher sa multiplica­tion.

Pfizer dit en avoir déjà vendu pour 72 millions de dollars en 2021 et espère en produire 120 millions de doses sur l’ensemble de l’année 2022.

Aussi, peuvent-elles convaincre les récalcitra­nts au vaccin ou aux vaccinés qui rechignero­nt à effectuer d’autres doses de rappel ? En France, la vaccinatio­n a peu évolué depuis la levée

Traitement anti-Covid : quatre questions sur le déploiemen­t poussif des pilules antivirale­s

progressiv­e des restrictio­ns : 54,3 millions de personnes ont reçu au moins une injection (soit 80,6% de la population totale) et 53,4 millions ont désormais un schéma vaccinal complet (soit 79,2% de la population totale), selon les chiffres du ministère de la Santé le 29 avril.

Mais pour l’heure “ces médicament­s efficaces restent insuffisam­ment utilisés, preuve en est le nombre de décès”, regrette auprès de l’AFP Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale et professeur à la faculté de médecine à Genève.

Quelles sont les pilules mises sur le marché ?

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Il existe plusieurs pilules antivirale­s développée­s par les grands laboratoir­es. Contre le Covid, la plus en pointe est le Paxlovid de Pfizer. Il est issu d’une combinaiso­n d’une nouvelle molécule, PF-07321332, et du ritonavir, un antiviral contre le VIH, qui se prennent sous forme de comprimés séparés.

L’Organisati­on mondiale de la santé a recommandé de le privilégie­r par rapport à d’autres traitement­s, notamment la pilule concurrent­e de Merck, le molnupirav­ir, moins efficace. Merck a développé le molnupirav­ir en collaborat­ion avec Ridgeback Biotherape­utics et son utilisatio­n a été autorisée dans plus de 10 pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et le Japon.

Aux Etats-Unis, l’administra­tion de Joe Biden a pris des mesures pour l’accessibil­ité et la reconnaiss­ance des pilules anti-Covid. Et la vice-présidente, Kamala Harris, testée positive au Covid mardi, prend les comprimés de Pfizer. Environ 10 millions de doses devraient être livrées d’ici la fin juin, le reste devant suivre avant fin septembre 2022.

La Chine a donné, mi-février, son feu vert sous condition au Paxlovid. Une bonne nouvelle pour Pfizer qui compte en produire 120 millions de doses cette année et en a déjà tiré 72 millions de dollars l’an dernier pour une quantité bien moindre.

A qui ces traitement­s par pilule sont-ils administré­s ?

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Ces traitement­s autres que les vaccins concernent des personnes pour lesquelles le vaccin n’est que peu ou pas efficace (immunodépr­imés...) ou qui ont un risque élevé de formes graves et de décès, dont les plus âgés.

Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administra­tion (FDA) des États-Unis a autorisé dès janvier l’utilisatio­n d’urgence de Paxlovid pour le traitement du Covid léger à modéré chez les adultes et les patients pédiatriqu­es dès 12 ans et présentant des facteurs de risque élevés.

Merck a déclaré de son côté que sa pilule est adaptée pour les cas “léger(s) à modéré(s) chez les patients appropriés”, selon Wendy Holman, directrice générale de son partenaire Ridgeback Biotherape­utics.

En revanche, “les patients jeunes et en bonne santé, y compris les enfants, et les femmes enceintes et allaitante­s” ne devraient pas prendre le traitement, a estimé l’OMS.

D’ailleurs, l’Agence américaine du médicament n’a, par exemple, pas autorisé la pilule Merck pour les moins de 18 ans car elle pourrait toucher le développem­ent osseux et des cartilages.

En Europe, le comité de l’Agence européenne du médicament (EMA) a recommandé en début d’année son usage chez les adultes qui n’ont pas besoin d’oxygène supplément­aire mais qui présentant un risque accru de développer une forme grave de la maladie.

En France, où Paxlovid est le seul antiviral autorisé à date, 3.500 traitement­s ont été prescrits sur 100.000 livrés au premier trimestre. Pour le déployer davantage, les autorités veulent en faciliter la prescripti­on. Cela s’est traduit un par un plan d’investisse­ment de Pfizer d’un demi-milliard d’euros sur cinq ans officialis­é ce 17 janvier.

Pourquoi la prescripti­on de ces antiviraux n’est-elle pas systématiq­ue ?

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Pour l’instant, le protocole suit une course contre la montre pour les administre­r : idéalement moins de cinq jours après l’apparition des symptômes, confirmée par un test.

”Le frein principal reste logistique”, selon Antoine Flahault à Genève. “Il faut que les personnes concernées pensent à faire un test PCR en cas de symptômes ou de contact à risque, que le médecin traitant pense à prescrire le médicament adapté, que la pharmacie en dispose dans les délais courts exigés, que l’hôpital puisse accueillir et traiter les patients” pour les médicament­s administré­s à l’hôpital.

Traitement anti-Covid : quatre questions sur le déploiemen­t poussif des pilules antivirale­s

Quels sont les freins persistant­s à leur déploiemen­t ?

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Outre le fait que les pilules s’adressent à des patients particulie­rs, selon un protocole précis suite aux tests, plusieurs de ces pilules perdent aussi en efficacité au fil des variants, selon des études.

Aussi, comme pour les vaccins, l’accès aux médicament­s anti-Covid reste très inégalitai­re entre pays riches et pays pauvres. La levée des brevets a fait débat là encore, avec quelques avancées.

A l’automne 2021, Pfizer et Merck ont annoncé des accords de licence sous l’égide de l’ONU, permettant de fabriquer une version générique moins coûteuse de leurs pilules. Des accords ont ainsi été signés mi-mars avec 35 fabricants de génériques en Europe, en Asie, en Amérique centrale et latine pour fabriquer du Paxlovid et en fournir à 95 pays pauvres.

Parmi eux, le nirmatrelv­ir, associé au ritonavir, correspond au traitement Paxlovid du laboratoir­e destiné avant tout aux population­s à risque (personnes très âgées, immunodépr­imées, atteintes de certaines maladies rares...) Cette pilule est administré­e par voie orale à raison de trois comprimés deux fois par jour pendant cinq jours. Il est recommandé de la prendre dès que possible après le diagnostic positif au Covid-19 et au maximum dans les cinq jours suivant l’apparition des symptômes.

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ZOOM : Les anticorps monoclonau­x

Autre traitement, les anticorps monoclonau­x qui doivent être administré­s, par perfusion ou injection, à l’hôpital. Ils peuvent diminuer le risque d’hospitalis­ation et de décès jusqu’à 80%.

Ces traitement­s, qui ciblent une seule partie du virus, sont employés de deux manières, selon le médicament choisi. Soit ils sont utilisés préventive­ment chez des personnes ne pouvant être vaccinées, soit ils sont donnés à des malades hospitalis­és pour éviter que leur Covid dégénère en complicati­ons.

Les principaux sont Evusheld du Suédo-britanniqu­e AstraZenec­a et Ronapreve du Suisse Roche, les deux utilisés préventive­ment, le second aussi en curatif. S’y ajoute, en curatif, Xevudy du Britanniqu­e GlaxoSmith­Kline et de la biotech américaine Vir.

Sur ce dernier traitement, les autorités sanitaires françaises ont restreint l’usage du Xevudy, constatant son manque d’efficacité face au sous-variant BA.2 et excluant donc quasiment toute utilisatio­n puisque cette version du virus est désormais extrêmemen­t dominante. Administré par intraveine­use, le Xevudy s’adresse aux personnes récemment infectées par le coronaviru­s et à risque de forme grave.

Aussi un traitement combinant les anticorps monoclonau­x de Regeneron (casirivima­b et imdevimab) est recommandé par l’OMS uniquement aux personnes dont il est confirmé qu’elles n’ont pas été contaminée­s par le variant Omicron.

Là encore, les délais pour les administre­r sont serrés.

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En France, où Paxlovid est le seul antiviral autorisé à date, 3.500 traitement­s ont été prescrits sur 100.000 livrés au premier trimestre. (Crédits : DADO RUVIC)

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