La Tribune

La hausse des prix rend la saison des fruits d’été périlleuse

- Yann Kerveno

Dans les allées du Medfel, rendez-vous incontourn­able de la filière fruits et légumes qui s’est tenu les 27 et 28 avril à Perpignan, il fut beaucoup question du contexte économique et des hausses de prix. Les calculette­s ont chauffé et le pire n’est peut-être pas pour cette année.

Pour son retour après deux années occultées pour cause de Covid (une édition numérique avait eu lieu l’an dernier), le Medfel, salon des fruits et légumes méditerran­éens, survenait dans un contexte très particulie­r, entre calamités climatique­s, hausse des prix des intrants et incertitud­es géopolitiq­ues...

L’année n’est pas terminée, les campagnes de fruits d’été ne sont pas commencées que les calculette­s affichent déjà des surcoûts très conséquent­s. À la production, dans les vergers, les hausses de prix des engrais, des produits phytosanit­aires ou du carburant font bondir le coût de revient. Avec, selon les cas, des progressio­ns de 10 à 15% par rapport à l’an dernier et de près de 30% par rapport à l’année 2020.

Dans les stations de conditionn­ement, on se gratte également la tête. En plus des augmentati­ons de l’énergie (pour les frigos), il y a également de grandes tensions sur les palettes, les plastiques, le coût du travail et surtout sur le carton. Et même une double tension, sur les prix et sur les approvisio­nnements. À la coopérativ­e agricole Ille Fruits (à Ille-sur-Têt dans les Pyrénées-Orientales), un des principaux opérateurs en fruits d’été et en concombre du départemen­t, les équipes ont tenté de tout border pour l’année après un gros coup de chaud sur le concombre.

Plannings décalés

« Le prix du gaz a été multiplié par deux et demi par rapport à l’an dernier, détaille Jean-François Not, président de la coopérativ­e illoise. L’an passé, pour chauffer nos serres à concombres, nous en avons eu pour 197.000 euros.

Cette année, la facture du seul mois de janvier s’élève à 194.000 euros et nous allons finir la campagne à un demi-mil

La hausse des prix rend la saison des fruits d’été périlleuse

lion d’euros pour le seul poste gaz... Par chance, les conditions de marché ont été très bonnes, avec une moindre production en Europe et des prix restés élevés cet hiver et au début du printemps. Cela nous permet de ne pas perdre d’argent, mais nous n’en gagnons pas avec cette production cette année. »

Directeur du marché de Saint-Charles, Cyril Gorne explique que c’est un peu le même schéma qui s’est produit pour la tomate : « À cause du prix du gaz, les Hollandais, qui sont les principaux producteur­s de tomates en Europe, ont décalé leurs plannings pour moins chauffer, et de leur côté, les Marocains ont contingent­é leurs exportatio­ns pour privilégie­r leur marché intérieur pendant le Ramadan. Donc tout est fluide pour le moment, les prix sont hauts mais il faudra aussi compter avec le coût du fret, cette année ».

Anticipati­on

Pour la campagne d’été, la coopérativ­e Ille Fruits a anticipé avec ses fournisseu­rs et espère ne pas avoir de pépin. D’autant que le secteur doit aussi faire face à un changement réglementa­ire qui leur impose d’abandonner les emballages en plastique au bénéfice du carton... Ce qui fait enrager Jean-François Not.

« Nos plastiques étaient des plastiques recyclés et on nous impose des conditionn­ements en carton qui changent la donne en matière de conservati­on et prennent beaucoup plus de volumes, raille-t-il. Pour le même poids de fruits, il faut compter six fois plus d’espace dans les camions, donc un surcoût important en frais de transport. »

Sans compter que le carton, comme le reste, flambe.

« Les cartons, c’est 20 à 30% d’augmentati­on depuis le début de l’année, ajoute ainsi François Bes, directeur de la coopérativ­e. Mais tout a augmenté, le travail aura pris près de 10% aussi ces derniers mois, et je ne parle pas de l’énergie... »

Au total, François Bes estime de 15 à 20% l’augmentati­on du prix de revient des fruits d’été, soit une dizaine de centimes au kilo. Qu’il faudra bien faire supporter par quelqu’un.

Prix soutenus ?

« Pour l’instant, la distributi­on est attentive à ce qui se passe, et nous espérons que nous arriverons à répartir cette augmentati­on sur tous les maillons de la chaîne », prédit Jean-François Not.

Pour les fruits à noyau, c’est peut-être le malheur des Espagnols - qui ont perdu la moitié de la production d’abricot début avril à cause du gel, et probableme­nt autant en pêche - qui permettra au prix de se tenir et aux entreprise­s de sauver la mise. À condition que la consommati­on soit là cet été, sans coup férir, malgré le recul du pouvoir d’achat.

Quant à l’après, pour 2023, c’est peut-être moins les problèmes de prix qui inquiètent la filière que la disponibil­ité des emballages et de la main d’oeuvre. Mais à chaque année suffit sa peine.

 ?? ?? Le contexte très particulie­r marqué par des calamités climatique­s, une hausse des prix des intrants et des incertitud­es géopolitiq­ues fait craindre un été 2022 qui verrait flamber les prix des fruits et légumes. (Crédits : Yann Kerveno)
Le contexte très particulie­r marqué par des calamités climatique­s, une hausse des prix des intrants et des incertitud­es géopolitiq­ues fait craindre un été 2022 qui verrait flamber les prix des fruits et légumes. (Crédits : Yann Kerveno)

Newspapers in French

Newspapers from France