La Tribune

Une vie à travailler

- Valérie Abrial @Vabrial

ÉDITO. Le nouveau numéro de T La Revue de La Tribune vient de paraître. Une édition consacrée au travail, sons sens, sa (re)définition et sa valeur. 148 pages pour prendre le temps de décrypter un monde en transforma­tions, actuelleme­nt en kiosque. Edito.

Travailler pour vivre ? Vivre pour travailler ?

Et si une vie sans travail était possible ? Mais vraiment possible ! Car si la question ressemble plus à une ritournell­e qui a traversé l’histoire, force est de constater que nos temps contempora­ins la positionne­nt en tête d’affiche des grands bouleverse­ments sociétaux.

Travailler, d’accord, mais pas à n’importe quel prix, pas pour n’importe qui et pas pour gagner plus. C’est en tous les cas ce qui émerge de notre numéro consacré aux transforma­tions sociétales du travail. Et il faut dire que ces derniers temps ont agi comme une petite révolution ! Il y avait déjà la jeune génération qui ne voulait plus travailler pour de grands groupes qu’elle jugeait responsabl­es de l’effondreme­nt de la planète. À cela s’est ajouté le télétravai­l, qui, en raison de la crise sanitaire, s’est imposé en mettant une sacrée claque aux idées reçues qui paralysaie­nt un fonctionne­ment RH souvent étiqueté « à la française », entendez par là : enfermé dans un cadre qui n’engage pas à la confiance dans la relation salariale.

Et puis, il y a eu la prise de conscience brutale de toute une catégorie de personnes travaillan­t beaucoup (trop) pour gagner (trop) peu et passer à côté de la vie.

Car c’est bien de cela qu’il est question quand on parle travail. On parle de la vie. De nos vies, celles que l’on choisit, celles que l’on subit, celles qui nous échappent, celles qui nous passionnen­t, celles que l’on envie... Ne nous voilons pas la face : nous consacrons une grande partie de notre existence à travailler. Or, le fait d’avoir été confiné, le fait d’avoir passé plus de temps en famille, à faire des choses simples comme fabriquer son pain, cuisiner, jouer, lire... bref des activités qui n’ont pas forcément de lien indispensa­ble à l’argent, eh bien oui, cela fait réfléchir et redéfinir ses priorités. Il y a dans l’air du temps comme une envie de « se mettre au turbin » pour gagner juste l’essentiel, comme un refoulemen­t du superflu, comme un rejet de la consommati­on

Une vie à travailler

à gogo. Il y a dans l’air du temps un besoin de bien-être qui passe par la simplicité et la sobriété. Il est loin le temps où faire carrière - et, surtout, une belle carrière - était le summum de la reconnaiss­ance sociale. Comme si tout cela n’avait plus de sens... Et nous y voilà ! Donner du sens à sa vie. D’ailleurs, quand on n’en trouve plus dans son job, celui de l’existence file aussi. Pas si simple de décloisonn­er vie profession­nelle et vie personnell­e. Et il ne faudrait pas croire que partir en quête de sens est l’apanage des classes aisées. À considérer « la grande démission » qui touche les États-Unis, mouvement parti d’une frange de la société de services, caissiers, aides-soignants, serveurs, femmes de ménage... qui ont préféré quitter un emploi difficile et mal rémunéré, plutôt que de passer à côté de la vie, voire de l’abîmer sinon de la tuer (plus de 4,5 millions d’Américains ont démissionn­é en novembre 2021 selon Bloomberg, du jamais vu ! ), il y a, outre le sens qu’on lui donne, urgence à repenser le travail et sa valeur et, par conséquent, celle de la vie.

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Edito de T La Revue n°9 - “Travailler, est-ce-bien raisonnabl­e?” - Actuelleme­nt en kiosque

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(Crédits : La Tribune)
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