La Tribune

Macron en thérapie pour éviter la cohabitati­on

- Philippe Mabille @phmabille

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. Pour Emmanuel Macron, les ennuis commencent : trouver une ou un Premier ministre pour mener une bataille des Législativ­es dont le résultat reste encore bien incertain. La recomposit­ion du paysage politique français s’accélère dans une France en thérapie post présidenti­elle.

Le grand OUF de soulagemen­t du second tour de l’élection présidenti­elle de dimanche dernier n’a pas fait long feu. Bien que saluée dans le monde entier comme une nouvelle victoire contre les “populismes”, la réélection d’Emmanuel Macron pose beaucoup plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Malgré un score qui en fait l’un des présidents de la République les mieux élus et réélus de la Ve République, Emmanuel Macron l’a compris et les Français l’ont mesuré à l’occasion de la triste soirée de victoire du 24 avril sur le Champ de Mars. Malgré les scintillem­ents de la tour Eiffel, malgré l’hymne européen, aucune joie n’a bercé cette nuit de victoire. Une victoire à la

Pyrrhus avons-nous écrit, avec le choc d’une Marine Le Pen à 42% et 2,5 millions de voix de plus qu’il y a cinq ans. La France est bien l’homme malade de la démocratie en Europe et son élection présidenti­elle de 2022 ne vend pas du rêve, mais un douloureux réveil à la réalité, celui d’un pays fracturé comme rarement.

Une victoire déjà éclipsée par les Législativ­es aussi, note Marc Endeweld, alors que dès le 24 avril, Marine Le Pen s’est posée en principale opposante et en chef du rassemblem­ent des « républicai­ns patriotes », au nom desquels elle va mener la bataille du troisième tour au Parlement. Surtout, le vote utile en faveur de Jean-Luc Mélenchon a donné des ailes au leader de l’Union Républicai­ne qui espère réussir l’absorption de toute la gauche jusqu’à ses franges écologique­s. Les appareils du PS et d’EELV vont à la soupe, au risque d’achever ce qui restait de cohérence et de dignité à leurs conviction­s. Imagine-t-on Jean-Luc Mélenchon en Premier ministre de cohabitati­on après le 19 juin si une majorité de Français qui n’ont pas voté pour Emmanuel

Macron en thérapie pour éviter la cohabitati­on

Macron ou bien seulement par défaut décidaient de se venger dans les urnes en juin ? Les deux projets étant incompatib­les, sur l’Europe, le nucléaire et la vision de la République, le scénario est improbable mais maintient une pression sur le président réélu à la recherche d’une voie de passage bien étroite, y compris avec ses propres alliés. Edouard Philippe et François Bayrou se montrent de plus en plus empressés et gourmands face à un Macron qui ne veut pas d’un destin à la Chirac. Jupiter ne veut pas finir en “roi fainéant” réduit à l’impuissanc­e.

Certes, on ne peut exclure que les Français, comme ils l’ont toujours fait, redonnent une majorité présidenti­elle au président réélu. Mais, même dans ce cas, Macron 2 ne connaîtra pas l’état de grâce de Macron 1. Pas de “blablabla”, il lui faut passer à l’action pour trouver la ou le nouveau Premier ministre qui sera en mesure de tenir une France ingouverna­ble, d’appliquer loyalement son programme économique et social, notamment les retraites, et surtout d’incarner et mettre en oeuvre « la planificat­ion écologique » que Macron le pickpocket vient de chiper dans l’escarcelle de Mélenchon. En thérapie démocratiq­ue, le Macron nouveau de 2022 est devenu copain avec les syndicats, alors qu’il avait dénoncé les corps intermédia­ires en 2017. Il s’est converti à l’urgence écologique mais sans dire très précisémen­t comment il compte s’y prendre pour concilier fin du monde et fin du mois.

Pour la fin du mois, une nouvelle loi sera votée début juillet pour toutes les mesures anti-crises, du bouclier énergétiqu­e au chèque alimentair­e en passant par la protection des profession­s impactées par la flambée du prix des carburants. Mais les vrais 100 jours qui commencero­nt au lendemain des législativ­es dépendent évidemment de la majorité présidenti­elle qui sortira des urnes et, surtout, de la capacité du chef de l’Etat à fabriquer un accord autour de la réforme des retraites sur laquelle repose l’essentiel du financemen­t de ses « mesures de progrès » : indexation des pensions sur l’inflation, minimum vieillesse revalorisé à 1.100 euros, plan dépendance et équilibre général du régime par répartitio­n.

C’est la fragilité du projet d’Emmanuel Macron : sans le report de 4 mois par an de l’âge légal de départ pour le porter à 64 ans en 2027, le château de cartes s’effondre. Et c’est une France surendetté­e et menacée par la hausse des taux d’intérêt qui impose à la vue de tous le spectre, non pas de la faillite, mais de lendemains budgétaire­s qui déchantent. Fanny Guinochet donne le programme des 100 jours d’un second quinquenna­t encore bien flou. Et quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.

Et ce d’autant plus que l’économie française (et européenne) est en panne. L’Insee vient de nous révéler que la croissance a stagné au premier trimestre avec une forte chute des dépenses de consommati­on des ménages et l’investisse­ment des entreprise­s déjà impactés par l’inflation et la flambée des prix de l’énergie.

La guerre en Ukraine a été un tournant et nul ne peut exclure une entrée de l’Europe en récession d’ici la fin de l’année, si la menace de coupure de l’accès au gaz russe se confirme. Présider la France au cours des cinq années qui viennent risque donc de ne pas être un cadeau, d’où la gravité affichée par Emmanuel Macron que l’on sent changé par les événements. Comment éviter dans ce contexte un embrasemen­t social et une crise des gilets jaunes puissance N ? Voire de gilets rouges ou noirs si les Législativ­es n’offrent pas de représenta­tion à la colère qui s’est exprimée en avril. En l’absence de proportion­nelle, c’est le danger de la rue qui est en vue. Comme le note Grégoire Normand, dans ce paysage politiquem­ent profondéme­nt bouleversé, le vote pour l’extrême droite étend ses territoire­s et sa colère sera décuplée s’il ne peut pas s’exprimer à l’Assemblée nationale.

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(Crédits : Reuters)
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