La Tribune

Transition écologique : la grande réorientat­ion du marché de l’emploi

- Collectif

TRIBUNE - Ce n’est plus un scoop. Les jeunes veulent un boulot qui a du sens, qui contribue positiveme­nt à la société. Bonne nouvelle pour la planète, mais comment orienter le marché de l’emploi pour le mettre au service de la transition écologique et sociétale ? Un collectif de recruteurs et d’organisati­ons, composé d’une centaine d’organisati­ons de l’économie sociale et solidaire et coordonné par la plateforme jobs_that_makesense, a imaginé quelques pistes d’action à murmurer à l’oreille du président de la République.

La planificat­ion écologique semble enfin avoir conquis l’Élysée qui devrait prochainem­ent nommer un Premier ministre chargé du sujet. L’appel du GIEC aurait-il enfin été entendu ? Sachant qu’il ne nous reste plus que 3 ans pour garder une planète vivable, pour nous activer à tous les niveaux, dans nos vies personnell­es comme au boulot, qui imagine encore travailler comme papa ? Côté travail, les génération­s se suivent et ne se ressemblen­t pas. Le métro-boulot-dodo ne fait plus rêver grand monde, pas plus que la promesse de s’offrir une piscine à 50 ans à coups de bullshit jobs. 78 % des 18-24 ans interrogés par la société d’études Yougov pour le site Monster en septembre 2021 n’accepterai­ent pas un emploi qui n’a pas de sens pour eux. 92% des répondants d’une récente enquête de la chaire Impact Positif d’Audencia pour jobs_that_makesense s’interrogen­t sur le sens de leur activité profession­nelle. Parmi eux, ils sont 50% à se poser des questions, et 42% à avoir entamé une démarche de reconversi­on profession­nelle. Derrière cette quête de sens, le souhait de contribuer aux enjeux de la transition écologique et/ ou sociale est cité par 57% des répondants.

Voilà donc une opportunit­é unique d’aller dans le bon sens. Les jeunes veulent contribuer positiveme­nt à la société, la société a besoin de nouvelles énergies, l’affaire est réglée. Pas si simple. Le monde du travail est-il prêt à accueillir cette manne de nouveaux travailleu­rs ? Ces nouveaux travailleu­rs ont-ils les compétence­s pour intégrer ces nouveaux métiers ? À l’horizon

Transition écologique : la grande réorientat­ion du marché de l’emploi

2050, l’Ademe estime à près d’1 million le nombre de nouveaux emplois à pourvoir, rien que pour l’économie verte. Les chiffres sont à peu près les mêmes du côté du Shift Project. Le “Plan de Transforma­tion de l’Économie Française” du think tank bas carbone prévoit de détruire 800 000 emplois (dans le secteur pétrolier surtout) mais aussi d’en créer 1,1 million (notamment via la création d’une puissante industrie du cycle, des deux roues et de la voiture électrique), soit un solde net de 300 000 emplois gagnés pour les Français.

Trois ingrédient­s indispensa­bles

Plus qu’une grande démission, c’est donc une grande réorientat­ion qu’il va falloir orchestrer. Trois ingrédient­s nous semblent indispensa­bles pour prendre ce virage : aider les entreprise­s à impact à recruter, former massivemen­t aux métiers de la transition écologique et sociétale, et inciter les actifs à se reconverti­r.

On pourrait se dire que le marché de l’emploi n’est qu’une équation mathématiq­ue facile à résoudre avec d’un côté des entreprise­s qui recrutent, de l’autre, des demandeurs d’emploi qui cherchent à travailler. Le problème c’est que l’économie de l’impact positif repose principale­ment sur des petites structures, associatio­ns ou entreprise­s, qui n’ont pas forcément les ressources nécessaire­s pour leur premier recrutemen­t. Comment leur donner le coup de pouce nécessaire pour franchir ce cap ? Une des solutions se trouve dans le Manifeste de l’économie de demain porté par le Mouvement Impact France, qui demande notamment que la fiscalité, les aides et investisse­ments publics soient réorientés vers une compétitiv­ité écologique et sociale. On pourrait aussi imaginer un dispositif de soutien aux jeunes entreprise­s à impact similaire à celui des Jeunes entreprise­s innovantes, avec l’exonératio­n de cotisation­s sociales patronales pendant leurs cinq premières années d’existence afin de permettre de recruter plus rapidement.

On ne s’improvise pas spécialist­e de l’agro-écologie

Admettons que cette question de l’incitation à l’embauche des structures à impact soit administra­tivement et rapidement réglée, les capacités des demandeurs d’emploi sont-elles d’ores et déjà adaptées aux exigences de la prochaine décennie ? Les métiers de la transition écologique et sociétale nécessiten­t des compétence­s spécifique­s, à la fois techniques et comporteme­ntales. On ne s’improvise pas spécialist­e de l’agro-écologie, de la rénovation énergétiqu­e des bâtiments, ou encore de l’économie circulaire. Côté comporteme­ntal, les prochaines crises exigent d’innover. Des compétence­s en créativité, adaptabili­té, mobilisati­on citoyenne, facilitati­on, ou encore en gestion du changement vont être tout aussi indispensa­bles pour construire notre future société.

On commence par quoi ? Pour favoriser la montée en compétence­s du plus grand nombre, considéron­s ces secteurs comme des métiers en tension et dédions une part du budget de la formation profession­nelle au soutien de ces compétence­s. Cela peut passer par un abondement du CPF pour toute formation vers ces métiers et compétence­s, voire de la création d’un fonds spécifique pour les plus jeunes. Et parce que la formation passe également par l’expérience, invitons à reconnaîtr­e l’engagement associatif comme Unité d’Enseigneme­nt à part entière, sur le modèle de ce qui peut déjà être fait dans certaines université­s, comme l’Université de Paris par exemple. Une chose est sûre, il n’y a pas plus formateur que l’action.

Accompagne­r les reconversi­ons

Enfin, et ce serait rendre un grand service à la Sécurité sociale, permettons au plus grand nombre non pas de se mettre en arrêt maladie, ni de démissionn­er mais de se réorienter. Selon l’étude Audencia pour jobs_that_makesense citée plus haut, le premier frein à la reconversi­on vers l’impact est financier, parce qu’il faut financer sa reconversi­on (formation, période de chômage, etc.) et accepter une baisse de salaire potentiell­e. À ce sujet, l’APEC estime en moyenne à 10% l’écart de rémunérati­on entre l’ESS et le secteur traditionn­el.

Pour résoudre ces difficulté­s et réussir la grande réorientat­ion que nous appelons de nos voeux, accompagno­ns au mieux ces reconversi­ons à travers des dispositif­s notamment financiers. Imaginons d’élargir le congé de reclasseme­nt aux employés qui souhaitent se réorienter vers une carrière dans la transition écologique et sociétale, et non pas uniquement dans le cadre d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi. Et puisque l’avenir est par définition incertain, puisque les prochaines années s’annoncent chaotiques, créons un service de l’orientatio­n et de la réorientat­ion tout au long de la vie. Et peut-être qu’alors, le lundi matin nous n’irons plus travailler, nous irons contribuer à la marche du monde...

Les premiers signataire­s

Jean-Christophe Perrin, Fabien Sécherre et toute l’équipe de jobs_that_makesense,

Florent Guignard et Antoine Dujardin (Le Drenche), Laetitia Vasseur (Halte à L’Obsolescen­ce Programmée), Muriel Papin (No Plastic In My Sea), Marie Nguyen et Antoine Coulaud

Transition écologique : la grande réorientat­ion du marché de l’emploi

(Wedressfai­r), Côme De Cossé Brissac (La Solive), Claire Pétreault (Les Pépites Vertes), Hélène De Vestele (Edeni), Anne Le Corre (Printemps écologique), Océane Puech (GreenScale),

Emilie Schmitt (Activ’Action), Léa Karki (AFEV), Mariane Behar (Aime), Alex Huyn (Aktio), Adrien Laprévote (Allo Louis), Vincent Guerpillon (Alter Compta), Anne Silberstei­n (Aneko), Mathieu Delot (Apels), Caroline Liby (Appart & Sens), Maxime Dekowski (Arkée), Diane Caussade (Associatio­n Ballade), Matthieu Jungfer (Atelier Unes), Antoine Martin (Biomere), Elise Rey Du Boissieu (Bric A Vrac), Stéphanie Dick (Cabas Tuyau), Mathilde Hiesse (Cacré), Benjamin Salem (Change Please France), Stéphanie Talevis (Circul’R), Maryline Macchi (Convergenc­e), Fanny Roussey (Convergenc­es), Estelle Maruzzo (Cultures Et Compagnies), Marion Scapin (Dabba Consigne), Aude Amarrurtu (Defi Services +), Oscar Lustin (Domani), Julien Derville (Dunia), Léa Gunther Dupont (Eclosyou), Nacera Mansouri (Ecole 3A Lyon), Montel Pierre (Ecolearn), Jérémie Jean (Egreen), Christophe Meyer (Ekolo), Alice Flodrops (Emmaüs Connect), Thomas Delage (Entoureo), Tiphaine Gualda (Entreprene­ur), Cédric Tomissi et Julie Dautel (Eonef), Ameyna Fressinaud (Epicc), Severin Prats (Ethi’Kdo), Chantal Panetta (Face Paris hauts-de-Seine), Rozenn Morice (Familles Solidaires Bzh), Maud De Balby (Fampao), Armonia Pierantozz­i (Fertîles), Omar Bendjellou­n (Finetic), Thibaut Boiziau (Freepry), Séverine Hassler (Gamino), Marion Baltazard (GEIEC), Nicolas Teulade (Graines & Germoirs / Pollen Scop), Solenn Le Divenah et Fannie Nolhier (Groupe SOS), Olivia Olivia Rotondo (Gymglish), Robin Sicsic (Handineo), Perrine Lhote (Hisse & Haut), Margaux Labidi (Hopening), Benoit Petit (Hubblo), Laure Bulteel (Initiative­s Solidaires), Armand De Coussergue­s (Institut Supérieur De L’Environnem­ent), Mari Kameyama et Quentin Iprex (Investir&+), Thomas Groell (Jib Smart Home), Antoine Maurel (Karma Search), Aurélie Notarianni (Kedelaé), Cecile Pierrat-Schiever (Kodiko), Inã¨S Meyer (Komunii), Séverine Hassler (Kouide), Veronica Susman (La Crème Libre), Christophe

Besson (La Fontaine D Annibal Fol26), Marie-France Girgis (La Fourche), Candice Dupré (La Réponse D.), Madeleine De Lisle (La Ruche Qui Dit Oui!), Louis Lefevre (La Tête Dans Les Nuages), Augustin Courtier (Latitudes), Olivier Girinon (Le Bastion), Laurent Segaud (Le Marché Du Jour), Marina Carpentier (Lemonaid & ChariTea), Hélène Falise (Le Village Potager), Adèle Debost

(Les Amis D’Hubert), Emilie Renault (Les Fées Recup Sarl),

Alizée Danchaud (Les Ombres), Jonathan Reiss et Delphine Vandermeer­sch (Les Petites L’Ouches), Blandine Barré (Les Réparables), Amandine Garnier (Les Raisonné·e·s), Christophe Conceicao (Live For Good), Coline De Georges (Lumia), Maxime Marchand (Mao Boa), Louis Sibille (Maïa), Florence Grosse

(Made In Montreuil), Sarah Forest (Maforêt), Alexia Lechevestr­ier (Make Ici), Mathilde Thorel (Makesense), Thomas Dehier (Marmites Volantes), Reine De Méreuil (Matrice), Manon Fargelat (Meanwhile Boutique), Pauline Courbon (Moulinot), Lobna

Calleja (Ogilvy), Paul Charon (Omaj), Charlotte Veaux (Onyo), Lucie Vegrinne (Opencommun­ities), Yann Gabay (Oreegami),

Shu Zhang (Pandobac), Boris Oudet (Pathtech), Victor Matei (Pegasus), Eric Vachez (Planete Mer), Anne Trombini (Pour Une Agricultur­e Du Vivant), Yoann Hodeau (Prowd), Eva Brabant, Cécile Gueguen et Lil Rimsa (Réseau Des Ecoles De La Transition Écologique - Etre), Alexandre Gubert (Scunetta), Dimitri Pivot (Second Souffle), Yves Cambier (Seniors D’Avenir Et Cie), Benoit Le Gouge (Silo), Louise Block, Pascal Dubaele (Singa), Marie Floquet (Sinny&Ooko), Olympe Chabert (Smartback), Elsa

Sayagh (Somanyways), Elodie Jolivet (Sparknews), Tanguy Viet (Supernova), Marion Graeffly (Telecoop), Enki Barache (Tigoun), Louis Falga (Tirelires D’Avenir), Michael Roes (Toopi Organics), Aude Bardaine (Toutbon (Demain Sas)), Cécile Staehle (Troopers Web Republic), Mikail Tanev (Upcyland), Marc Singer et Hubert Clément (Util Studio), Léa Dégardin (Via Id), Sarah Benosman (Vrac’N Roll), Marina Ferre (Yuact), Pierre-Emmanuel Saint-Esprit (Zack), Marie-Pierre Dequier (Ze.Game).

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(Crédits : MONICA ALMEIDA)

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