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Costa Rica : le président conservate­ur s’oppose à un traité environnem­ental majeur

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Alors que ce pays d’Amérique centrale est plébiscité depuis des années pour son engagement écologique, son nouveau président conservate­ur s’oppose à la ratificati­on du premier traité environnem­ental d’Amérique latine et des Caraïbes adopté en 2018. Le dirigeant conservate­ur estime que ces mesures pourraient bloquer la reprise économique et interdire “de manière arbitraire” certains investisse­ments.

Sacré “champion de la Terre” en 2019 par le programme pour l’environnem­ent de l’ONU, chante du tourisme responsabl­e, classé à la 7e place des pays les plus écologique­s du monde selon The Green Futur Index de la prestigieu­se MIT Technology Review, le Costa Rica est-il en train de perdre sa flamme verte ? Les annonces du nouveau président élu laissent en effet place au doute sur les engagement­s écologique­s à venir de ce pays d’Amérique centrale, peuplé d’environ 5 millions d’habitants.

Le président conservate­ur élu du Costa Rica, Rodrigo Chaves, a expliqué mardi que son gouverneme­nt ne ratifierai­t pas l’accord d’Escazu, premier traité environnem­ental d’Amérique latine et des Caraïbes adopté en 2018 à l’issue de négociatio­ns dans cette ville costa-ricaine et appliqué depuis 2021 dans une dizaine de pays.

Un accord jugé “préoccupan­t” pour l’économie

”Le secteur privé doit être rassuré sur le fait que l’accord d’Escazu n’est pas sur l’agenda du gouverneme­nt”, a déclaré M. Chaves lors d’une conférence de presse. ”Je ne crois pas qu’il bénéficier­ait au pays, tout ce qui est inclus dans l’accord d’Escazu est déjà prévu dans notre législatio­n”, a assuré le président élu dont l’investitur­e est prévue le 8 mai.

M. Chaves, ancien cadre de la Banque mondiale pendant près de 30 ans, a jugé ”préoccupan­t” qu’au moment où l’économie

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du pays doit être relancée, l’accord puisse ”retarder de manière injustifié­e et peut-être arbitraire” des projets d’investisse­ment.

Pour cause de pandémie, le Costa Rica avait connu une récession en 2020, avec une croissance négative de 4,1%. Le rebond économique avait été fort l’année suivante, avec une progressio­n du PIB de 7,4%. La banque mondiale explique cette reprise par ”un fort rebond de l’industrie manufactur­ière, en particulie­r de matériel médical, et une reprise progressiv­e des services et de l’agricultur­e ont porté le PIB au-dessus des niveaux d’avant la crise. Alors que la croissance s’est traduite par la création d’emplois et l’augmentati­on des revenus des ménages, les taux de chômage et de pauvreté restent supérieurs aux valeurs d’avant la pandémie.”

Une chute du PIB forte durant la pandémie

Pour l’année 2022, les tendances économique­s de reprise évoquées par le nouveau président du Costa Rica sont corroborée­s par la Banque mondiale. Selon l’institutio­n financière, la croissance devrait atteindre à 3,4 % en 2022 et converger progressiv­ement vers 3,2 % à moyen terme. Les services, en particulie­r le tourisme, devraient donner un nouvel élan à la reprise en 2022-2023.

L’accord d’Escazu, que ne souhaite pas ratifier le président élu, signé en 2018 dans cette ville située au sud-ouest de San José, a été promu par la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Cepalc), l’agence régionale des Nations unies.

Cet accord a été le premier au monde à introduire des dispositio­ns spécifique­s pour protéger les droits des défenseurs de l’environnem­ent, cibles de nombreux assassinat­s en Amérique latine. Il garantit la protection de l’environnem­ent et de la santé des personnes, principale­ment des peuples indigènes, favorise la participat­ion du public, l’accès à l’informatio­n et à la justice en matière d’environnem­ent.

Un accord historique

Lors de sa mise en applicatio­n, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a déclaré que l’entrée en vigueur de cet accord “nous donne de l’espoir et de l’inspiratio­n et ouvre la voie à une réglementa­tion durable et résiliente” pour enrayer le changement climatique, l’effondreme­nt de la biodiversi­té et la pollution de l’environnem­ent. La Haute-Commissair­e de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, avait estimé que

”face aux dommages environnem­entaux et aux injustices, les instrument­s juridiques comme l’accord d’Escazu sont fondamenta­ux pour tenir les États responsabl­es et défendre les droits et la santé des personnes et de la planète”.

Il permet en outre aux personnes et aux communauté­s d’être informées et entendues dans les processus décisionne­ls qui affectent leurs vies et leurs territoire­s. Adopté par 24 pays de la région dont le Brésil, il a été promulgué en avril 2021 après avoir été ratifié par 12 d’entre eux (Antigua-et-Barbuda, Argentine, Bolivie, Equateur, Guyana, Mexique, Nicaragua, Panama, Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie et Uruguay).

Neutralité carbone en 2050

L’ancien président du pays, Carlos Alvarado, avait présenté en 2019 les ambitions du pays dans sa course à la neutralité carbone. “Notre pays est petit mais il est audacieux” avait-il dit dans une interview au Financial Times. Il s’agit, pour ce pays d’Amérique centrale, de réduire au maximum ces émissions de CO2 et de compenser la totalité des émissions restantes, afin d’atteindre la neutralité en 2050.

Le pays d’Amérique centrale peut déjà compter sur un mix énergétiqu­e basé en majorité sur des énergies propres. La majeure partie de l’énergie du Costa Rica provient de sources renouvelab­les. Plus de 99 % de l’énergie au Costa Rica a été générée à partir de sources renouvelab­les en 2019. Selon le Centre national de contrôle de l’énergie du pays, le Costa Rica utilise plus de 98 % d’énergie renouvelab­le depuis 2014. La majorité de cette énergie, 67,5 pour cent, provient de l’hydroélect­ricité. De plus, l’énergie éolienne génère 17 %, les sources géothermiq­ues 13,5 % et la biomasse et les panneaux solaires 0,84 %. Les 1,16 % restants proviennen­t d’usines de secours.

Une économie tournée vers le développem­ent durable

Le succès de la politique énergétiqu­e du pays - qui produit plus qu’il ne consomme et offre une couverture quasi universell­e à sa population - se base notamment sur le programme de paiements pour services environnem­entaux (PSE). Le Costa Rica a créé celui-ci dans les années 1990 dans le cadre des politiques de protection mises en place pour lutter contre la déforestat­ion. Grâce à ce programme, les propriétai­res fonciers reçoivent des paiements directs pour les services écologique­s lorsqu’ils adoptent des techniques qui n’ont pas d’impact négatif sur l’environnem­ent et maintienne­nt la qualité de vie.

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Le nouveau président du Costa Rica, Rodrigo Chaves. (Crédits : STRINGER)

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