La Tribune

Les banques centrales doivent presser le pas

- Emmanuel Auboyneau

ANALYSE Aux Etats-Unis et, dans une moindre mesure, en Europe, les Banques Centrales sont sur le point d’accélérer leur mouvement de normalisat­ion. Pourtant, nous pensons que le pic inflationn­iste est proche d’être atteint. Par Emmanuel Auboyneau, Gérant associé d’Amplegest.

Le consensus table désormais sur la mise en oeuvre de l’une des hausses à hauteur de 250 points de base pour les taux courts américains d’ici à la fin de l’année, ce qui implique une nette augmentati­on du rythme des relèvement­s. En Europe, la BCE qui ne devait pas agir avant 2023 pourrait désormais procéder à sa première hausse aux alentours de septembre 2022. Le contexte inflationn­iste justifie cet ajustement rapide, avec des rythmes de hausse des prix très supérieurs aux objectifs des Banques Centrales. L’institutio­n monétaire chinoise qui avait déjà remonté ses taux, peut désormais se consacrer à la préservati­on de la croissance domestique, menacée à court terme par la résurgence de la pandémie.

Les deux incertitud­es liées à la durée de la guerre en Ukraine et à l’importance de la vague de Covid en Chine rendent l’analyse aléatoire à court terme. Dans les deux cas, une améliorati­on rapide aurait des effets désinflati­onnistes immédiats (via les matières premières pour l’Ukraine et le rétablisse­ment de la chaîne d’approvisio­nnement pour la Chine). Un prolongeme­nt de ces deux aléas ne ferait qu’arrimer l’inflation à des hauts niveaux.

Pourtant, il semblerait qu’un pic soit proche pour l’inflation mondiale. Tout d’abord, on remarque une augmentati­on récente de la production de pétrole dans le monde (notamment aux Etats-Unis avec la réouvertur­e de puits exploitant le pétrole de schiste). Dans le même temps la demande stagne voire décroit légèrement. Un éventuel boycott du pétrole russe pourrait contrer cette tendance mais on constate que le monde finit toujours par s’adapter aux évènements, fussent-ils une guerre. Une baisse ou même une stagnation du prix des matières premières, compte tenu des effets de base, provoquera­it une décrue de la partie conjonctur­elle de l’inflation. C’est une hypothèse crédible à l’horizon du second semestre 2022.

Les banques centrales doivent presser le pas

La partie plus structurel­le de l’inflation liée aux salaires, aux loyers ou au sous-investisse­ment des entreprise­s touche surtout les Etats-Unis, même si en Europe la perception de l’inflation par les ménages provoque davantage de revendicat­ions salariales. On constate toutefois un ralentisse­ment de la progressio­n du salaire horaire américain, qui reste autour de +6%. Les loyers américains sont tirés par la pénurie de logements, qui mettra du temps à se résorber. L’inflation structurel­le aux Etats-Unis est bien installée mais ne devrait pas s’accélérer à court-terme.

L’activité économique, qui était jugée trop forte par les Banques Centrales, va ralentir sous l’effet conjugué des politiques monétaires et des évènements internatio­naux. Mais la croissance mondiale reste solide. La valeur du PIB américain au premier trimestre (-1,4%) ne doit pas être surinterpr­étée car largement dépendante d’un effet commerce extérieur (-3,2%) et stocks (-0,8%). Les composante­s internes de l’activité sont toujours fortes : la consommati­on tient à des hauts niveaux, aidée par une épargne abondante et l’investisse­ment des entreprise­s accélère pour faire face au déficit d’offre par rapport à la demande. En Europe la croissance est également en léger repli mais les dernières statistiqu­es de la consommati­on, des commandes de biens d’équipement ainsi que du niveau d’emploi laissent augurer d’une activité toujours solide. Une aggravatio­n ou une extension du conflit ukrainien serait en revanche un facteur de faiblesse de l’activité.

Le contexte de hausse des taux et les évènements internatio­naux ont provoqué une baisse de l’ensemble des actifs risqués : les obligation­s ont subi des replis significat­ifs en avril alors que les marchés actions ont poursuivi leur déclin. La période reste compliquée et nous incite à une certaine prudence à court terme. Pourtant, la publicatio­n des bénéfices pour le premier trimestre 2022 est globalemen­t rassurante et nous conforte dans notre volonté de conserver à moyen terme nos positions sur de belles sociétés à forte visibilité. Ces périodes de volatilité sont propices à quelques mouvements opportunis­tes sur les portefeuil­les risqués pour tenir compte des exagératio­ns constatées, tout en restant focalisés sur les actifs de qualité.

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(Crédits : DR)

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