La Tribune

La filière viticole face à la pénurie de verre et aux prix qui flambent

- Yann Kerveno

Capsule, cartons, verre… La filière viticole est mise en tension par les hausses de prix mais aussi et surtout par la disponibil­ité des produits dont elle a besoin pour commercial­iser ses production­s. Dans les PyrénéesOr­ientales notamment, les vignerons sont inquiets.

Avec l’incendie d’une verrerie, l’arrêt d’une autre faute de rentabilit­é suite à l’augmentati­on du prix de l’énergie, le marché du verre a été complèteme­nt désorganis­é ces derniers mois, créant un début de panique chez les opérateurs de la filière.

La cave Arnaud de Villeneuve, à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), avait anticipé mais, coup du sort, pas suffisamme­nt.

« Nous nous sommes trouvés coincés pour faire une mise en bouteilles de muscats de Rivesaltes, explique Brice Cassagne, président de la cave rivesaltai­se. Nous avons commandé les bouteilles l’été dernier et nous ne les avons toujours reçues...

Il nous a fallu trouver une autre bouteille plus standard mais surtout plus disponible. »

Avec à la clé un accroc visuel dans la gamme telle qu’elle a été conçue.

Une crise auto-alimentée ?

« Dès qu’on sort des bouteilles classiques, produites en grandes quantités, c’est très problémati­que pour les verriers, et cela vaut sans aller chercher des bouteilles très spéciales et très marketées », ajoute-t-il.

Les tensions les plus vives se sont fait sentir sur les bouteilles blanches principale­ment destinées, dans la région, au marché des vins rosés. Pour Romuald Perrone, vigneron indépendan­t du Clos Saint-Sébastien, à Banyuls, la situation est aussi le fruit

La filière viticole face à la pénurie de verre et aux prix qui flambent

d’un coup des producteur­s de bouteilles : « Ils ont annoncé qu’il allait y avoir des problèmes, une pénurie, alors tout le monde s’est rué sur le marché pour acheter ce qui est nécessaire, quitte à sur-stocker. Nous avons alimenté nous-même cette folie ! » regrette-t-il.

Finalement, le vigneron de Banyuls se réjouit presque que la vendange 2021 ait été une des plus courtes de l’histoire des Pyrénées-Orientales : « Qu’est-ce qu’on aurait fait si on avait plus de vin et pas de bouteilles ? ».

Rupture

À Baixas, François Capdelayre, président de la cave coopérativ­e Dom Brial, espère que l’été apportera un peu de détente : « Pour le verre, nos fournisseu­rs indiquent entrevoir une améliorati­on à partir du mois de juillet ».

Pour sa cave, l’épisode se solde par une rupture sur une des cuvées phares de l’été, Rozy.

« Nous attendons les bouteilles, nous allons avoir un trou d’une quinzaine de jours », explique-t-il.

D’autant qu’il n’y a pas que le verre qui pose problème. C’est aussi le cas de l’ensemble du segment des « matières sèches ».

« L’an passé, pour les capsules à vis, il y avait six semaines entre la commande et la livraison », témoigne Didier Navarro, agent commercial à Perpignan. Cette année, fin avril, je passe des commandes qui seront livrées durant la deuxième quinzaine d’août, soit près de quinze semaines... En plus, on a été obligés de passer 40% d’augmentati­on. Et malgré ça, les clients nous remercient. »

Coût du travail

Ce qui inquiète peut-être le plus le monde viticole, c’est la flambée des intrants et du coût du travail.

« Le problème que nous avons ce n’est pas tant le manque de matériaux, on trouve toujours une solution, ce sont surtout les augmentati­ons qui sont catastroph­iques, indique Romuald Perrone. Le prix du travail a beaucoup augmenté, il faut réévaluer les salaires, mais dans une appellatio­n comme la nôtre, où tout se fait à la main, cela a une grande incidence sur notre coût de production. »

Selon Brice Cassagne, il faut aussi tenir compte de l’augmentati­on du coût de l’énergie, multiplié par trois, ainsi que de toutes les autres augmentati­ons : « Nous avons passé une hausse en début d’année, mais il faudrait déjà renégocier avec nos clients. En lien avec eux, à l’export en particulie­r, nous avons tenté de trouver des solutions en changeant ce que nous pouvions changer jusqu’ici ».

François Capdelayre a calculé que les augmentati­ons cumulées, ramenées à la bouteille, représente­nt un surcoût de 10 à 15 centimes : « Les distribute­urs ne sont pas enclins à renégocier, c’est un bras de fer qui commence », annonce-t-il.

 ?? ?? La pénurie de verre ou les fortes augmentati­ons de prix des capsules ou cartons inquiètent la filière viticole. (Crédits : Yann Kerveno)
La pénurie de verre ou les fortes augmentati­ons de prix des capsules ou cartons inquiètent la filière viticole. (Crédits : Yann Kerveno)

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