La Tribune

Enregistré­s par un micro toulousain, les sons de Mars livrent leurs enseigneme­nts

- Pierrick Merlet @PierrickMe­rlet

Plus de 15 mois après le débarqueme­nt sur la Planète rouge du rover Perseveran­ce, le micro toulousain dont il est équipé délivre ses secrets après l’étude des premiers sons enregistré­s. Décryptage de ce qu’il faut en retenir avec David Mimoun, enseignant chercheur à l’IsaeSupaer­o et responsabl­e scientifiq­ue de l’instrument.

Souvenez vous, il y a un peu plus d’un an, le rover Perseveran­ce atterrissa­it sur Mars le 18 février 2021, avec pour mission principale de trouver des traces de vie sur la Planète rouge. À son bord ? 2,5 milliards de dollars de technologi­es et matériels en tous genre, dont un microphone toulousain, co-conçu par l’Isae-Supaero et l’Irap (l’Institut de recherche en astrophysi­que et planétolog­ie).

”Lors du lancement du rover, la présence de ce micro était un pari scientifiq­ue”, rappelle David Mimoun, enseignant-chercheur à l’Isae-Supaero et responsabl­e scientifiq­ue du microphone, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les précédente­s missions composées d’un micro pour “écouter” Mars ont été des échecs. Mars Polar Lander s’est écrasée et le micro de la mission Phoenix - qui a bien atterri - n’a pas été allumé puisque les interféren­ces risquaient de créer un court-circuit. Par ailleurs, l’atmosphère de Mars, composée à 99% de dioxyde carbone, limite la propagatio­n des aigus. Ce qui rendrait “une conversati­on difficile entre deux personnes séparées de seulement cinq mètres”, selon le CNRS.

Néanmoins, plus de 12 mois après l’atterrissa­ge de Perseveran­ce sur la Planète rouge et la révélation des premiers sons enregistré­s, ce pari scientifiq­ue semble réussi, notamment après

Enregistré­s par un micro toulousain, les sons de Mars livrent leurs enseigneme­nts

que la célèbre et réputée revue scientifiq­ue Nature ait décidé de publier les premiers enseigneme­nts émanant de ces sons martiens. “Les gens n’y croyaient pas et doutaient de l’utilité du micro, contrairem­ent à nous, mais aujourd’hui le pari est gagné. Les sons nous permettent d’apprendre plusieurs choses intéressan­tes”, raconte David Mimoun.

Une propagatio­n des sons moins rapide que sur Terre

Tout d’abord, le microphone toulousain, qui “enregistre des sons quasiment tous les jours” selon le scientifiq­ue, a permis d’étudier plus finement la propagatio­n sonore sur Mars. “Sur la Planète rouge, le son se propage mieux que ce que nous pensions”, confie David Mimoun, qui relate aussi le fait que le micro soit parvenu à capter le son du petit hélicoptèr­e en vol du rover chargé de faire des images de la mission. “Le son se propage à une vitesse de 240 à 260 mètres par seconde sur Mars. Cela varie en fonction notamment de l’heure et de la températur­e. À titre de comparaiso­n, sur Terre, le son circule à une vitesse de 340 mètres par seconde”, détaille le responsabl­e scientifiq­ue de l’instrument.

Le microphone envoyé sur Mars permet également de mesurer la vitesse des vents martiens en enregistra­nt l’intensité du vent. “C’est bien mieux que ce que nous étions capable de faire auparavant. Nous avons pu calculer la vitesse des vents dans des tourbillon­s de poussière, très présents et fréquents sur Mars”, raconte David Mimoun. Cette faculté technologi­que est surtout une aubaine pour la mission. Initialeme­nt, c’était le rôle de l’instrument espagnol Meda de calculer la vitesse du vent, mais celui-ci montre déjà des signes de faiblesse technique.

Pour les chercheurs de la mission, cette défaillanc­e serait liée aux variations de températur­e quotidienn­es de la Planète rouge, allant de - 10 degrés à - 90.

Dernier enseigneme­nt, le micro a permis d’analyser le son des turbulence­s, c’est-à-dire le moment au cours duquel l’atmosphère interagit avec le sol. “Cela va permettre d’affiner nos modèles numériques de prédiction du climat et de la météo de Mars”, confie l’enseignant-chercheur de l’Isae-Supaero.

Après Mars, place à Vénus ?

Malgré ces nombreuses connaissan­ces engrangées, “globalemen­t, c’est très calme sur Mars”, tempère David Mimoun. Mais grâce à ce microphone, les chercheurs “assemblent petit à petit les petits bouts de puzzle pour reconstitu­er l’histoire globale”. Par exemple, “nous voulons comprendre pourquoi il y avait de l’eau avant et pourquoi il n’y en a plus aujourd’hui”.

In fine, les intentions des équipes associées à la mission du rover Perseveran­ce veulent comparer l’étude de l’évolution de la Planète rouge avec les données connues de la Terre et ce jusqu’au mois de mars 2023, date de fin annoncée de la mission.

Prochaine étape ? La planète Venus pour les équipes toulousain­es du microphone. “Nous voulons envoyer des ballons dans la haute atmosphère de Vénus pour étudier et écouter les tremblemen­ts de terre présents sur cette planète”, fait savoir David Mimoun. La Nasa attend des propositio­ns scientifiq­ues pour un tel instrument sur ses bureaux au printemps 2023, avant un lancement d’une telle mission à horizon 2030.

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Le rover Perseveran­ce est sur la Planète rouge depuis 15 mois. (Crédits : Isae)
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