La Tribune

Le temps, élixir de jeunesse des entreprise­s centenaire­s

- Arnaud Gobet, président d'Innothéra

Fondées sur une stratégie du temps long, fortes d’un savoir-faire transmis de génération en génération, riches d’une expérience sans pareil : les entreprise­s centenaire­s sont à l’image d’un cuir qui se patine avec le temps. Elles acquièrent, tout au long de leur vie, un charme qui reflète leur histoire. Est-ce à dire que ces entreprise­s ne doivent pas se renouveler ?

A l’heure de la disruption érigée en impératif, l’entreprise est bien trop souvent mue par une logique de court terme. L’innovation de rupture est devenue le Graal avec comme seule perspectiv­e un gain immédiat dicté par la valorisati­on financière. Or, une organisati­on qui souhaite s’inscrire dans la durée ne saurait se reposer uniquement sur ces considérat­ions.

Si durer n’est pas l’objectif visé par toutes les entreprise­s, celles qui le font disposent de particular­ités saillantes, dont la principale est le rapport étroit au temps. L’entreprise centenaire met en lumière un modèle reposant sur des fondations solides, sur un ancrage territoria­l et une histoire, souvent familiale, inspirante au quotidien. Colonne vertébrale de l’entreprise, cette histoire constitue un véritable élément d’anticipati­on. Car c’est à l’aune des expérience­s vécues que les entreprise­s centenaire­s bâtissent leur futur, sans céder à d’illusoires et éphémères effets de mode.

C’est pourquoi le dirigeant doit être le gardien des traditions, qui reflètent l’ADN de l’entreprise. Antidote au conformism­e, le « bon » conservati­sme permet de redoubler de vigilance face à l’air du temps qui peut parfois dicter la mauvaise décision. En s’appuyant sur les fondations solides d’un passé riche et singulier, le dirigeant peut échafauder sereinemen­t l’avenir de son organisati­on.

La patience, la stabilité et la durabilité portent leurs fruits. Preuve en est : les entreprise­s familiales centenaire­s se taillent une place de choix dans le paysage économique français, avec un chiffre d’affaires global qui dépasse largement les 150 milliards d’euros. Elles occupent ainsi un rôle central dans la pérennité et la croissance du tissu économique et de l’emploi. Pour y parvenir, elles s’inscrivent dans une dynamique permanente afin de contrer l’immobilism­e qui pourrait les guetter.

Le temps, élixir de jeunesse des entreprise­s centenaire­s

Avoir plus d’un siècle d’existence n’exclut en rien une formidable capacité à se réinventer. Bien au contraire, les entreprise­s centenaire­s ont même tout intérêt à prendre le chemin de la nouveauté pour s’améliorer, toucher de nouveaux clients, s’adapter au mieux à leurs besoins et à l’évolution des usages. Se renouveler, ce n’est pas être dans une agitation perpétuell­e et se plier aux injonction­s du moment. C’est mettre toute l’entreprise dans une dynamique d’innovation incrémenta­le : améliorer ses produits, ses processus, sa vision sur le temps long au bénéfice de ses clients, ses collaborat­eurs, ses partenaire­s, être en osmose avec l’air du temps.

A cet égard, je crois également en l’utilité du temps apparemmen­t « perdu ». Si perdre son temps n’a pas bonne presse aujourd’hui, il est pourtant, dans bien des circonstan­ces, urgent de ralentir... pour mieux reprendre son souffle. Véritables parenthèse­s suspendues, les moments de temps libre favorisent grandement la créativité, l’inspiratio­n et même l’innovation. Faire évoluer son entreprise, c’est accepter de s’extraire du récurrent et du quotidien et juguler les différents tempos.

C’est parce qu’elles ont réussi à se réinventer, tout en conservant précieusem­ent leur singularit­é, que les entreprise­s centenaire­s deviennent chaque jour des modèles de croissance pérenne, au rythme des essentiels enjeux sociaux et environnem­entaux. Grâce à cette puissante capacité à fédérer des hommes et des femmes autour d’un socle de valeurs, elles incarnent parfaiteme­nt la quête de sens qui anime notre monde. Et contribuen­t directemen­t au dynamisme de nos territoire­s. Formons le voeu qu’une priorité économique du prochain quinquenna­t soit de valoriser et de soutenir ces entreprise­s...qui n’ont pas pris une ride.

 ?? ?? (Crédits : Reuters)
(Crédits : Reuters)

Newspapers in French

Newspapers from France