La Tribune

Blé, orge, betterave, maïs... Risque de pénurie accru en France à cause de la sécheresse

- Coline Vazquez @FGliszczyn­ski

La France connaît actuelleme­nt une vague de chaleur au moment où les céréales sont particuliè­rement gourmandes en eau pour se développer. Une situation qui fait craindre au monde agricole des récoltes en berne. Face à ce constat, la FNSEA réclame une véritable stratégie de stockage d’eau. Explicatio­ns.

C’est un printemps particuliè­rement chaud que connaissen­t les Français. ”Un épisode de chaleur” qui, sans être inédit, est ”remarquabl­e par sa précocité, sa durabilité et son étendue géographiq­ue”, souligne Météo France. En ce début de semaine, le mercure frôle par certains endroits les 30°C entraînant un manque d’eau. Entre septembre et avril 2022, le déficit de précipitat­ions est estimé à 19%, et le déficit de recharge des nappes phréatique­s est de 20%, touchant particuliè­rement le Grand-Est, le nord de la Nouvelle Aquitaine et l’ensemble du Sud-Est, selon le ministère de la Transition écologique. Une véritable inquiétude pour le monde agricole dans la mesure où la sécheresse met en péril les récoltes, en particulie­r celles de blé, en pleine croissance.

”Il y aura un impact sur la production des céréales”, a alerté le ministère de l’Agricultur­e lundi, ajoutant toutefois qu’il ”est encore beaucoup trop tôt pour avoir une évaluation précise”. ”Les cultures d’hiver, comme le blé ou l’orge, qui sont aujourd’hui en phase de développem­ent, commencent à connaître des situations qui vont affecter les rendements”, a-t-on également indiqué à l’issue de réunions des ministères de l’Agricultur­e et de la Transition écologique avec les agences de l’eau et les profession­nels du monde agricole.

Blé, orge, betterave, maïs... Risque de pénurie accru en France à cause de la sécheresse

Même inquiétude du côté de la Fédération nationale des syndicats exploitant­s agricoles (FNSEA) qui dresse un constat alarmiste :”Aucune région n’est épargnée. Chaque jour qui passe, on voit des sols se craqueler. Hier, j’étais chez un agriculteu­r du Puy-de-Dôme, il arrose son blé. Si cela continue comme ça, ceux qui ont la possibilit­é d’irriguer vont s’en sortir, les autres auront des baisses de rendement dramatique­s”, a ainsi déploré sa présidente, Christiane Lambert. ”Depuis octobre-novembre, il y a d’énormes sécheresse­s au Portugal et en Espagne, qui remontent en Occitanie et en Provence et le long de la vallée du Rhône. Ce qui est inhabituel en cette saison, c’est que la sécheresse touche le nord de la Loire”, a-t-elle détaillé.

Plusieurs cultures en péril

Or, c’est à cette période de l’année que le blé qui a atteint sa taille adulte et dont l’épi s’est développé entame le ”stade du grossissem­ent du grain”, comme l’explique Joël Limouzin, en charge des situations d’urgence à la FNSEA. Un phénomène pour lequel l’eau est cruciale pour permettre à l’engrais, dont a besoin la plante pour produire un grain de qualité, de monter dans la tige. En conséquenc­e, les grains se flétriront faisant planer le risque d’”une perte de rendement qui peut aller jusqu’à 40% si le temps reste sec pendant plusieurs semaines”, avertit Joël Limouzin, qui s’inquiète notamment pour les grandes plaines céréalière­s de Beauce et de Bourgogne.

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Le blé n’est pas le seul concerné. Si le manque d’eau venait à perdurer, il pourrait également affecter les cultures de printemps dont le tournesol, la betterave et le maïs, indique le ministère. Les fourrages pourraient eux aussi être menacés. Les pousses d’herbes ralentisse­nt alors qu’elles étaient jusqu’à présent plutôt meilleures que d’habitude.

Economiser et récupérer l’eau

Face à cette situation critique, l’une des solutions consiste à restreindr­e l’utilisatio­n de l’eau. Quinze départemen­ts sont actuelleme­nt déjà soumis à des restrictio­ns allant de ”l’incitation des particulie­rs et des profession­nels à faire des économies d’eau” au stade d’alerte renforcée qui implique une ”réduction des prélèvemen­ts à des fins agricoles supérieure ou égale à 50% (ou interdicti­on supérieure ou égale à 3,5 jours par semaine)”, une ”limitation plus forte des prélèvemen­ts pour l’arrosage des jardins, espaces verts, golfs, lavage des voitures,... jusqu’à l’interdicti­on de certains prélèvemen­ts”, indique le site du ministère de la Transition écologique, Propluvia. Les départemen­ts de l’Ain, de la Vienne ou encore de la Charente-Maritime sont notamment concernés par le stade d’alerte renforcée. Ces mesures sont prises au fur et à mesure de l’évolution de la situation au niveau départemen­tal par les préfets.

Si c’est l’une des solutions pour lutter contre la sécheresse ce n’est pas la principale réponse, selon la FNSEA qui plaide pour un stockage de l’eau. Le gouverneme­nt a d’ailleurs annoncé fin avril que les agences de l’eau pourraient dépenser 100 millions d’euros supplément­aires pour aider les filières agricoles à s’adapter ou créer des retenues d’eau. Une étape encore insuffisan­te. ”Ce que nous dénonçons, c’est la gestion catastroph­ique de l’eau depuis plus de quinze ans. Nous stockons seulement 1,5% de l’eau qui tombe à l’automne et au début de l’hiver alors qu’en Espagne, ils sont à 17 ou 18%”, déplore Luc Smessart, vice-président de la FNSEA. ”Ce qu’il faut c’est une continuité et une cohérence avec un vrai projet stratégiqu­e”, poursuit-il, regrettant les opposition­s associatio­ns écologique­s et de certains syndicats paysans contre le stockage de l’eau. Il met en garde : ”Si nous ne pouvons plus produire en France, il y en a d’autres qui le feront pour nous et on voit bien que nous avons délégué à d’autres pays comme l’Ukraine ou la Russie la production d’une partie de notre alimentati­on ce qui provoque des pénuries” et des hausses de prix. Et d’ajouter : ”Nous devons accorder autant d’importance à la souveraine­té de l’eau qu’à celle alimentair­e ou énergétiqu­e”.

D’autres solutions sont également à chercher dans les progrès de la génétique qui permet de créer des variétés plus résistante­s à la sécheresse. Les agriculteu­rs tentent par ailleurs d’adapter leurs méthodes de travail aux évolutions climatique­s notamment en récoltant plus tôt lorsque cela est possible.

”Il y a péril mais tout n’est pas perdu”

Conscient des difficulté­s du monde agricole, le gouverneme­nt a annoncé, lundi à l’issue des réunions des ministères concernés, que le guichet ouvert en avril pour aider les agriculteu­rs à faire face au changement climatique et initialeme­nt doté de 20 millions d’euros, allait être abondé ”de 20 millions supplément­aires”. Une aide bienvenue mais, pour Luc Smessaert, il est encore ”trop tôt pour faire le bilan à court terme”. ”Il y a péril mais tout n’est pas perdu non plus. Si on a de très gros orages à court terme, une partie peut encore être rattrapée. Mais si nous n’avons pas de pluie, nous aurons besoin d’un accompagne­ment beaucoup plus fort que ces 20 millions”, prédit-il.

Avec AFP

 ?? ?? La sécheresse qui frappe la France actuelleme­nt met en péril les récoltes notamment de blé très gourmand en eau à cette période de l’année. (Crédits : REUTERS/Vincent
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La sécheresse qui frappe la France actuelleme­nt met en péril les récoltes notamment de blé très gourmand en eau à cette période de l’année. (Crédits : REUTERS/Vincent Kessler)
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