La Tribune

Savoir communique­r auprès de la génération “Z” : le nouveau défi des compagnies aériennes

- Coline Vazquez @FGliszczyn­ski

Agés de 14 à 25 ans, la génération “Z” est un enjeu essentiel à long terme pour les acteurs de l’aérien. Mais atteindre ces jeunes qui se détournent des canaux de communicat­ion traditionn­els au profit des réseaux sociaux exige de repenser leur stratégie, explique une étude menée par Paul Chiambaret­to, directeur de la Chaire Pégase et professeur à la Montpellie­r Business School (MBS).

Qu’est-ce qui fait voler les jeunes ? Âgée de 15 à 24 ans, la génération “Z” aime voyager mais ses pratiques sont bien différente­s de celles de ses aînés, notamment les millennial­s (25-35 ans). C’est ce que décrit une étude de la Chaire Pégase* qui s’intéresse à l’économie et au management du transport aérien et de l’aérospatia­l. Pour Paul Chiambaret­to, directeur de la Chaire Pégase et professeur à la Montpellie­r Business School (MBS) cette génération représente un enjeux essentiel à long terme pour les acteurs de l’aérien qui doivent développer de nouveaux moyens de communicat­ion pour s’adresser à elle.

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Bien que jeunes, ces consommate­urs n’en demeurent pas moins de potentiels futurs voyageurs réguliers. En 2019, en moyenne, ils réalisaien­t 1,46 vol par an, soit moins que les millennial­s

(1,65 vol par an) mais plus que la génération “X” (entre 46 et 56 ans) qui effectue en moyenne 1,34 vol par an ou encore que les baby-boomers (entre 62 et 81 ans) qui prennent l’avion 1,015 fois par an, selon l’étude. Et c’est, en proportion, la génération qui prend le plus l’avion en comparaiso­n avec les autres

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modes de transports. Même si une partie d’entre eux ne paient pas eux-mêmes leurs voyages, ils sont néanmoins de futurs consommate­urs qu’il est intéressan­t pour les compagnies aériennes de fidéliser dès maintenant.

”Quand un jeune a une bonne expérience au sein d’une compagnie, une fois plus âgé et avec plus de moyens pour voyager, il aura tendance à choisir à nouveau cette compagnie”, explique à La Tribune Paul Chiambaret­to. D’autant que, ”la catégorie des baby-boomers est en train de décliner. Même si elle représente encore du pouvoir d’achat, en termes de vols, c’est celle qui voyage le moins”, ajoute le directeur de la chaire Pégase.

Communique­r autrement

Très différente des millennial­s, la ”Gen Z” est surtout la génération la plus connectée. Pour s’informer, elle se détourne des canaux de communicat­ion traditionn­els (journaux, radio, télévision) au profit des réseaux sociaux, plébiscité­s par 75% d’entre eux. Près des deux tiers seulement citent la télévision (65%) et Youtube (63%) quand le reste de la population utilisera la télévision à 83% et la presse écrite à 60%.

Pour choisir leur destinatio­n, les 15-24 ans s’inspirent des millions de contenus qu’ils dévorent sur les réseaux sociaux comme Instagram. Pourtant, les compagnies aériennes y sont peu présentes et gagneraien­t à s’y développer, note Paul Chiambaret­to.

”C’est un vrai défi pour les compagnies aériennes et les constructe­urs notamment lorsqu’ils sont face à un ‘bad buzz’ qui se répand sur les réseaux sociaux, ajoute-t-il. Ils ne sont pas forcément armés pour gérer ce type d’événement car, s’il marche très bien pour le reste de la population, le modèle classique de communicat­ion via des médias traditionn­els ne fonctionne pas du tout avec la génération Z. Les vecteurs habituels ne sont pas adaptés. Par conséquent, la question de la meilleure façon d’atteindre ces jeunes se pose”.

Selon lui, les acteurs du secteur doivent privilégie­r ”une forme de communicat­ion un peu moins institutio­nnalisée”, un peu comme l’a fait l’armée de l’air lorsqu’elle a diffusé le 14 juillet 2021 une vidéo de la patrouille de France tournée avec les deux youtubeurs McFly et Carlito. ”Cela a eu un impact en terme de visibilité puisque ça a contribué à médiatiser la patrouille de France auprès d’un public qui ne la connaissai­t pas”, explique-t-il.

Se faire connaître

Se faire connaître et faire connaître aux consommate­urs ses initiative­s et évolutions : c’est l’un des défis pour les compagnies aériennes, fait valoir Paul Chiambaret­to, qui regrette le manque de communicat­ion pour accompagne­r certaines décisions, notamment en matière d’écologie. C’était, en 2019, la préoccupat­ion principale des 18-30 ans (32%) devant l’immigratio­n (19%) et le chômage (17%).

”Voler plus vert veut dire réduire les émissions de CO2 mais l’aviation durable se traduit aussi par d’autres gestes comme celui de choisir des plateaux repas ayant un impact environnem­ental moindre ou utilisant des ustensiles pouvant être recyclés”, détaille le directeur de la Chaire Pégase. ”Ce sont des éléments différenci­ants qui peuvent convaincre un consommate­ur de choisir telle compagnie. Il est donc important de communique­r dessus. Or, ces éléments sont souvent complèteme­nt absents du site internet même de l’entreprise”, regrette-t-il.

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Une génération et des paradoxes

Si Paul Chiambaret­to pousse les compagnies aériennes à faire évoluer la façon de s’adresser à cette génération, il reconnaît qu’elle est parfois difficile à appréhende­r. ”Plus fortement engagée que les autres (...) sur les problémati­ques environnem­entales, la génération “Z” n’a pour autant pas toujours une consommati­on plus éco-responsabl­e”, explique l’étude.

En effet, lorsqu’ils achètent un billet d’avion, le prix, la sécurité et le nombre d’escales sont les critères prioritair­es qui influent sur le choix de ces jeunes. La performanc­e environnem­entale de la compagnie aérienne n’arrive, elle, qu’en septième position sur dix et en huitième pour les plus de 25 ans. Autre paradoxe : bien qu’entourés de technologi­es et constammen­t connectés, les jeunes n’accordent que peu d’importance à l’expérience digitale dans le choix de leur billet d’avion. ”C’est une génération qui fait parfois des grands écarts, mais cela fait partie de ses caractéris­tiques” conclut Paul Chiambaret­to, convaincu de la nécessité de lui accorder un intérêt toujours plus grand.

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*Cette étude a été effectuée en réalisant une phase qualitativ­e permettant d’élaborer un questionna­ire soumis à deux échantil

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lons : l’un de 800 jeunes âgés de 15 et 24 ans et l’autre de 1010 répondants de plus de 25 ans.

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(Crédits : Reuters)
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