La Tribune

Baisse du pouvoir d’achat, “mur de dettes”...: le tourisme va-t-il se relever dans les Pays de la Loire ?

- Frédéric Thual

Au lendemain de deux années compliquée­s, voire à l’arrêt avec le Covid, la transition écologique va-t-elle rebattre les cartes du tourisme, un secteur crucial dans les Pays de la Loire ? Si les perspectiv­es 2022 s’annoncent au beau fixe, l’avenir de la filière et l’attractivi­té du territoire dépendront de l’audace des exploitant­s d’établissem­ents touristiqu­es. Fragilisés par la crise, ils vont devoir investir pour répondre aux nouvelles exigences des consommate­urs qui plébiscite­nt le “slow tourisme”, avec plus de vert pour séjourner, dormir... mais aussi dans les assiettes.

« C’est un mauvais investisse­ment, de ralentir l’investisse­ment ! Le jour où les hôtels ne sont plus adaptés à la clientèle nationale et internatio­nale, vous perdez de la clientèle...», s’efforce de convaincre Franck Louvrier, vice-président de la région des

Pays de la Loire, en charge du tourisme, qui vient de refondre le Schéma régional de développem­ent du tourisme et des loisirs pour accompagne­r la filière vers de nouveaux horizons au cours des six prochaines années. Un secteur fragilisé par la crise sanitaire, dont les ressorts, maintenus en état par les plans de relance, devront néanmoins être en capacité de s’adapter aux nouvelles envies des consommate­urs.

Si en 2021, l’économie des Pays de la Loire s’est, selon la Banque de France, distinguée « par une forte capacité de résilience, dans un contexte sanitaire difficile accompagné de tensions sur les coûts, les conditions d’approvisio­nnement et les recrutemen­ts », les mesures sanitaires ont eu un fort impact sur la filière du

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tourisme. Particuliè­rement dans l’hôtellerie-restaurati­on, où les chiffres d’affaires ont baissé de -11,8%. « Mais les perspectiv­es pour 2022 laissent apparaître un horizon dégagé pour les activités de services, dont le tourisme sera un fort levier de croissance », esquissait la direction régionale Pays de la Loire de la Banque de France, quelques semaines avant la guerre en Ukraine.

« Ce que l’on veut éviter, c’est un ralentisse­ment ou un arrêt total des investisse­ments dans le secteur du tourisme où près d’une entreprise sur deux, a contracté un PGE. Elles sont face à un mur de dettes qu’il va bien falloir rembourser d’ici à 2023. Certes, le tourisme a passé la vague de la crise sanitaire, mais il s’est fortement fragilisé », observe, de son côté, Franck Louvrier.

3,8% des PGE français

Pour Jean-Yves Galerne, délégué régional de la Fédération bancaire Pays de la Loire, ce « mur de dettes » est dû à un cumul de créances d’origines variées. « Pendant la crise Covid, pour assumer leurs charges fixes, beaucoup d’entreprise­s ont dû recourir au report de leurs échéances de prêts contractés avant la crise ou solliciter à leurs banques des PGE. Il est impossible de déterminer avec précision le montant total des reports d’échéances des prêts contractés antérieure­ment à la crise par les entreprise­s touristiqu­es ».

Au niveau national les PGE accordés aux entreprise­s du tourisme totalisent 11,5 milliards d’euros sur les 143 milliards d’euros accordés à l’économie française sous forme de PGE. Dans les Pays de la Loire où le tourisme concentre 14.000 entreprise­s, 44.300 emplois (65.000 si l’on intègre les saisonnier­s) et génère un chiffre d’affaires annuel de 6,9 milliards d’euros, la crise Covid aurait provoqué un recul d’activité de près de 40% entre 2020 et 2021. Une dégradatio­n sensibleme­nt moins importante qu’au plan national où le retrait dépasse les 50%.

En matière de PGE, le poids des Pays de la Loire, qui habituelle­ment compte pour 5% des données nationales, représente 3,8%, soit 5,45 milliards d’euros sur 143 milliards d’euros et 2,8% pour le seul secteur de l’hôtellerie-restaurati­on ligérien qui dénombre 4.291 bénéficiai­res contre 101.010 au plan national. Avec un montant moyen de 72.200 euros par bénéficiai­re contre 110.000 euros dans l’hexagone. « L’existence de l’endettemen­t est certaine mais l’assiette est moins conséquent­e qu’au plan français avec, en parallèle, une reprise régionale assez vigoureuse en 2022 en termes d’activité sur ce secteur», remarque Jean-Yves Galerne.

Si les saisons estivales 2020 et 2021 ont, finalement, été plutôt favorables, l’activité n’a cependant pas retrouvé le rythme de 2019. « Et surtout, la situation est très contrastée selon les périodes et les territoire­s » mentionne l’Insee dans son bilan 2021, où entre mai et septembre 2021, la fréquentat­ion a chuté de -6% dans les campings et -15% dans les hôtels par rapport à 2019. Globalemen­t en baisse de 8%, la fréquentat­ion dans les hébergemen­ts touristiqu­es (16,5 millions de nuitées) affiche un recul comparable à la Bretagne et à la Nouvelle-Aquitaine, mais nettement moins que la moyenne métropolit­aine qui plonge de -17%. A l’aéroport de Nantes Atlantique, le trafic n’a lui non plus retrouvé les couleurs de l’année record de 2019 avec 7,2 millions de passagers. En 2021, les compteurs affichaien­t 3,2 millions de passagers. Moitié moins. Tout comme les mouvements d’avions, tombés pour la même période de près de 70.000 à 35.923.

Une montée en gamme du plein air

Dans ce contexte, les campings tirent leur épingle du jeu en profitant de la baisse du pouvoir d’achat. « Ce que l’on constate, affirme Mathieu Defresne, directeur régional de BPIFrance Pays de la Loire, c’est, qu’au-delà des impacts extrêmemen­t forts dans l’hôtellerie et l’évènementi­el, la pandémie conduit à un bouleverse­ment dans les attentes et habitudes de la clientèle, qui s’oriente de plus en plus vers l’hôtellerie de plein air et recherche des modes d’hébergemen­t en phase avec leur valeur, les transition­s énergétiqu­es et écologique­s. D’où une certaine montée en gamme qui est en train de s’opérer. Beaucoup des projets naissants sont une conséquenc­e de la crise sanitaire.»

A ses yeux, le secteur du tourisme se concentre et beaucoup d’acquisitio­ns ou d’opérations de croissance externe nécessiten­t un recours aux fonds propres. A travers le Fonds Avenir et Soutien Tourisme (Fast) auquel la région est une des rares a avoir souscrite, BPIFrance a soutenu six (hôtellerie de plein air, hôtel, restaurati­on, agent de voyage...) des quarante opérations retenues par ce dispositif national. 1,6 million a été octroyé sous forme d’obligation­s convertibl­es, remboursab­les sur huit ans (jusqu’à 400.000 euros) pour soutenir des projets de transition environnem­entale, de digitalisa­tion, de nouveaux modèles de consommati­on... A l’instar de l’opération menée par le réseau angevin de campings, villages-vacances et hôtels “eco-friendly” Slow Village où BPIFrance et BNP Paribas développem­ent sont entrées au capital en 2020 pour accélérer son développem­ent et permettre l’acquisitio­n de deux nouveaux sites touristiqu­es à Lacanau et l’île de Ré.

Baisse du pouvoir d’achat, “mur de dettes”...: le tourisme va-t-il se relever dans les Pays de la Loire ?

Un rebond de plus de 34% attendu en 2022

Le concept adopte les codes et les valeurs du Slow tourisme.

A savoir, des lieux proches de la nature, peu consommate­urs d’énergies, dans des hébergemen­ts eco-friendly, que ce soit dans un camping, un manoir , un hôtel ou un village-vacances, avec de la restaurati­on produite à partir de produits locaux, bio, etc. « La réaction post confinemen­t a été de sortir, de se rencontrer et de se connecter à la nature, ce qui a conforté notre positionne­ment », explique David Letellier, PDG de Slow Group (Slow Village). « On a fait appel aux PGE, bénéficié des aides gouverneme­ntales, créé de la dette, mais on a réussi à tenir nos objectifs, maîtriser nos résultats et limiter l’impact de la crise. A en croire les financiers qui nous ont rejoint, on serait plutôt bon élève», concède-t-il. Malgré les fortes restrictio­ns sanitaires, « la filière de l’hébergemen­t-restaurati­on, soutenue par des mesures gouverneme­ntales, enregistre une progressio­n de sa rentabilit­é », relevait la Banque de France en début d’année dans une enquête auprès des chefs d’entreprise. «Après deux années difficiles pour le secteur touristiqu­e, un rebond de +34,6% est attendu en 2022 dans le secteur de l’hébergemen­t-restaurati­on, qui table sur une améliorati­on de ses marges et dont les investisse­ments « significat­ifs » devraient progresser de +17,7% », indique-t-elle.

La Foncière Solution Immo Tourisme s’adapte

« C’est un secteur actif, S’il est un des rares à ne pas avoir retrouvé le niveau d’avant la crise, l’activité repart en ce début d’année 2022», reconnaît Philippe Jusserand, directeur régional Pays de la Loire de la Banque des Territoire­s, co-fondatrice de la foncière Solution Immo Tourisme, avec le conseil régional pour permettre aux exploitant­s d’établissem­ents touristiqu­es en difficulté de retrouver du cash et d’engager des projets de développem­ent.

Après le démarrage timide d’une formule de lease-back (cession de bail) où le propriétai­re se délestait de son bien immobilier pour dix ans à quinze ans en devenant temporaire­ment -ou paslocatai­re, jusqu’à « retour à meilleur fortune », les protagonis­tes de la foncière ont finalement fait évoluer leur offre. «Nous avons enrichi les modalités de la foncière et mis en place la vente à tempéramen­t, qui lui permet de redevenir systématiq­uement propriétai­re au bout de un à deux ans. Ça a pu faire changer positiveme­nt le regard de certains propriétai­res-exploitant­s en difficulté­s, mais attachés à leur propriété. On touche à la valorisati­on du bien », remarque Philippe Jusserand. De fait, de trois projets (hôtel, camping, brasserie), le dispositif, une première en France observée de près par les régions Grand Est et l’Ile-de-France, instruit actuelleme­nt dix nouveaux dossiers, dont les critères environnem­entaux sont systématiq­uement observés. « C’est devenu une de nos priorités comme la rénovation énergétiqu­e des bâtiments, le tourisme vert, etc », insiste Philippe Jusserand. Des initiative­s que la Banque des Territoire­s encourage.

Le premier centre d’oenotouris­me de France

Comme ici, à Nantes, en soutenant la reprise du parc de loisirs des Naudières par le groupe Wikiparks ou en investissa­nt avec l’UCPA dans un complexe de loisirs urbains dans le quartier Malakoff à Nantes, ou là, au Sud de Saumur, où elle investit six millions d’euros pour faire aboutir un projet de 43 millions d’euros porté par le groupe RVG (Régis Vincenot Group). Objectif : transforme­r le site du château de Parnay (49) pour devenir le premier centre d’oenotouris­me de France, avec un hôtel de 58 chambres et huit suites, un restaurant gastronomi­que et spa troglodyti­que et un parcours autour de la vigne et de la biodiversi­té. L’ouverture est programmée pour 2024. L’investisse­ment est par ailleurs soutenu par les collectivi­tés locales dont la région, qui, après le soutien aux camping, hôtels et restaurant­s devraient, très prochainem­ent, annoncer l’élargissem­ent de ses dispositif­s au tourisme culturel, patrimonia­l et équestre pour des prêts de 15.000 à 800.000 euros. Un domaine qui vient s’ajouter à l’agritouris­me, au nautisme, à l’oenotouris­me et au vélo. Avec plus de 3.000 km d’itinéraire­s cyclables inscrits au Schéma régional des Véloroutes, dont le fameux circuit de la Loire à Vélo partagé avec la région Val de Loire et fréquenté chaque année par plus d’un million de cyclistes, la région des Pays de la Loire entend devenir le leader du cyclotouri­sme en France. Une manière de consolider le marché domestique, attirer à nouveau les clientèles étrangères qui se sont déroutées pendant la crise et répondre aux exigences du tourisme de demain.

 ?? ?? La période post-confinemen­t est propice au développem­ent d’offres touristiqu­es et d’hébergemen­t proche de la nature, comme ici, avec les Tiny house, développée­s par l’angevin Slow Village sur six sites en France, dont Lacanau et l’île de Ré ouverts en 2022. (Crédits : Slow Village)
La période post-confinemen­t est propice au développem­ent d’offres touristiqu­es et d’hébergemen­t proche de la nature, comme ici, avec les Tiny house, développée­s par l’angevin Slow Village sur six sites en France, dont Lacanau et l’île de Ré ouverts en 2022. (Crédits : Slow Village)

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