La Tribune

Le sujet complexe de l’inflation

- Didier Kling

OPINION. Faut-il s’inquiéter de l’inflation ? C’est un sujet médiatique récurrent qui suscite beaucoup de commentair­es à la fois des analystes et des pouvoirs publics mais aussi une certaine inquiétude de la part de nos concitoyen­s. Pour cause, ces derniers s’interrogen­t sur leur pouvoir d’achat. Par Didier Kling, Président de la CNCEF

Pourquoi vivons-nous actuelleme­nt avec cette hausse générale des prix ? Tout d’abord, notre économie de marché voit la valeur des biens et services fluctuer. Selon les périodes, ils connaissen­t des hausses ou des baisses. On ne parle pas forcément d’inflation lorsque ce phénomène mécanique, résultant de l’offre et de la demande, n’est que passager. En revanche, lorsque tous les prix connaissen­t une revalorisa­tion permanente, globale et durable, la situation est inflationn­iste.

Pour mesurer l’inflation, les économiste­s se basent principale­ment sur ce que représente­nt les produits les plus couramment achetés ou les biens et services prioritair­es à la vie quotidienn­e. Par exemple, le carburant, l’électricit­é, l’alimentati­on... pour ne citer que ceux-ci. Dès lors, chaque euro gagné et réinjecté dans l’économie ne permet pas d’acheter autant de produits ou de services que dans un contexte de stabilité, car l’inflation influence la valeur de notre monnaie européenne. Autre exemple concret : les valeurs placées sur des livrets réglementé­s. Plus l’inflation est forte, moins il est intéressan­t de conserver - autrement que par sécurité - de l’argent qui ne produit pas d’intérêts. Si bien que les analystes estiment que les actions et l’immobilier sont actuelleme­nt les placements les plus intéressan­ts pour protéger l’épargne de l’inflation.

L’Euro dans le viseur ?

Bien entendu, l’euro est dans le viseur de bon nombre de détracteur­s, qui depuis 20 ans, considèren­t qu’il est responsabl­e de la vie chère. Or, rappelons qu’après le choc pétrolier des années 70, l’inflation avait atteint un niveau bien plus élevé en France et en Europe. Aussi, la création du système monétaire européen puis l’introducti­on de la monnaie unique ont permis de contenir les soubresaut­s économique­s. La Banque Centrale Européenne veille particuliè­rement à ce sujet.

Bien sûr, il faut expliquer pourquoi nous vivons une période aussi complexe. De 2002 à 2021, l’inflation n’a dépassé le seuil de 2,0 %, en moyenne sur une année, qu’à cinq reprises (2003, 2004, 2008 et 2011), avec des causes identifiée­s : les variations des conditions climatique­s (produits alimentair­es frais, en 2003, 2004 et 2008), l’environnem­ent géopolitiq­ue (produits pétroliers,

Le sujet complexe de l’inflation

en 2008 et 2011), des décisions de santé publique (tabac). C’est d’ailleurs ce qu’indique l’INSEE dans son enquête de février dernier. Ajoutons que l’inflation a quasiment stagné en 2009, 2015 et 2016, sous l’effet des cours internatio­naux des matières premières, notamment du pétrole.

Depuis, la crise sanitaire a bousculé en de nombreux domaines, les prix, la disponibil­ité et la valeur des biens et services. De même que la guerre russo-ukrainienn­e a créé des tensions internatio­nales amplifiées par les sanctions économique­s cependant indispensa­bles à la préservati­on de la paix mondiale.

Limiter l’inflation

Bien entendu, la lutte contre l’inflation peut être menée. Le premier instrument consistera­it en une politique budgétaire de l’Etat plus rigoureuse, en réduisant la dépense publique ou en intervenan­t face à l’insuffisan­ce de l’offre. Mais l’Union européenne nous donne des standards à respecter car l’Etat ne peut pas tout. Il n’a surtout pas la possibilit­é d’intervenir dans tous les domaines. Ensuite, une hausse de la TVA n’est pas envisageab­le car elle entraînera­it une baisse de la consommati­on, alors que nous cherchons à relancer.

De plus, puisque l’inflation touche tous les pays membres, la solution serait donc plutôt européenne. D’ailleurs, les autorités peuvent moduler le taux d’intérêt de sorte à réduire la masse monétaire en circulatio­n. Certes, emprunter sera moins aisé du moins beaucoup plus cher mais l’épargne COVID étant si volumineus­e, nous comprenons pourquoi dans certains cas, les établissem­ents financiers demandent un apport personnel pour contracter un crédit. Enfin, la réponse à cette hausse généralisé­e de la vie peut être l’augmentati­on des salaires malgré le risque de créer une boucle inflationn­iste.

Voici donc un dossier qui va occuper le Président de la République et la future majorité à l’Assemblée Nationale. On entend déjà qu’il faudra des prix bloqués ou à défaut, une stabilité. Il sera complexe cependant de transiger avec la politique monétaire. Même en étant moins regardant, nous ne serions pas responsabl­es : le problème resurgirai­t sur les génération­s futures par la fuite en avant des déficits.

Il est venu l’heure en France où l’Etat doit faire des choix. Ce qui relève du régalien et ce qui n’en fait pas partie. De revoir l’organisati­on de nos collectivi­tés en leur laissant plus d’autonomie à la condition de ne pas chevaucher les compétence­s ou les dédoubler. Et encore moins d’additionne­r les taxes locales en tout genre. La porte est étroite, surtout au moment où nos dirigeants ne souhaitent pas être à la fois irresponsa­bles et impopulair­es. Vaste programme...

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(Crédits : F. Daburon/CCI Paris IDF)

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