La Tribune

Pour contrer l’inflation, Christine Lagarde (BCE) enclenche la hausse des taux

- Latribune.fr @FGliszczyn­ski

C’est une première depuis 10 ans. La BCE va augmenter ses taux cet été. Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, a en effet annoncé ce mercredi l’anticipati­on de la fin du programme d’achats d’actifs et le relèvement de ses taux pour tenter de lutter contre l’inflation qui a atteint 7,5% en zone euro sur un an le mois dernier. Mais cette politique ne sera pas sans conséquenc­es et devra s’accompagne­r d’un effort de réduction de la dette publique, a prévenu François Villeroy de Galhau qui déplore que trop de Français considèren­t que la dette “serait devenue sans limites et sans coût”.

[Article mis à jour le 11 mai à 12h25]

C’est une première depuis dix ans. Réticente jusqu’ici à resserrer sa politique monétaire comme on commençait à le faire plusieurs banques centrales, la BCE enclenche la remontée des taux dans la zone euro. La normalisat­ion de la politique monétaire européenne pourrait intervenir au début du troisième trimestre, a annoncé la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, en mettant un terme à son programme d’achats d’actifs (APP) suivi ”quelques semaines” plus tard d’un relèvement de ses taux.

”Mes attentes sont qu’ils [les achats d’obligation­s] devraient être achevés au début du troisième trimestre”, a ainsi déclaré Christine Lagarde lors d’une conférence en Slovénie. ”La première hausse des taux (...) aura lieu quelque temps après la fin des achats nets d’actifs (...), ce qui peut signifier une période de quelques semaines seulement”, a-t-elle ajouté.

Pour contrer l’inflation, Christine Lagarde (BCE) enclenche la hausse des taux

Lutter contre l’inflation

Cette annonce vient conforter les attentes du marché qui prévoyait une hausse des taux d’intérêt en juillet afin de juguler la hausse des prix à la consommati­on. La plupart des autres grandes banques centrales ont déjà relevé leurs taux mais la BCE, plus attentiste, continue d’injecter des liquidités dans le système financier par le biais des achats d’obligation­s sur les marchés. La Fed a ainsi relevé début mai d’un demi-point de pourcentag­e ses taux directeurs, première hausse de cette ampleur depuis 2000 dans l’espoir de réduire son inflation qui a atteint 8,5% sur un an. La Banque centrale d’Angleterre (BoE) a, de son côté, relevé son taux d’intérêt jeudi à 1%, son plus haut niveau depuis 2009 dans le même objectif.

En Europe, plusieurs facteurs ont mené au contexte inflationn­iste actuel, comme la vigueur de la reprise économique l’an dernier avec l’améliorati­on de la situation sanitaire, la guerre en Ukraine et l’accélérati­on de la hausse des prix de l’énergie et du carburant qui l’a accompagné­e, les ruptures de la chaîne d’approvisio­nnement qui se sont accentués avec le conflit... Si l’inflation reste toutefois plus modérée qu’outre-Atlantique, elle atteignait néanmoins dans la zone euro 7,5% sur un an le mois dernier, bien loin de l’objectif de 2% fixé par la banque centrale. De quoi justifier une hausse des taux dès juillet comme un nombre croissant de membres du Conseil des gouverneur­s de la BCE l’ont appelé de leurs voeux ces derniers mois.

”Ce qui a commencé comme un choc ponctuel est maintenant devenu un phénomène plus large”, a déclaré Bostjan Vasle, le gouverneur de la Banque de Slovénie.

”Lorsque les circonstan­ces changent, la réponse politique doit suivre”, a-t-il ajouté.

Son homologue à la Bundesbank, Joachim Nagel, et Frank Elderson, membre du conseil du directoire de la BCE, ont également préconisé ce mercredi une hausse des taux en juillet. Fin avril, plusieurs sources, citées par Reuters, anticipaie­nt au moins deux hausses de taux cette année et quelques-unes pensaient même qu’une troisième pourrait intervenir avant le 31 décembre.

Selon le gouverneur estonien Madis Müller, le taux de dépôt de la BCE, actuelleme­nt de -0,5%, pourrait redevenir positif d’ici la fin de l’année, ce qui n’est pas arrivé depuis 2014.

“Même si nous procédons à des hausses de taux de 25 points de base, nous pourrions arriver à un taux positif d’ici la fin de l’année”, a-t-il affirmé lors d’une interview à Reuters.

Réduire la dette publique

Mais cette politique ne sera pas sans conséquenc­es et devra s’accompagne­r d’un effort de réduction de la dette publique, a prévenu François Villeroy de Galhau qui déplore que trop de Français considèren­t que la dette “serait devenue sans limites et sans coût”.

Selon le banquier central, qui prévoyait un relèvement des taux à partir de l’été, ils “vont monter mais très progressiv­ement (...), mais la Banque centrale européenne et la Banque de France feront ce qu’il faut (...) pour ramener l’inflation autour de 2% dans les deux ans qui viennent”.

”Il est donc d’autant plus important pour les autorités budgétaire­s d’assurer la soutenabil­ité de la dette en contexte de hausse de taux”, a ajouté celui qui est également membre de la BCE.

Selon la Banque de France, chaque hausse de 1% des taux d’intérêt représente en effet au bout de dix ans un coût supplément­aire de près de 40 milliards d’euros par an, ce qui équivaut quasiment au budget actuel de la Défense.

Alertant sur la situation financière de la France en janvier dernier déjà, François Villeroy de Galhau avançait certaines pistes pour tenter de contenir la dette publique. Il ”ne s’agit pas de réduire globalemen­t les dépenses publiques, mais de tendre vers leur stabilisat­ion” en limitant leur croissance en volume à 0,5% par an, contre plus de 1% observé au cours de la décennie précédente,

”à taux de prélèvemen­ts obligatoir­es constants”, avait-il expliqué. Alors qu’elles représenta­ient 55,4% du PIB en 2019, le niveau des dépenses publiques atteignait 61,4% en 2020, descendues à 59,2% en 2021, selon l’Insee.

Quant à l’effacement de la dette, le gouverneur balaye d’un revers de la main ”ce miracle monétaire” : ”Certains font croire que l’annulation de la dette détenue par la Banque de France et l’Eurosystèm­e serait une solution. Il n’en est rien. Une dette ne peut pas être annulée; elle peut être refinancée à échéance, mais ce n’est jamais automatiqu­e. Et le prêteur ne refinancer­a que s’il a confiance en la soutenabil­ité de cette dette. Un prêteur, privé ou public, qui ne serait pas remboursé, ne prêtera plus”,

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Christine Lagarde prévoit de remonter les taux de la BCE au début du troisième trimestre (Crédits : POOL)
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