La Tribune

Suicides chez France Télécom : les syndicats veulent des « peines maximales » en appel

- Pierre Manière @pmaniere

La cour d’appel de Paris s’apprête à juger, à partir de mercredi, les anciens dirigeants de France Télécom, dont l’ex-PDG Didier Lombard, plus de deux ans après leur condamnati­on pour harcèlemen­t moral suite à la vague de suicides de 2008-2009. Les syndicats de l’opérateur espèrent que les peines prononcées en première instance seront « maintenues ».

Ils se seraient bien passés de ce nouveau passage au tribunal. Lors d’une conférence de presse, ce mardi à la Bourse du travail de Paris, les syndicats d’Orange n’ont pas caché leur appréhensi­on à la veille de l’ouverture, ce mercredi, du procès en appel des suicides chez France Télécom. Délégué SUD-PTT, Patrick Ackermann s’attend, à cette occasion, à « un surcroît de douleur pour les victimes ». Même son de cloche pour les autres représenta­nts syndicaux, de la CFE-CGC à la CGT, en passant par la CFTC, qui ont tous en mémoire ce sombre épisode.

En première instance, en 2019, deux anciens dirigeants de France Télécom, dont l’ex-PDG Didier Lombard, ont été condamnés, de manière inédite, pour harcèlemen­t moral à la suite d’une vague de suicides entre 2008 et 2009. Idem pour Orange, qui est devenue la première entreprise et personne morale épinglée pour ce même délit. Cinq autres responsabl­es ont, eux, également été condamnés pour complicité de harcèlemen­t moral. Orange a accepté le verdict, tout comme Olivier Barberot, l’ex-DRH de l’entreprise. Mais Didier Lombard, Louis-Pierre Wenès, son ancien numéro deux, et les autres responsabl­es de l’époque ont décidé de faire appel.

Suicides chez France Télécom : les syndicats veulent des « peines maximales » en appel

« L’entêtement de six dirigeants »

Ce nouveau procès devra lever, une nouvelle fois, le voile sur leurs responsabi­lités. À l’époque, Didier Lombard, alors à la tête de France Télécom, avait engagé un vaste plan de restructur­ation, baptisé NEXT, visant à supprimer 22.000 postes entre 2006 et 2008 « par la porte et par la fenêtre », selon ses propres mots. En 2019, la justice a insisté sur l’ampleur du harcèlemen­t moral qui s’est propagé du sommet à l’ensemble du groupe, et a examiné les cas de 39 salariés, dont 19 ont mis fin à leurs jours.

Ce mardi, Patrick Ackermann a critiqué « l’entêtement des six dirigeants » qui ont décidé de faire appel. Il souhaite que le tribunal « confirme le jugement de 2019 », que « la culpabilit­é des dirigeants soit à nouveau reconnue ». « Nous voulons les peines maximales », a-t-il répété. Un responsabl­e de la CGT s’agace, lui, de la défense des anciens dirigeants de France Télécom, « qui affirme que leur plan a sauvé l’entreprise ». « C’est un thème récurrent, mais aucune contrainte économique ne saurait justifier la souffrance des salariés », insiste-t-il.

Le retour « des dérives du passé »

Jean-Pierre Dumont, de la CFTC, a souligné que cette « crise sociale » est en réalité « une crise humaine ». Lui aussi espère une confirmati­on des condamnati­ons en appel en mémoire des salariés qui se sont suicidés. « Ils ne doivent pas être tombés pour rien », insiste-t-il. Le syndicalis­te appelle à ce que « les auteurs assument toutes leurs responsabi­lités pour qu’aucune autre entreprise ne soit tenté de faire de même ».

Sur ce point, Sébastien Crozier, le président de la CFE-CGC, se demande « si toutes les entreprise­s ont vraiment tiré toutes les leçons de ce qui s’est passé ». « Je pense que la société française comprend que des politiques managérial­es violentes peuvent avoir des répercussi­ons sur les individus, affirme-t-il. Il y a eu une prise de conscience à ce sujet. » Cela dit, il estime, comme bon nombre d’autres syndicalis­tes, « que les dérives du passé sont quand même en train de revenir », et appelle « à construire des outils de prévention ».

 ?? ?? Didier Lombard, l’ancien PDG de France Télécom, a été condamné en 2019 pour harcèlemen­t moral à un an de prison, dont huit mois avec sursis, et 15.000 euros d’amende. (Crédits : Charles Platiau)
Didier Lombard, l’ancien PDG de France Télécom, a été condamné en 2019 pour harcèlemen­t moral à un an de prison, dont huit mois avec sursis, et 15.000 euros d’amende. (Crédits : Charles Platiau)
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