La Tribune

Le “Green IT”, réel modèle d’avenir ou symbole du “greenwashi­ng” ?

- Armelle Reffait

OPINION. C’est un modèle qui s’impose de plus en plus au sein des entreprise­s, urgence climatique et nouvelles réglementa­tions obligent. Pour autant, ces belles intentions peuvent aussi cacher une forme de greenwashi­ng qu’il est essentiel de contrer en impliquant tous les acteurs du numérique dans ce processus, du cloud provider aux entreprise­s. Par Armelle Reffait, Internatio­nal & France Senior Sourcing Advisors chez T-Systems

L’essor du digital, bien qu’apportant de nombreuses opportunit­és, fait émerger de nombreuses interrogat­ions quant à la pollution numérique qu’il engendre. Au vu du récent rapport alarmiste du GIEC, on n’imagine sans mal les efforts que tout un chacun devra consentir pour alléger son empreinte carbone. Ce ne sera pas chose facile et notamment pour les entreprise­s qui rencontren­t des difficulté­s à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en lien avec le numérique. Selon les résultats de la 6e édition du Benchmark Green IT, ces émissions représente­nt déjà 27% du forfait GES (gaz à effet de serre) soutenable d’un français. La route est encore longue pour tendre vers une forme de sobriété numérique.

Le rôle central des cloud providers

Il est important de considérer la démarche du Green IT comme un ensemble, un réseau d’acteurs et de pratiques qui ouvrent la voie à une plus grande sobriété numérique. Soyons réalistes, avoir un impact nul ou presque représente un objectif difficile à atteindre à l’heure actuelle. Pour autant, si on applique cette démarche en commençant par les fournisseu­rs de cloud, la probabilit­é pour que les entreprise­s clientes suivent plus aisément le mouvement devient plus grande.

Pourquoi cibler en priorité les cloud provider ? La transition vers le cloud d’une majorité d’entreprise­s place les providers en position de force, tels des acteurs majeurs du phénomène de

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transforma­tion digitale. En assumant ce statut, ils se doivent d’être en adéquation complète avec la démarche de Green IT s’ils souhaitent l’impulser auprès de leurs nombreux clients via des services dédiés. Sans être les fers de lance de ce mouvement, ils ont un rôle bien plus important à jouer qu’il n’y parait.

Et cela commence par la conception même des data centers. Si les premières génération­s étaient très énergivore­s, les nouveaux data centers, notamment en Europe, sont conçus de façon responsabl­e. On parle ici d’écoconcept­ion : ventilatio­n et isolants naturels, utilisatio­n de matériaux recyclés et des structures qui sont alimentées par des énergies renouvelab­les. Autant d’innovation­s qui vont dans le sens d’une démarche durable et qui engagent d’ores et déjà les entreprise­s clientes dans un processus de Green IT. Le provider assure ainsi la base des bonnes pratiques environnem­entales. Il en va donc de l’intérêt des entreprise­s de sélectionn­er leur fournisseu­r en n’oubliant pas ce premier point qui leur assurera un cercle vertueux pour leurs propres RSE.

Proposer des services adaptés aux entreprise­s

La prépondéra­nce du cloud consacre aussi et surtout la pléiade de services proposés par les providers. On pourrait même parler de surabondan­ce tant leur variété et leur nombre sont grands. Malgré tout, il en va de leur responsabi­lité de fournir aux entreprise­s des services dédiés à la mise en place d’une politique de Green IT. Cela concerne autant la mise à dispositio­n de logiciels permettant de calculer son empreinte CO2 que des applicatio­ns à même de gérer le parc informatiq­ue d’une entreprise : de l’entretien à la maintenanc­e prédictive pour tirer profit du matériel à dispositio­n et éviter de jeter et remplacer à outrance.

De la même manière, certaines sociétés surconsomm­ent du cloud et accumulent des volumes de données considérab­les, souvent brutes et non exploitées. Face à cela, les cloud providers endossent, paradoxale­ment, un rôle de régulateur en proposant aux entreprise­s d’optimiser leur espace de stockage afin de supprimer ce qui peut l’être. Cette étape de cloud assessment est de plus en plus courante et montre aux clients la volonté de l’accompagne­r plutôt que de les surcharger en services et les inciter à stocker indéfinime­nt. C’est une nouveauté dans la démarche. Ainsi, certains providers ne vont plus pousser à la consommati­on, qui équivaudra­it à deux surchages pour l’entreprise : l’une financière et l’autre environnem­entale.

Le risque de basculer dans le “greenwashi­ng”

Non sans quelques réticences, l’ensemble des actions en vue d’une démarche RSE efficace semble trouver de la résonance auprès d’un nombre croissant d’entreprise­s. Cette prise de conscience n’est pas uniquement motivée par des enjeux écologique­s ou sociaux mais également par le souci d’améliorer son image de marque auprès des clients. Un tel raisonneme­nt mène certaines entreprise­s à enjoliver la réalité voire mentir sur leurs pratiques. Si ce dernier cas n’est pas en lien direct avec la pratique du “Green IT”, il démontre les conséquenc­es des engagement­s non tenus sur l’image d’une marque.

De fait, le “Green IT” ne doit pas être un moyen de se donner bonne conscience, il doit faire l’objet d’une vraie démarche et suivre des objectifs précis. Trier des mails ne suffira pas pour clamer haut et fort qu’un système d’informatio­n est propre. Il faut aller plus loin et d’une certaine façon, l’avenir ne laissera pas beaucoup d’options aux entreprise­s qui peinent encore à reconnaîtr­e l’importance de ces enjeux. Leur premiers pas dans ce cycle RSE est de choisir le bon partenaire pour leur IT, qui possède lui-même les bonne pratiques et est à même de les déployer pour ses clients.

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(Crédits : Reuters)

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