La Tribune

Un Sommet mondial Covid pour préparer les prochaines crises sanitaires

- Florence Pinaud @florencepi­naud

Quel sera notre prochain cauchemar infectieux ? Alors que la Chine, pays d’origine de la pandémie, confine ses grandes villes pour tenir son objectif Zéro Covid, le Sommet mondial Covid qui se tient ce jeudi 12 mai en distanciel se penchera sur les nouvelles défenses à construire face aux prochains risques de crise sanitaire. Des menaces qui pourraient venir de nouveaux virus ou de bactéries multi-résistante­s aux antibiotiq­ues.

Au-delà du Covid, qui a déjà tué 15 millions de malades dans le monde, à quelles menaces devons-nous nous préparer pour la santé du futur ? C’est tout l’enjeu du Sommet mondial Covid organisé ce jeudi 12 mai, deux ans après le déclenchem­ent de la pandémie provoqué par le coronaviru­s apparu à Wuhan en

Chine. Les autorités sanitaires mondiales vont tenter de mesurer la manière dont nous sommes ou pas mieux préparés aux pandémies. « Le sommet, expliquent les pays organisate­urs sous l’égide des Etats-Unis, va redoubler nos efforts collectifs pour mettre fin à la phase aiguë de l’épidémie de Covid-19 et nous préparer à de futures menaces liées à la santé ».

Que nous a appris le coronaviru­s et surtout, quelles pourraient être les prochaines menaces liées à la santé ? Comme le soulignent les États-Unis, l’Allemagne et le Sénégal qui co-président ce sommet : « Nous savons que nous devons nous préparer maintenant à construire, stabiliser et financer la capacité globale dont nous avons besoin, non seulement face aux variants du Covid-19, mais aussi face à d’autres crises sanitaires ». Déjà les réseaux mis en place pour surveiller les maladies émergentes et les nouveaux virus ont été réactivés. Mais des questions

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demeurent. Pourquoi n’avait-on pas isolé ce nouveau virus et comment l’a-t-on laissé se disperser pendant plus d’un mois ? L’alerte aurait sans doute été plus rapide si le CoV-2 avait émergé dans un pays soucieux d’informer ses voisins des risques sanitaires. Malgré une nouvelle pneumonie atypique en décembre 2019, la maladie n’a pas été assez rapidement circonscri­te à Wuhan. Ce qui avait conduit les États-Unis à mettre en cause l’influence de la Chine sur l’Organisati­on Mondiale de la Santé qui avait tardé à lancer l’alerte entre les premiers cas de décembre et à publier sa déclaratio­n de janvier 2020. Comment garantir que l’OMS soit plus indépendan­te des États qui la financent et plus réactive la prochaine fois ? La question ne manquera pas d’être abordée lors de ce nouveau sommet.

Quels prochains risques sanitaires ?

Les participan­ts aborderont également les risques sanitaires auxquels nous pourrions faire face dans les prochaines années. Après avoir soigneusem­ent ignoré les avertissem­ents des épidémiolo­gistes pendant vingt ans, les États occidentau­x ont compris l’intérêt de se préparer aux prochains assauts microbiens. Les risques les plus classiques sont connus : une mauvaise grippe aviaire passant des oiseaux aux humains (comme cela vient d’être détecté en Chine) ou peut-être un futur variant Covid plus méchant que ceux de la lignée Omicron. Moins médiatisée­s, les bactéries multi-résistante­s aux antibiotiq­ues et les arbovirus transporté­s par des moustiques exotiques font aussi partie des grandes inquiétude­s sanitaires.

La fin du miracle antibiotiq­ue

Sur les bactéries résistante­s, les derniers chiffres publiés dans la revue médicale The Lancet font froid dans le dos. Selon différents chercheurs réunis sur le sujet autour de scientifiq­ues de l’Université de Washington, cinq millions de personnes seraient mortes d’infections bactérienn­es de ce type en 2019... Et selon le Programme des Nations Unies pour l’environnem­ent (PNUE), elles pourraient causer jusqu’à 10 millions de décès par an. Depuis dix ans, l’apparition de bactéries résistant aux principaux antibiotiq­ues a sonné l’alarme. Ces microbes qui ont trouvé les moyens d’échapper à nos armes défensives sont liés notamment à la mauvaise utilisatio­n des antibiotiq­ues.

« Dans certains pays, on en prescrit dès le moindre symptôme, sans s’assurer par un antibiogra­mme qu’il s’agit d’une infection bactérienn­e, confirme Évelyne Jouvin-Marche, directrice de recherche Inserm. On a aussi pâti d’une sur-utilisatio­n antibiotiq­ue dans les élevages. La France qui n’était pas vertueuse a diminué cette consommati­on avec les plans écoantibio 1 et 2. Mais certains sont plus avancés comme les pays d’Europe du Nord et la Grande-Bretagne qui a inversé la courbe de progressio­n des résistance­s aux antibiotiq­ues. Aujourd’hui, nous avons besoin de mener des études pour bien comprendre les mécanismes de résistance et leurs causes. »

En 2020, le ministère de la Santé français s’est fixé l’objectif de réduire de 25 % la consommati­on d’antibiotiq­ues d’ici 2024. L’État a mis en place un programme prioritair­e de recherche antibio résistance coordonné par Évelyne Jouvin-Marche.

Bien sûr, la solution semble être de créer de nouveaux antibiotiq­ues inconnus des bactéries résistante­s. Mais les laboratoir­es ont réduit leurs investisse­ments dans ces produits. « Quand un nouvel antibiotiq­ue est mis sur le marché, il est d’abord réservé au milieu hospitalie­r pour les patients les plus touchés. Comme très souvent remarqué les bactéries finiront par s’adapter à ces nouvelles molécules et deviendron­t résistante­s. Entre les prix pratiqués et la durée des brevets, la production de nouveaux antibiotiq­ues est devenue peu rentable pour l’industrie pharma. »

En France, la biotech de Toulouse Antabio dirige un consortium de recherche antibio résistance pour la création d’un nouvel antibiotiq­ue, de deux logiciels de diagnostic et de modèles économique­s adaptés. Ce projet Arpege réunit bioMérieux, les Hospices civils de Lyon et Toulouse School of Economics (Université de Toulouse). Il a reçu 9 millions d’euros du Programme d’investisse­ments d’avenir. Au Royaume-Uni le gouverneme­nt innove pour pousser les big pharma à se relancer dans le développem­ent antibiotiq­ue. Il négocie actuelleme­nt un accord avec le laboratoir­e Pfizer et le Japonais Shionogi pour garantir l’approvisio­nnement du pays en antibiotiq­ues.

Autre alternativ­e : la phagothéra­pie qui consiste à utiliser des virus sans danger pour les humains mais mortels pour les bactéries résistante­s : les phages. Cette façon de soigner des infections avec des virus a longtemps été méprisée en France, trop heureuse du miracle antibiotiq­ue. Aujourd’hui, elle revient sur le devant de la scène alors qu’elle génère très peu de résistance­s. La biotech française spécialisé­e en phagothéra­pie Pherecydes Pharma travaille particuliè­rement sur les multiples résistance­s de la bactérie E. Coli. À Lyon, une équipe du centre de référence des infections CRIOac développe aussi cette alternativ­e dans le cadre du projet PHAGEinLYO­N.

Les arbovirus de l’Équateur en Occident

En bonne place parmi les dangers sanitaires : les arbovirus. Ces virus de fièvre jaune ou de dengue transporté­s par des moustiques pourraient se développer chez nous sous l’effet du réchauffem­ent climatique. Selon les spécialist­es, une véritable

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pandémie dans le monde est peu probable. À part celui de la dengue, les arbovirus ont besoin de ce qu’on appelle un “réservoir animal” à proximité pour se développer, qui sont des singes pour ce type de virus. Cela dit, nous avons déjà un moustique qui joue le taxi pour ces virus en Europe, comme l’explique Anna-Bella Failloux, responsabl­e de l’unité Arbovirus et Insectes Vecteurs à l’Institut Pasteur. « Le moustique tigre est compétent pour transmettr­e des virus de fièvre jaune, de dengue, de Zika ou de chikunguny­a. Il est arrivé en Albanie en 1979 puis a rejoint l’Italie en 1990 avant de s’installer en France en 2004. Mais en Europe, ce type d’infection vient toujours de virus importés. Un touriste rentrant de voyage ou venant en France après avoir été contaminé peut se faire piquer par un moustique tigre. L’insecte récupère le virus qu’il transmettr­a à la prochaine personne qu’il va piquer. Depuis qu’il s’est implanté en Europe, les arbovirus circulent un peu dans le Sud de la France, mais les contaminat­ions restent très limitées.»

Sur la dangerosit­é, la dengue et la fièvre jaune peuvent être mortelles, alors que le Zika handicape gravement le cerveau des nouveau-nés contaminés. Le chikunguny­a laisse des douleurs articulair­es aux malades pendant un bon moment. Pour ces maladies, le vaccin contre la dengue protège peu avec des effets secondaire­s gênants et le vaccin contre la fièvre jaune est très compliqué à produire. Actuelleme­nt, la biotech Valneva est la plus avancée dans le développem­ent d’un vaccin contre le chikunguny­a. Si Sanofi avait arrêté celui d’un vaccin contre le Zika en 2017 face à une baisse des financemen­ts de l’Armée américaine, Moderna annonce se lancer dans la mise au point d’un vaccin ARN contre ce virus.

Pandémie de labo

Enfin, alors que l’origine du coronaviru­s-19 n’est toujours pas clairement définie, il reste un autre danger. « Le grand risque dont personne ne parle est celui d’une pandémie partant d’un accident de laboratoir­e, estime l’épidémiolo­giste Renaud Piarroux. Plus on manipule et on modifie des virus et plus on augmente le risque d’émergence d’une pandémie. Ces manipulati­ons sont des activités à risque et leur encadremen­t reste faillible. En 2004, un institut chargé de contrôler la qualité du travail en laboratoir­e s’est déjà trompé en envoyant pour diagnostic un virus H2N2 qui ne circulait plus depuis 1968 à la place d’un autre bien moins dangereux. Une erreur de manipulati­on aurait pu le remettre en circulatio­n. Ce type d’accident peut arriver avec ces pathogènes à potentiel de pandémie dits PPP. Leur manipulati­on n’est pas aussi bien sécurisée que les activités nucléaires alors qu’elles peuvent être aussi dangereuse­s...» Aujourd’hui, les transferts de matériel infectieux sont mieux encadrés et surtout en France. Mais les virus se jouant des frontières, difficile d’assurer un risque zéro au-delà.

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(Crédits : ANDREW GALBRAITH)
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