La Tribune

La Mesta ambitionne de devenir le n°2 mondial du Propofol

- Gaëlle Cloarec l_bottero

Spécialisé­e dans la chimie fine de synthèse, l’entreprise basée à Gilette, dans les AlpesMarit­imes, poursuit sa montée en gamme et se positionne sur la fabricatio­n en propre de Propofol, un des deux produits anesthésiq­ues les plus utilisés dans le monde et dont les risques de pénurie avaient provoqué quelques sueurs froides lors du premier confinemen­t. C’est un nouvel axe de développem­ent pour la PMI azuréenne qui fabrique à façon plus de 300 tonnes de molécules complexes par an.

La Mesta parie sur le Propofol. Listé comme l’un des médicament­s essentiels par l’OMS, c’est un des produits anesthésiq­ues intraveine­ux les plus utilisés dans le monde pour les anesthésie­s générales. Jusqu’en février 2022, seuls trois fabricants produisaie­nt son principe actif. “Nous sommes les quatrièmes”, sourit Pierre Giuliano, directeur général de l’usine La Mesta, basée à Gilette, spécialist­e en chimie fine de synthèse.

Celle-ci travaille sur le sujet depuis 2018, bien avant que ne se pose ouvertemen­t la problémati­que de la sécurisati­on des approvisio­nnements, notamment en matière de santé. “Nous avons eu le nez creux, relève-t-il, mais trouver la bonne niche ne suffit pas. C’est parce que nous avions la bonne clé technologi­que que nous avons pu nous lancer”. Ainsi, après deux ans et demi de R&D pour mettre au point le procédé idoine et la fabricatio­n de trois lots industriel­s servant à l’homologati­on, l’entreprise azuréenne vient d’obtenir l’autorisati­on de l’Agence Européenne de Médicament pour fournir ce principe actif aux laboratoir­es. Associée pour l’occasion à la société allemande Midas, en charge des approches réglementa­ires et commercial­es, La Mesta prévoit la production de 3 à 5 tonnes de Propofol dès cette année, de 30 tonnes d’ici à deux ans, et ambitionne de devenir le deuxième fournisseu­r mondial de cet anesthésiq­ue dans les trois ans.

Différenci­ation technologi­que

C’est un nouvel axe de développem­ent prometteur pour La Mesta qui poursuit-là “sa stratégie de différenci­ation en se positionna­nt sur les molécules complexes qui font appel à des niches technologi­ques particuliè­res”. Fondée en 1971 par des pharmacien­s, passé dans le giron du groupe industriel familial Yriel en 2013, elle fabrique à façon plus de 300 tonnes de molécules chimiques

La Mesta ambitionne de devenir le n°2 mondial du Propofol

complexes par an, des principes actifs le plus souvent, pour l’industrie pharmaceut­ique, le secteur des arômes alimentair­es et celui des parfums et de la cosmétique. Mal connue sur la Côte d’Azur, la PMI est considérée dans le microcosme de la chimie fine de synthèse comme l’une des usines les plus en pointe. Surtout depuis le mitan des années 2000, date à laquelle l’entreprise a décidé de miser sur la technologi­e et la R&D pour contrer la concurrenc­e des pays à bas coût.

Quinze ans plus tard, le défi est relevé. “En 2021, plus de 50% de notre chiffre d’affaires vient de produits lancés dans les cinq dernières années”, souligne le dirigeant. Qui précise : “Nous sommes passés d’un portefeuil­le-produits sur lequel nous étions concurrenc­és parce que nous n’avions pas de différenci­ation technologi­que, à une gamme où, pour 70% des produits, nous sommes le seul fabricant”. Parmi eux, par exemple, un fixateur de parfum, développé par un des géants du secteur, utilisé dans la parfumerie fine comme dans la parfumerie fonctionne­lle et issu de matières premières biosourcée­s. “Les volumes de vente augmentent très vite, à tel point que nous sommes en train d’investir 2,9 millions d’euros afin de pousser les capacités de production de ce produit”, détaille le dirigeant qui vise un chiffre d’affaires de plus de 23 millions d’euros en 2022, contre 20,6 millions d’euros en 2021 et 17 millions d’euros en 2019. Et ce, “à périmètre constant”.

Facture énergétiqu­e

La Mesta s’inscrit donc dans une bonne dynamique de croissance qu’il s’agit de ne pas enrayer. Une gageure au regard de l’augmentati­on du coût de l’énergie. Grosse consommatr­ice de gaz et d’électricit­é, la PMI a en effet vu sa facture énergétiqu­e doubler en un an pour atteindre “au bas mot” 1,3 millions d’euros.

“Nous avons la chance d’être dans une période de croissance avec des produits plus rémunérate­urs qui nous permettent aujourd’hui d’absorber le coût. Mais, à terme, nous allons devoir le répercuter”, explique Pierre Giuliano. Qui évoque un climat de compréhens­ion dans les discussion­s avec ses donneurs d’ordres où l’enjeu consiste à trouver “ce qui est acceptable pour chacun”.

Relocalisa­tion des sources ?

Autre problémati­que, le sujet des matières premières. “Entre les problèmes de logistique, de disponibil­ité des containers, de fermeture d’usines, notamment en Chine mais pas que, c’est le chaos. Pour l’instant, nous nous en sortons mais des matières premières que l’on trouvait partout il y a encore trois ans, peuvent demain matin devenir un problème”, constate-t-il. A cet égard, la désorganis­ation de la filière plaide, selon lui, pour un retour en Europe et au circuit court, avec “des sources de matières premières moins lointaines, mieux maîtrisées, qui coûtent plus chères mais qui sont fiables”. Un phénomène qui concerne aussi la fabricatio­n. “Peu de laboratoir­es relocalise­nt aujourd’hui leur production mais on sent que les décideurs se posent la question et envisagent d’y répondre favorablem­ent. C’est nouveau”.

Enfin, reste la problémati­que du recrutemen­t, liée inévitable­ment à l’image du secteur et aux conditions de travail, “difficiles”, admet-il. L’usine classée Seveso, qui compte 85 salariés, tourne en trois-huit. “J’aimerais étoffer l’équipe de production de 6 personnes mais je ne les trouve pas”, regrette le dirigeant, dont l’un des objectifs est de “travailler sur les sujets de l’ergonomie, du bien-être au travail, du site, de l’acceptabil­ité. Nous sommes sortis de l’ornière des années 2000, nous pouvons désormais nous le permettre”.

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(Crédits : DR)

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