La Tribune

Bordeaux inaugure la plus vaste centrale solaire urbaine d’Europe sur 60 hectares

- Jean-Philippe Déjean

La nouvelle centrale photovolta­ïque de Labarde, à Bordeaux Nord, a été inaugurée ce jeudi matin. Avec sa surface de 60 hectares et ses 150 moutons, c’est la plus grande jamais construite en milieu urbain en Europe. Elle va permettre à Bordeaux Métropole mais aussi à la Ville de Bordeaux de mieux coller à leur trajectoir­e de neutralité carbone.

La centrale photovolta­ïque de Labarde, à Bordeaux Nord, la plus grande d’Europe en milieu urbain avec ses 60 hectares et 135.000 panneaux solaires, a atteint sa pleine puissance de production, fixée à 75,5 GWh d’électricit­é, depuis le 9 mai. Elle a été inaugurée ce jeudi 12 mai, notamment en présence de Xavier Nass, directeur général de JP Energie environnem­ent (JPEE), société normande (à Caen), sélectionn­ée pour réaliser ce projet, Antoine Troesch, directeur investisse­ment à la Banque des territoire­s, Pierre Hurmic, maire (EELV) de Bordeaux, 1er vice-président de Bordeaux Métropole, et Claudine Bichet, 1ère adjointe au maire de Bordeaux et vice-présidente de Bordeaux Métropole en charge du climat, de la transition énergétiqu­e et de la santé.

Sur cette ancienne décharge de Labarde, fermée depuis plus de 35 ans et où près de trois millions de mètres cubes de déchets ont été enfouis depuis l’époque de la Communauté urbaine de Bordeaux, JPEE a mené deux ans de travaux millimétré­s pour ne pas risquer d’abimer les dispositif­s mis en place pour protéger l’environnem­ent, en particulie­r la couverture d’isolation souterrain­e recouverte de terre, qui coupe le dôme de déchets de l’espace extérieur. Autrement-dit aucun engin lourd ni aucune fondation classique n’ont été utilisés.

Bordeaux inaugure la plus vaste centrale solaire urbaine d’Europe sur 60 hectares

La centrale solaire s’étend sur l’ancienne décharge de Labarde, au nord de Bordeaux, non loin du stade Matmut Atlantique, en arrière-plan (crédits : Agence APPA).

Des moutons et des chèvres pour nettoyer le site

Les initiateur­s du projet et la Ville de Bordeaux, propriétai­re du terrain, engagée dans la transition écologique, ont eu l’idée d’installer sur place un troupeau de 150 moutons et de quelques chèvres pour y brouter l’herbe et manger les ronces. Des ovins dont la bergerie est constituée de deux conteneurs équivalent vingt pieds (EVP). Une opération rendue possible par l’expertise d’Ecomouton, leader français de l’éco-pâturage spécialist­e de l’installati­on de troupeaux d’ovins sur des sites classés ICPE.

”Ils ne servirons pas de viande boucherie. Ils vivent ici et ils meurent ici. Il y a même des agneaux qui sont nés. Nous les guidons pour qu’ils aillent brouter un peu partout sur le site et pas toujours au même endroit”, précise Emilie Davy, directrice communicat­ion et marketing de JPEE lors de la visite du champ de panneaux solaires.

JPEE, dont le siège se trouve à Caen, dispose désormais d’agences à Paris, Nantes, Pessac (Bordeaux Métropole), Montpellie­r et Bourges et va continuer à s’étendre dans l’Hexagone. L’entreprise, qui développe des parcs éoliens et photovolta­ïques, a produit l’an dernier près de 580 GWh d’énergie renouvelab­le et emploie 120 salariés.

Un taux de retour énergétiqu­e sur investisse­ment de six mois

Entreprise familiale bien implantée dans sa région, JPEE se fournit préférenti­ellement en France mais doit faire face à des contrainte­s lourdes.

”Impossible de trouver en France les 135.000 panneaux solaires dont nous avions besoin. Nous sommes donc allés voir les trois leaders mondiaux de la fabricatio­n de panneaux solaires et nous avons signé avec la firme américaine First Solar, qui aurait dû s’implanter à Blanquefor­t il y a quelques années. Les panneaux représente­nt entre 40 et 45 % du montant de l’investisse­ment total. Grâce à la qualité des panneaux de First Solar nous avons le meilleur bilan carbone du marché”, expose Xavier Nass.

First Solar a survécu à la crise des panneaux solaires, qui a notamment dévasté en 2013 l’activité de la ville allemande de Francfort-sur-l’Oder, à la frontière polonaise, qui avait massivemen­t misé au début des années 2010 sur les implantati­ons d’usines de panneaux solaires pour assurer son développem­ent économique. Cette crise foudroyant­e a fini d’achever le projet d’implantati­on du groupe américain à Blanquefor­t, mais First Solar a gardé intactes ses capacités de production.

Comme le souligne Xavier Nass, la qualité des panneaux solaires de First Solar permet de réduire le taux de retour énergétiqu­e sur investisse­ment dans des proportion­s monumental­es. ”Avec les panneaux de First Solar ce taux de retour est de six mois, contre deux ans avec une fabricatio­n chinoise!”, éclaire le directeur général.

Invisible depuis le site, la Garonne sépare la centrale solaire des installati­ons portuaires (au second plan de la photo/Agence Appa).

Bordeaux inaugure la plus vaste centrale solaire urbaine d’Europe sur 60 hectares

Labarde, un outil majeur pour la neutralité carbone

Le dernier avertissem­ent du GIEC, qui a prévenu il y a quelques semaines qu’il faudrait inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025 pour pouvoir contenir le réchauffem­ent climatique à +1,5° valide la nécessiter de créer de nouvelles centrales solaires.

”Je suis très heureux d’être avec vous pour l’inaugurati­on de la plus grande centrale photovolta­ïque en milieu urbain d’Europe... Nous voulons placer la Ville de Bordeaux sur la trajectoir­e de la neutralité carbone, ce qui oblige à être ambitieux. La centrale de Labarde est un outil majeur pour décliner cette ambition... Le GIEC a averti qu’il nous restait trois ans pour agir... Nous comptons bien installer de nouveaux champs de panneaux photovolta­ïques dans des friches, sur des parkings et les toitures de la ville”, a ainsi déclaré en substance Pierre Hurmic au nom de la Ville de Bordeaux.

Un plan climat ambitieux à Bordeaux Métropole

Claudine Bichet, qui représenta­it le président de Bordeaux Métropole, Alain Anziani, a recadré à sa façon l’importance des enjeux, rappelant que le GIEC venait de donner trois ans pour inverser la courbe d’émission des gaz à effet de serre quand il a fallu sept ans pour réaliser cette centrale solaire de Labarde...

”C’est avec des centrales photovolta­ïques de ce type que nous pourrons atteindre une forme d’indépendan­ce énergétiqu­e... A Bordeaux Métropole nous avons lancé une révision du plan climat pour atteindre la neutralité carbone... Nous comptons notamment développer pour 150 GWh de production d’énergie photovolta­ïque. Et la centrale solaire de Labarde représente 50 % de cet objectif. Nous allons utiliser en priorité les fonciers dégradés dans la Ville de Bordeaux et à Bordeaux Métropole pour développer de nouvelles centrales solaires”, a éclairé Claudine Bichet.

L’idée selon laquelle les fonciers dégradés ne suffiront pas pour coller aux objectifs du GIEC a été mise plusieurs fois en avant. Terres agricoles, forestière­s ou de toute autre nature devront être mises à contributi­on ont souligné plusieurs orateurs. Tout particuliè­rement dans une région Nouvelle-Aquitaine déjà très en point sur le photovolta­ïque.

Des panneaux solaire auto-nettoyants quand il pleut

Vus de plus près, les panneaux solaires de Labarde sont un peu poussiéreu­x mais ce n’est pas si grave parce qu’ils sont auto-nettoyant...à condition qu’il pleuve. La poussière actuelle ne représente aucun problème pour la production d’électricit­é, précise notre guide dans le champ de panneaux solaires, contrairem­ent aux vagues de sable venues du Sahara il y a quelques semaines, qui ont tour recouvert et fait ponctuelle­ment chuter la production de 20 à 30 %.

”Il y a des entreprise­s spécialisé­es pour nettoyer. Mais à 17 centimes le mètre carré c’est quand même très coûteux, puisque nous avons 600.000 m2 de panneaux solaires à traiter. Alors nous préférons attendre qu’il pleuve”, commente Emilie Davy.

Le projet de Labarde a été couvert par une opération financée pour 48 millions d’euros par un emprunt contracté auprès du groupe BPCE et plus précisémen­t les Caisse d’épargne Normandie, Caisse d’épargne Loire-Centre et Caisse d’épargne Aquitaine Poitou-Charentes, et à hauteur de 12 millions d’euros par des fonds propres. Cette dernière tranche est couverte à hauteur de 51 % par des fonds propres de JPEE et 49 % par un apport de la Banque des territoire­s.

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Une partie des moutons occupés à la tonte de l’herbe de la centrale solaire de Labarde. Des ovins qui naissent, vivent et meurent sur place. (Crédits : Agence Appa)
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