La Tribune

Elisabeth Borne à Matignon, les raisons d’une nomination

- Fanny Guinochet @fannyguino­chet

Elisabeth Borne sera donc la Première ministre du second quinquenna­t d’Emmanuel Macron. Plusieurs défis devront être surmontés. Les deux principaux seront le passage de l’âge de la retraite à 64 ans et le soutien aux Français en matière de pouvoir d’achat pour les aider à faire face à l’inflation. Décryptage.

Ceux qui la connaissen­t avaient perçu chez cette femme discrète un sourire inhabituel lors de l’investitur­e d’Emmanuel Macron. Radieuse, Elisabeth Borne avait salué de façon appuyée le chef de l’Etat. Certes, elle avait fait campagne pour Emmanuel Macron pendant cette campagne, mais cette personnali­té sobre semblait particuliè­rement émue et heureuse. Et on avait pu lire sur ses lèvres à plusieurs reprises “un merci” adressé à celui qui rempilait pour un second mandat .... Lui avait-il déjà dit qu’il l’avait choisie ? Sûrement... Et cette marque de confiance la portait. Elle, l’ambitieuse, est à 61 ans, la seconde femme à accéder à Matignon, après Edith Cresson, en 1991.

Outre sa personnali­té loyale, choisir celle qui occupait jusqu’alors le poste rue de Grenelle est un symbole fort : Emmanuel Macron, l’a souvent répété, il souhaite placer son second quinquenna­t sous le signe “du Travail”.

Soutenir les Français face à l’inflation

La priorité de sa feuille de route sera de maintenir, tant que possible, le pouvoir d’achat des Français, dans un contexte d’inflation galopante, et de remontée des taux d’intérêt. Un casse-tête alors que l’épidémie de Covid n’a pas totalement disparu, et que la guerre en Ukraine sévit.

A charge pour elle de mettre en oeuvre le chèque alimentati­on promis par Emmanuel Macron, mais aussi d’inciter les patrons à verser des primes Macron défiscalis­ées à leurs équipes ... Avec le risque que cette panoplie ne soit pas suffisante, face à des Français inquiets de ne pas boucler leurs fins de mois, et que la

Elisabeth Borne à Matignon, les raisons d’une nomination

colère s’exprime sur les ronds points, comme lors de la crise des Gilets jaunes.

”Reste qu’Elisabeth Borne a pour elle de ne pas être bling bling, de ne pas être trop précieuse, elle passe partout “, assure un grand patron. “Il lui faudra toutefois être un peu plus à l’écoute des plus modestes. Lors de la crise du Covid, elle avait mis en musique le chômage partiel. Mais, elle manque parfois d’empathie... elle a beau avoir fait longtemps sa carrière à gauche, elle n’est pas forcément une personnali­té très sociale “, confie un ancien membre de cabinet.

Il faut dire que cette bosseuse n’est pas toujours d’humeur à s’apitoyer. Orpheline de père, alors qu’elle n’a que 11 ans, élevée par une mère pharmacien­ne, elle symbolise la méritocrat­ie française, et ne compte pas ses heures pour accéder à la haute fonction publique. Passage en classe préparatoi­re, Polytechni­que, Ponts et Chaussée. Elle n’a pas fait l’ENA, ce qui aujourd’hui représente un atout en macronie.

Ingénieur de formation, Elisabeth Borne a pour elle de ne pas hésiter à se plonger dans des dossiers arides. Ce qui lui vaut d’être souvent taxée de “techno”. Au ministère des Transports ou de la transition écologique, elle a souvent été confrontée à des dossiers épineux. Idem lors de ses fonctions en entreprise­s que ce soit en tant que PDG de la RATP, ou directrice des concession­s chez Eiffage...

Et justement, certains lui reprochent de ne pas être suffisamme­nt politique. Le politologu­e Pascal par exemple, juge qu’elle risque d’être vite dépassée à un moment où les batailles à l’Assemblée nationale promettent d’être âpres notamment avec la Nupes de Jean-Luc Mélenchon : “Elle n’a jamais été élue, ce peut être un handicap”

D’autres regrettent ce profil un peu trop “exécutant”. “C’est triste Elisabeth Borne comme choix, c’est la fin du Macron courageux et audacieux. Il choisit une exécutante souple avec ses supérieurs, qui ne dira jamais non et n’a aucune vision”, écrit à la Tribune un ancien ministre...

Peu importe, Elisabeth Borne se moque d’être taxée de “bonne élève “et d’être impopulair­e. Lors de la réforme de l’assurance chômage - que tous les syndicats combattaie­nt - elle n’a pas cillé et l’a mise en oeuvre l’an dernier. Certains se souviennen­t aussi au ministère du Travail de ses colères alors que les employeurs des Transports ou de la Coiffure rechignaie­nt à relever les salaires...

Autre dossier chaud, éviter de mettre la France dans la rue la réforme des retraites

Les syndicats décrivent une personnali­té respectueu­se du dialogue social. Son avantage après un passage rue de Grenelle : connaître bien les partenaire­s sociaux. ”Elle est à l’écoute et ne mène pas en bateau ses interlocut­eurs”, assure le chef de file d’un grand syndicat. Tous reconnaiss­ent son profession­nalisme, sa compétence, sa rigueur.

En 2018, alors qu’elle était Madame Transports, elle avait négocié âprement le statut de la SNCF, capable de tenir tête à l’opposition, et remportant ainsi l’une des grandes batailles d’Emmanuel Macron.

Elisabeth Borne a aussi pour elle de bien connaître le sujet des retraites. Dès le lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron, le 25 avril, elle montait au créneau pour défendre cette réforme “nécessaire”, assurant qu’”Emmanuel Macron ne s’enferme pas dans ses 100 premiers jours, mais cette réforme est nécessaire pour assurer la pérennité d’un système de retraites ».

Pour tenter d’apaiser le débat, elle plaidait déjà « Il y a, Emmanuel Macron l’a dit, une place importante pour de la concertati­on”.

Elle évoquait “ceux qui ont commencé à travailler plus tôt, qui évidemment, continuero­nt à partir plus tôt .... ceux qui sont dans des métiers où il y a de l’usure profession­nelle, de la pénibilité, pourront aussi partir plus tôt » etc...

Cette concertati­on promise par le Président, elle sera donc en première ligne pour la mener. La voilà plongée dans l’enfer de Matignon, cette maison difficile qu’elle a pu expériment­er, alors qu’elle était conseillèr­e de Lionel Jospin. C’était en 1997...

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Elisabeth Borne est la seconde femme à entrer à Matignon (Crédits : SARAH MEYSSONNIE­R)
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