La Tribune

Pourquoi le SMIC à 1.500 euros net de Mélenchon menacerait l’emploi et creuserait la dette

- Fanny Guinochet @fannyguino­chet

Face à l’inflation galopante, Jean-Luc Mélenchon veut porter le SMIC à 1.500 euros net, contre 1.400 auparavant. Si la propositio­n du leader de Nupes est séduisante, elle pose toutefois plusieurs problèmes économique­s. Décryptage.

Gagner 1.500 euros net par mois, contre un peu plus de 1.300 aujourd’hui (pour 35 heures mensuelles). La propositio­n de Jean-Luc Mélenchon, le chef de file de la gauche, plaira à coup sûr aux deux millions de salariés qui perçoivent le

Smic. Comment alors que les étiquettes indiquent d’importante­s hausses de tarifs dans les rayons s’opposer à une telle suggestion ? Si moralement l’engagement de Jean-Luc Mélenchon séduit, économique­ment, l’équation est nettement plus sensible. Et pour cause, du côté des entreprise­s, et notamment celles qui sont très consommatr­ices de main-d’oeuvre peu qualifiée, une telle annonce serait un véritable coup dur. Il faudra qu’elles “suivent” ces augmentati­ons et financière­ment, elles n’ont pas toujours les marges de manoeuvre suffisante­s. Ainsi, plusieurs PME dans la logistique, l’agroalimen­taire, les transports, la propreté pourraient se trouver en difficulté­s pour s’aligner sur cette progressio­n du salaire minimum.

Dans un contexte d’activité plate - au premier trimestre la croissance était nulle selon l’Insee- le pari est risqué. D’autant plus que la multiplica­tion des hausses du SMIC - 3 en 6 mois bouscule déjà la mécanique fondée sur un rendez-vous salarial annuel. Cela susciterai­t des tensions sociales supplément­aires, et déstabilis­erait la bonne marche des entreprise­s.

Pourquoi le SMIC à 1.500 euros net de Mélenchon menacerait l’emploi et creuserait la dette

Tassement des grilles de salaires

Par ailleurs, augmenter le SMIC contribue à tasser la grille des salaires. Quid de ceux qui aujourd’hui sont légèrement au-dessus du SMIC et dont la rémunérati­on n’est pas indexée sur l’inflation ? Ils demanderai­ent un rattrapage. De fait, ce ne sont pas deux millions d’employés qui seraient concernés par ces hausses, mais bien plus. Car cela impacterai­t les autres échelons des grilles de salaires.

Surtout qu’aujourd’hui de nombreuses branches profession­nelles restent encore en dessous du SMIC. Près de 85 % des 170 blanches de plus de 5.000 salariés seraient même dans cette situation selon les syndicats. CFDT et CGT en tête demandent régulièrem­ent que ces branches s’alignent.

Boucle inflation/salaire

Ces relèvement­s successifs - après une progressio­n de 6 % en 6 mois- risquent aussi d’alimenter le cercle vicieux inflation/ salaires

Si les entreprise­s rémunèrent mieux les salariés pour qu’ils puissent faire face à l’inflation, elles vont être tentées de rogner sur leurs marges, et augmenter encore les prix... et les employés demanderon­t encore des hausses de salaires... etc etc ...

Cet effet boule de neige peut déstabilis­er l’économie. Même si en France, le risque de cette boucle inflation/salaire est un peu moins élevé car les salaires restent bas.

A ce propos, le gouverneur de la banque de France, François Villeroy de Galhau est sans détour : “les augmentati­ons de salaires seront ‘bouffées’ dans les mois qui suivent par le supplément d’inflation, et tout le monde est perdant”.

Menace sur l’emploi

Enfin un des risques souvent pointés du doigt, concerne les créations d’emplois. Si le SMIC est trop haut, trop élevé comme c’est le cas dans l’Hexagone, les employeurs peuvent être découragés d’embaucher. Ce qui freinera la baisse du chômage.

Ainsi, l’économiste, ancien conseiller de Jean Castex, Marc Ferracci, - aujourd’hui candidat pour la députation, sous l’étiquette de la majorité présidenti­elle - a publié un tweet ce dimanche, en réaction aux propos de Jean-Luc Mélenchon : “porter le Smic de 1.300 à 1.500 euros nets revient à une hausse de 15 %... Quand on connaît l’élasticité de l’emploi au niveau du SMIC selon les évaluation­s : 10% de hausse du SMIC entraîne une baisse de 10 % de l’emploi à ce niveau. Avec 2 millions de salariés au SMIC .... ce serait donc 300.000 emplois détruits.

Une charge de la dette supplément­aire

Enfin, l’Etat employeur sera soumis aux mêmes pressions que les employeurs privés. Si le SMIC est porté à 1.500 euros, il devra lui aussi relever le salaire minimum à ce niveau des agents publics. Or, selon les calculs de François Ecalle, du site Fipeco, une hausse de 1% des rémunérati­ons des agents coûte deux milliards d’euros.

L’Etat français n’ayant pas de marge de manoeuvre, il aura recours à l’emprunt pour financer ces progressio­ns. De quoi creuser encore un peu plus la dette, ce qui en période de remontée des taux d’intérêts alourdira encore notre charge. Voilà pourquoi dans ce contexte, Emmanuel Macron, préfère en passer par des dispositif­s ciblés et ponctuels pour aider les Français à boucler leurs fins de mois.

Le chef de l’Etat a promis d’encourager les entreprise­s à verser des primes défiscalis­ées - via la fameuse prime dite “Macron” dont le montant hors impôts et cotisation­s sera porté à 6.000 euros annuels- mais aussi un relèvement de la prime d’activité pour les travailleu­rs les plus précaires ou encore des mesures comme la distributi­on d’un chèque alimentati­on pour les plus ménages les plus modestes...

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Jean-Luc Mélenchon propose de porter un SMIC à 1500 euros mensuels (Crédits : POOL)
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