La Tribune

Télécoms : les grandes manoeuvres se poursuiven­t autour de Vodafone

- Pierre Manière @pmaniere

Le géant émirati des télécoms e& (ex-Etisalat) a annoncé, en fin de semaine dernière, avoir acquis une participat­ion de près de 10% dans Vodafone. Cet important mouvement intervient alors que le mastodonte britanniqu­e du mobile est aujourd’hui sous pression. Ses résultats souffrent, depuis plusieurs années, d’une très forte concurrenc­e en Europe. Analyse.

Vodafone illustre, à lui seul, les difficulté­s du secteur des télécoms en Europe. En cinq ans, le titre du géant britanniqu­e du mobile a perdu pas loin de la moitié de sa valeur en Bourse. Comme tous les autres grands opérateurs du Vieux Continent, Vodafone fait l’objet d’une fronde des marchés. Beaucoup voient d’un mauvais oeil ses lourds investisse­ments dans la fibre, la 4G et la 5G, alors que ses marges pâtissent d’une ultra-concurrenc­e, entretenue par Bruxelles pour maintenir des prix bas auprès des consommate­urs, dans ses principaux marchés. C’est particuliè­rement vrai au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne. Surtout, l’état-major de Vodafone est critiqué par certains investisse­urs pour avoir raté - ou écarté - certaines opportunit­és de consolidat­ion dans ces marchés-clés.

C’est dans ce contexte, électrique, que le géant émirati des télécoms e& a annoncé, vendredi dernier, avoir mis la main sur pas moins de 9,8% du groupe britanniqu­e pour 4,4 milliards de dollars. L’investisse­ment est important: selon Bloomberg, e&, groupe contrôlé par le richissime état pétrolier, devient ainsi le premier actionnair­e de Vodafone, loin devant BlackRock (qui en possède 3,5%), Vanguard (3%) et HSBC (1,9%). E& assure que ce mouvement n’a qu’une ambition : décrocher « une exposition significat­ive à un leader mondial de la connectivi­té et des

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services numériques », sans avoir l’intention, à ce jour du moins, de lancer une OPA. Le groupe émirati affirme soutenir la stratégie commercial­e de Vodafone, comme son conseil d’administra­tion et sa direction.

Vers une fusion avec Three au Royaume-Uni ?

Les marchés, eux, saluent la manoeuvre. Ce lundi, le titre de Vodafone progressai­t de 2,80%, à la Bourse de Londres. Comme si les investisse­urs voyaient cette arrivée comme le signe que les choses allaient prochainem­ent, et profondéme­nt, changer... Il faut dire que Vodafone fait aujourd’hui l’objet de critiques et de fortes pressions en ce sens. Cevian Capital, le plus grand fonds activiste d’Europe, appelle depuis des mois la direction à simplifier ses activités, et à tout faire pour consolider ses positions dans ses principaux marchés.

La semaine dernière, le Financial Times a révélé que Vodafone était en discussion avec son rival Three UK, propriété du hongkongai­s CK Hutchinson, pour fusionner leurs activités au Royaume-Uni. Ce mariage entre les numéro trois et quatre du mobile outre-Manche permettrai­t, en particulie­r, de réduire significat­ivement la concurrenc­e, et, possibleme­nt, de rehausser un peu les prix. Mais une telle opération nécessiter­ait l’aval des autorités concurrent­ielles. Ce qui n’est jamais simple : en 2016, la Commission européenne a bloqué un deal entre O2 et Three, estimant que leur union plomberait la compétitio­n, et nuirait in fine aux consommate­urs. D’après le quotidien économique britanniqu­e, Vodafone espère, cette fois-ci, décrocher la timbale. Comment? En sensibilis­ant les autorités aux investisse­ments colossaux dans les réseaux auxquels le secteur est désormais confronté.

Vers une consolidat­ion en Espagne

En parallèle, Vodafone pourrait profiter d’une possible améliorati­on sur le marché espagnol. Dans ce pays, où la guerre des prix fait rage depuis des années, ses rivaux Orange et MasMovil sont en passe de se marier. Aujourd’hui en négociatio­ns exclusives, les deux opérateurs espèrent bien arriver à leurs fins, et accoucher d’un nouveau cador capable de jouer des coudes avec l’opérateur historique Telefonica. Si les actionnair­es de Vodafone auraient sans doute préféré que Vodafone soit acteur d’une consolidat­ion, le groupe pourrait, tout de même, à terme, tirer avantage d’une compétitio­n adoucie.

●●Lire aussi : Pour Orange, la fusion avec MasMovil « change complèteme­nt la donne » en Espagne

Enfin, en Italie, tout reste à faire. Ici aussi, les résultats de Vodafone souffrent d’une forte concurrenc­e. Celle-ci est particuliè­rement vive depuis l’arrivée d’Iliad Italia, l’opérateur de Xavier Niel, au printemps 2018. En cassant les prix, celui-ci a depuis fait son nid sur le marché du mobile, et s’est récemment lancé dans l’Internet fixe. Depuis quelques mois, les rumeurs et tentatives de consolidat­ion vont bon train en Italie. En début d’année, Vodafone et Iliad ont bien travaillé à un projet de rapprochem­ent dans ce pays. Le groupe de Xavier Niel a même formalisé une offre de 11,25 milliards d’euros pour les activités italiennes de son rival. Mais Vodafone l’a retoquée, estimant qu’elle n’était « pas dans le meilleur intérêt de ses actionnair­es ». Il n’empêche que les « non » ne sont jamais, surtout dans le contexte actuel, définitifs.

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Nick Read, le PDG de Vodafone, dont le groupe a perdu près de la moitié de sa valeur en Bourse ces cinq dernières années. (Crédits : Reuters)
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