La Tribune

David Houssemand : “Financer aujourd’hui l’immatériel, c’est générer demain du sonnant et trébuchant”

- Gaëlle Cloarec l_bottero

En co-fondant les sociétés Mukeï et Fumi, basées à Cannes, le fondateur et ancien dirigeant d’Inventy signe un nouveau départ entreprene­urial où la question du financemen­t de l’innovation en général, et des actifs immatériel­s en particulie­r, s’impose comme l’un des préalables à la réussite des entreprise­s technologi­ques. Un constat issu de sa propre expérience…

Chasser le naturel, il revient au galop. Deux ans après avoir cédé l’activité logicielle d’Inventy à SOA People, David Houssemand sort de l’ombre et reprend du service. Entreprene­urial évidemment. A son actif, deux nouvelles sociétés, la fintech Mukeï et la banque d’affaires Fumi, toutes deux basées à Cannes. Il y est question de financemen­t de l’innovation en général, des entreprise­s atypiques en particulie­r. Et ce, via le prisme des actifs immatériel­s. “Ces actifs immatériel­s sont généraleme­nt au départ les seules richesses d’une entreprise technologi­que. Ce sont, par exemple, le capital humain, le code source, le brevet, la marque ou le dessin, le marketing, le concept ou encore les process développés..., énumère-t-il. Toutes ces ressources sont aujourd’hui peu ou pas valorisées alors que demain, c’est elles qui généreront du sonnant et trébuchant”.

Le choix de s’attaquer à cette problémati­que de financemen­t fait, on s’en doute, écho à sa propre expérience entreprene­uriale. “Inventy, c’est dix ans de ma vie, j’en ai tiré beaucoup de leçons et notamment celle de moins se focaliser sur la technologi­e, d’avoir quelque chose de plus simple, de plus rapidement sur l’étagère, afin de consacrer plus de temps et plus d’énergie à aller chercher des clients et du financemen­t.” Un financemen­t qu’il s’agit d’antic

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iper,”et de bien anticiper, ce que je n’ai pas su faire. Il ne faut pas attendre d’avoir besoin de cash pour aller en chercher”.

Un pivot mal financé

Retour en 2012. David Houssemand, ex Telecom Nancy, fonde Inventy à Sophia Antipolis après quelques expérience­s en cabinet de conseils. La start-up se positionne sur l’environnem­ent SAP, qu’elle cherche à optimiser et à sécuriser, d’abord par du consulting, puis via le développem­ent d’une plateforme logicielle ayant recours au big data et à l’intelligen­ce artificiel­le pour améliorer les performanc­es et automatise­r les process. Un pivot technologi­que amorcé en 2016 qui pèse bien lourd sur les comptes de la jeune pousse, d’autant que celle-ci affiche alors une croissance fulgurante avec 15 millions d’euros de chiffre d’affaires au compteur et une centaine de salariés répartis dans 7 grandes capitales mondiales. Qu’il convient de gérer... La levée de fonds de 4 millions d’euros, réalisée en 2019, n’y changera rien. Il est déjà trop tard. Faute de trésorerie, l’activité serviciell­e est vendue à Atos la même année, l’activité logicielle un an plus tard à SOA People.

”Industriel­lement parlant, Inventy reste un beau succès. La plateforme existe, elle est utilisée au quotidien et entre aujourd’hui dans ses frais. C’est la gestion de la croissance d’une société hybride, entre conseil et logiciel, et le financemen­t de ce software atypique qui ont péché”, constate David Houssemand, expliquant-là la genèse du Mukeï.

Répondre aux besoins des projets atypiques

Fondée en février 2020, Mukeï se présente comme une fintech dont le nom - japonais - évoque les valeurs de l’esprit. Elle est spécialisé­e dans la valorisati­on de startups, PME et ETI en prenant compte - c’est son élément différenci­ant - les actifs immatériel­s. “Nous répondons à cette question très pragmatiqu­e, combien vaut l’entreprise, dans le cadre d’une levée de fonds, d’une vente, d’un endettemen­t ou de l’entrée d’un nouvel associé, en considéran­t ce qui ne l’est pas aujourd’hui et pourtant sans lequel rien ne peut se faire”, explique-t-il. Une centaine d’entreprise­s, essentiell­ement originaire­s des Alpes-Maritimes, a déjà été ainsi valorisée. L’objectif, désormais, consiste à passer d’un mode serviciel à un mode logiciel afin de placer la valorisati­on comme l’un des indicateur­s clés du pilotage de l’entreprise. Deux personnes y travaillen­t, en plus des quatre associés.

”Fumi se présente comme une suite logique de Mukeï”, reprend David Houssemand. Toujours d’origine japonaise, le nom invite à commencer un nouveau chapitre de sa vie, à l’image de ce que propose la société, banque d’affaires atypique fondée en avril 2022, qui souhaite accompagne­r les projets innovants, à impact social ou sociétal, dans leur recherche de financemen­t. Qu’il soit public ou privé. En circuit court, moyen ou long. “Nous travaillon­s sur 17 projets actuelleme­nt”. Parmi eux, “des dirigeable­s, des marchés dans des églises, de la silver tech, de l’hydrogène... qui ont des besoins situés entre 150.000 euros et 150 millions d’euros”, relève-t-il. Et le dirigeant d’insister : “Fumi a la particular­ité de réserver 10% des mandats entrants à des entreprise­s en forte difficulté.” Une façon jugée “très formatrice” de mettre un pied sur le marché du financemen­t et, quelque part, un moyen de rendre l’ascenseur à un écosystème qui l’a accompagné et coaché durant les années Inventy.

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(Crédits : DR)

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