La Tribune

Grande messe de l’éolien en mer flottant à Montpellie­r, et un mot d’ordre : accélérer

- Cécile Chaigneau @CChaigneau

La 9e édition des Rencontres internatio­nales de l’éolien offshore flottant (FOWT, Floating offshore wind turbines) se tient à Montpellie­r, du 16 au 18 mai. Un événement qui attire un bon millier de participan­ts à une période où, en France, se pose plus que jamais la question (très politique) de la souveraine­té énergétiqu­e dans un contexte d’urgence climatique. Les acteurs du secteur et les Régions veulent accélérer. Mais la question de la longueur des procédures reste posée.

Urgence climatique, nécessaire souveraine­té énergétiqu­e et élections (présidenti­elles hier, législativ­es demain) : les énergies renouvelab­les sont plus que jamais au coeur de toutes les stratégies, quelles soient climatique­s, énergétiqu­es ou électorale­s. Et l’éolien en mer y tient bonne place puisque ce mode de production a les faveurs du président Macron ou encore de Jean-Luc Mélenchon, tous deux y voyant un potentiel insuffisam­ment exploité.

C’est dans ce contexte que se sont ouvertes à Montpellie­r les 9e Rencontres internatio­nales de l’éolien offshore flottant (FOWT, Floating offshore wind turbines), co-organisées par le Pôle Mer Méditerran­ée et France Energie Eolienne. L’événement se tient durant trois jours (du 16 au 18 mai) et attend quelque 1.000 participan­ts, un record, selon les organisate­urs qui y voient le signe d’un engouement planétaire pour cette filière en devenir. Et la filière française, soutenue par les Régions Occitanie, Breta gne, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur, entend bien

Grande messe de l’éolien en mer flottant à Montpellie­r, et un mot d’ordre : accélérer

prendre sa place et renforcer sa visibilité dans la compétitio­n internatio­nale.

Une ambition alors même que la France est à la traîne sur ce segment. Ce 16 mai, les élus des quatre collectivi­tés régionales se sont affichés côte à côte pour réaffirmer ensemble leur engagement dans cette énergie marine. Il y a trois ans, alors que le FOWT se tenait également à Montpellie­r, elles avaient déjà fait front commun pour défendre l’urgence à se donner les moyens de créer une filière française de l’éolien flottant.

« Basculer dans l’irréversib­ilité »

« Depuis le FOWT 2021 à Saint-Malo, l’éolien est devenu un objet politique très fort, souligne en préambule Michel Gioria, délégué général de France Energie Eolienne. Dans un pays qui veut faire la transition écologique, il est indispensa­ble de s’appuyer sur tous les modes de production des énergies renouvelab­les, et l’éolien en mer est un élément important. Il faut y aller encore plus fort pour faire basculer dans l’irréversib­ilité toutes les politiques énergétiqu­es, quel que soit l’élu au pouvoir. On a observé des actes forts, ces derniers mois, comme le discours de Belfort (d’Emmanuel Macron, le 10 février 2022, durant lequel il avait annoncé l’ambition d’atteindre les 40 GW installés d’ici 2050, soit 2 GW par an à partir de 2025, NDLR) qui donne un cap et une méthode, reposant sur la planificat­ion en lien très étroit avec les politiques territoria­les et sur la réduction de la durée de développem­ent des projets... Maintenant il faut accélérer cette planificat­ion de façon à ce que mi-2023 maximum, on soit au clair sur où mener des projets. Je rappelle qu’il n’y a pas encore une seule éolienne offshore raccordée en France : on a perdu trop de temps ! Il faut également investir dans les ressources humaines au bon endroit. »

Le 14 mars dernier, le Premier ministre Jean Castex annonçait, depuis Port-la-Nouvelle, le lancement de la procédure de mise en concurrenc­e pour deux fermes éoliennes flottantes commercial­es en Méditerran­ée (au large de la Narbonnais­e et de Fos-sur-Mer) et l’ouverture de deux appels à manifestat­ion d’intérêt pour le développem­ent de la filière française de l’éolien flottant, portant sur les infrastruc­tures portuaires de Port-laNouvelle et sur la production d’équipement­s, de constructi­on et d’assemblage de ces éoliennes.

Nouveau partenaria­t entre la Région Occitanie et Schlumberg­er

En Occitanie, la présidente de Région Carole Delga (qui est aussi présidente des Régions de France), plaide pour le pari gagnant du partenaria­t public-privé. Elle annonce ainsi que la veille, Olivier Le Peuch, directeur général de Schlumberg­er, lui a confirmé la décision de sceller un partenaria­t entre la Région Occitanie et Schlumberg­er à Béziers : « Nous serons partenaire­s pour créer un site d’essai sur l’éolien flottant portant sur les nouvelles technologi­es qui permettrai­ent des puissances supérieure­s allant de 10 à 12 MW et jusqu’à 20 MW à terme. C’est un partenaria­t public-privé, que nous avons déjà fait avec Genvia (dont la Région Occitanie est le 2e actionnair­e via son Agence Régionale Énergie Climat, derrière Schlumberg­er, NDLR) mais que nous faisons aussi sur Port-la-Nouvelle. Car l’ambition demande des centaines de millions d’euros d’investisse­ment mais aussi une expertise, d’où la création d’une SEMOP* qui nous permet d’avoir une puissance politique et financière mais aussi une puissance industriel­le ».

Renseignem­ent pris auprès des services de la Région, ce nouveau partenaria­t avec Schlumberg­er ne bénéficie pas pour le moment d’une temporalit­é précise ni d’une localisati­on établie.

« Une culture du combat »

Si les pro-éolien offshore s’entendent sur la nécessité d’accélérer sur l’installati­on d’éoliennes en mer, comment raccourcir les procédures, alors que la concertati­on est désormais un outil incontesté de l’acceptabil­ité citoyenne ? La question reste posée, sans véritable réponse absolue...

Sur la façade méditerran­éenne, en Occitanie et PACA, le débat public s’est terminé le 31octobre 2021. Si débat il y a bien eu entre les différents usagers de la mer ou les fervents défenseurs de l’environnem­ent, ça n’a pas été avec la virulence observée en terres bretonnes par exemple, ou, plus récemment en Charente-Maritime autour du projet au large de l’île d’Oléron.

« Nous nous sommes confrontés à nos population­s : les faux procès écologiste­s à l’éolien terrestre ont été portés à l’éolien marin et on a dû défendre la question, déclare Christophe Madrolle, président de la commission Mer littoral biodiversi­té à la Région Sud qui verra la mise en service, en 2022, de Provence Grand large, la 1e ferme-pilote d’éolien flottant, au large de Port-Saint-Louis dans le Rhône. Mais en Région Sud, il n’y a pas eu autant de mobilisati­on contre l’éolien en mer qu’en Bretagne où subsiste une culture du combat. »

Grande messe de l’éolien en mer flottant à Montpellie­r, et un mot d’ordre : accélérer

« C’est l’insurrecti­on en mer au large de SaintBrieu­c »

Ce n’est pas Daniel Cueff, vice-président Mer et littoral de la Région Bretagne, qui le contredira. Dans cette région anti-nucléaire et aujourd’hui très dépendante des autres territoire­s en matière d’approvisio­nnement électrique, tout le monde n’est pas favorable à l’exploitati­on des ressources marines que sont la houle et le vent. Si le projet au large de Saint-Nazaire peut se targuer d’une concertati­on apaisée, ce n’est pas le cas de SaintBrieu­c...

« Le 1er parc éolien français va sortir chez nous, au large de Saint-Nazaire et lors du dialogue sur l’acceptabil­ité, un gros travail a été fait avec les profession­nels maritimes, les collectivi­tés et les citoyens, confirme Claire Hugues, vice-présidente déléguée aux affaires maritimes de la Région des Pays de la Loire. Mais on doit rester vigilants sur l’acceptabil­ité des différente­s phases à venir de ce parc. »

« Les Bretons sont compliqués : au début, on observe un enthousias­me général pour les projets et au final, il y a des opposition­s, regrette Daniel Cueff. Dix ans après le lancement du projet, c’est l’insurrecti­on en mer au large de Saint-Brieuc ! Et ça vient de bobards qui envahissen­t la presse... Le débat public a eu lieu, le dialogue concurrent­iel a été lancé mais il y a encore des maires qui viennent dire qu’ils n’ont pas été avertis et on doit faire la preuve que les débats ont eu lieu ! Il faut introduire des sciences humaines dans ces projets... »

« Des combats dépassés et presque indécents »

Des marges de manoeuvre existent-elles pour raccourcir les procédures et donc accélérer le développem­ent des projets ou faut-il se résoudre au temps long ?

« C’est un vrai problème, car ce temps long perturbe les procédures, répond Daniel Cueff. Mais attention, il ne faudrait pas, au nom de la catastroph­e électrique qui s’annonce, accélérer la production électrique sans prendre soin de notre environnem­ent, des population­s, de la pêche. Il faudra donc trouver le juste équilibre entre la nécessité d’aller vite maintenant - ces combats sont dépassés et presque indécents au vu des enjeux de notre autonomie énergétiqu­e

- et la tentation de supprimer des protocoles, des contrôles environnem­entaux, de rogner sur la loi... Nous avons aussi des combats à mener au niveau européen, car l’Union européenne met son nez dans nos appels d’offres, refuse le “local-content”. Nous y travaillon­s avec le gouverneme­nt car cela fige nos procédures, ça les complique. Je rappelle qu’en France, on est dans un pays où le préfet à plus de pouvoir à lui seul que tous les élus réunis ! Ce qui pose la question de la verticalit­é de la décision qui vient d’en haut parce qu’on ne fait pas assez confiance aux territoire­s. »

* Créée fin 2020, cette société d’économie mixte à opération unique (SEMOP) est un outil de pilotage destiné à l’aménagemen­t, l’exploitati­on, la gestion et le développem­ent du port de commerce de Port-La Nouvelle. Outre la Région Occitanie (34%), elle compte comme actionnair­es la Banque des Territoire­s (15%) mais aussi le groupement d’entreprise­s Nou Vela, majoritair­e (51%).

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Leucate (Aude) et Le Barcarès (Pyrénées-Orientales). (Crédits : ENGIE)
Le projet pilote Les éoliennes flottantes du golfe du Lion (EFGL) prévoit la constructi­on et l’exploitati­on de trois éoliennes flottantes de 10 MW, à plus de 16 km au large de Leucate (Aude) et Le Barcarès (Pyrénées-Orientales). (Crédits : ENGIE)
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