La Tribune

Rachat de Twitter : Elon Musk prêt à toutes les aberration­s pour faire baisser le prix

- François Manens @FrancoisMa­nens

Elon Musk continue sa campagne de remise en cause du nombre de faux utilisateu­rs de Twitter, prétexte pour renégocier le prix du rachat du réseau social, fixé à 44 milliards de dollars. Cette fois, il s’en prend publiqueme­nt aux tentatives de défense de Parag Agrawal, le directeur général de Twitter. Cette guerre de chiffres pourrait avoir trois issues : soit le réseau social plie et s’ouvre à la renégociat­ion du prix, soit Musk finit par arrêter son offensive, soit l’affaire se dirige vers une confrontat­ion judiciaire, longue et onéreuse. Explicatio­ns.

”Vous avez sûrement vos numéros de téléphone respectifs, non ?”, interroge une journalist­e en commentair­e d’un échange public -et lunaire !- entre le directeur général de Twitter Parag Agrawal et Elon Musk, futur propriétai­re du réseau social. Lundi 16 mai au soir, en réponse à une série de 13 tweets du dirigeant de Twitter qui détaillent la méthode d’évaluation du nombre de faux comptes réalisée par l’entreprise, le milliardai­re a publié un émoji (ces petites images utilisées dans un message électroniq­ue pour exprimer une émotion, représente­r un personnage, ou une action) pour le moins particulie­r : un ”emoji caca”, dont le nom est suffisamme­nt explicite pour traduire la réponse d’Elon Musk.

Depuis vendredi dernier, l’homme d’affaires accuse le réseau social de ne pas évaluer correcteme­nt le nombre de faux utilisateu­rs, estimé depuis 2019 à moins de 5%. Il a donc annoncé qu’il “suspendait” son rachat de l’entreprise pour 44 milliards de dollars. Cette “suspension” -sans aucune valeur juridique, le contrat n’étant pas résilié- a tiré le prix de l’action à la baisse, et

Rachat de Twitter : Elon Musk prêt à toutes les aberration­s pour faire baisser le prix

pourrait lui permettre de renégocier le prix de l’acquisitio­n, fixé à 54,20 dollars par action. [Capture d’écran La Tribune]

Guerre de chiffres

D’après sa méthode d’évaluation très contestabl­e -une enquête sur un échantillo­n de 100 abonnés du compte @twitter, choisis au hasard-, Elon Musk a affirmé à l’occasion de la conférence “All In” à Miami, qu’il pensait que la plateforme compte plus de 20% de faux comptes. Lors de sa prise de parole -qui a duré plus de 2 heures- il a également confirmé qu’il envisageai­t une négociatio­n à la baisse de l’opération de rachat. Dans un tweet publié ce 17 mai, il a surenchéri, affirmant que ce chiffre pourrait même être “bien supérieur” :

”Mon offre était basée sur le fait que les déclaratio­ns de Twitter à la SEC [le gendarme des marchés américains, ndlr] étaient correctes. Hier, le directeur général de Twitter a publiqueme­nt refusé de montrer des preuves que le chiffre est inférieur à 5%. L’opération ne peut pas avancer tant qu’il ne le fait pas”, a-t-il déclaré.

Dans son fil de tweets attaqué par Elon Musk, Parag Agrawal précisait pourtant que l’estimation réalisée par Twitter se base sur des “évaluation­s humaines de milliers de comptes, choisis de façon aléatoire, de façon consistant­e sur la durée, parmi les comptes comptés comme mDAUs [utilisateu­rs quotidiens actifs monétisabl­es, la mesure avancée par Twitter auprès des annonceurs publicitai­res, ndlr]”. Il ajoute avoir partagé une présentati­on du processus d’estimation avec Elon Musk la semaine précédente, et que les 5% sont une estimation haute du nombre de faux comptes.

Elon Musk tire le levier de la transparen­ce

”Malheureus­ement, nous ne pensons pas que l’estimation que nous réalisons puisse être effectuée extérieure­ment, étant donné le besoin critique d’utiliser à la fois des données publiques et des données privées (que nous ne pouvons pas partager)”, regrette le dirigeant de Twitter.

C’est sur ce point que Elon Musk trouve son angle d’attaque : il demande la transparen­ce la plus complète de la part du réseau social... alors que lui-même avance des chiffres tirés de son chapeau. “Comment les annonceurs peuvent-ils savoir qu’est-ce qu’ils reçoivent pour leur argent ? Ce point est essentiel à la santé financière de Twitter”, répond-t-il à Parag Agrawal, avant d’ajouter plus tard ”il semblerait que Twitter doive accepter une validation extérieure si leurs propos sont vrais”.

Avec cette communicat­ion agressive, amplifiée par ses nombreux soutiens, le milliardai­re coince les dirigeants de l’entreprise dans une position d’inconfort. Elon Musk joue avec le feu : il accuse carrément Twitter de mentir aux régulateur­s, ce qui constitue un délit passible de poursuites judiciaire­s et d’amendes élevées. Face à cet énième assaut, le conseil d’administra­tion de Twitter peut accepter de se rasseoir à la table des négociatio­ns pour revoir le prix à la baisse avant que Elon Musk ne sabote encore plus sa réputation. Ou alors, il peut décider d’aller à la confrontat­ion : le milliardai­re est lié par le contrat, et ne peut en sortir qu’un cas de fraude vérifiée de la part de Twitter.

S’il ne parvient pas à démontrer ce dernier point, il pourrait tout de même être contraint d’aller au bout de l’opération. Et dans ce cas, sa manoeuvre de dépréciati­on de la valeur de l’entreprise lui reviendrai­t en pleine figure.

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Elon Musk. (Crédits : MIKE BLAKE)
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