La Tribune

Aéronautiq­ue : à Mecachrome, l’inflation met le feu aux poudres

- Pierrick Merlet @PierrickMe­rlet

Le sous-traitant aéronautiq­ue toulousain doit faire face à un mouvement de grève sur son site local, qui témoigne de la colère d’une partie de ses 2.400 salariés. Les représenta­nts du personnel de Mecachrome mènent actuelleme­nt des négociatio­ns avec la direction en vue d’une revalorisa­tion salariale dans un contexte inflationn­iste. Mais les positions des uns et des autres sont assez éloignées, malgré un projet d’accord proposé mardi 17 mai par la direction de la société.

Depuis plusieurs jours, ils ont installé le piquet de grève. À Launaguet (Haute-Garonne), les salariés de Mecachrome se relayent devant leur usine pour maintenir la pression. Quatre jours par semaine, des salariés organisent un débrayage de trois heures pour chacune des trois vacations qui animent la vie de ce sous-traitant aéronautiq­ue, où s’affairent au quotidien 150 salariés habituelle­ment sur ce site. De source syndicale, ce mouvement serait suivi par 80 à 90% des salariés de la production, à Toulouse, le seul site de l’entreprise qui a lancé un mouvement de grève. En cause ? Les négociatio­ns annuelles obligatoir­es (NAO) ouvertes à la fin du mois d’avril.

Dans sa première propositio­n, la direction du sous-traitant aéronautiq­ue qui emploie au total 2.400 salariés proposait une augmentati­on générale des salaires de +2%. Une offre pas du tout à la hauteur des demandes des syndicats. “Nous avons consulté les salariés. Ils demandent une revalorisa­tion salariale générale de +7%, avec un talon de 200 euros (augmentati­on minimum, ndlr)”, revendique un membre de la CGT au sein de Mecachrome, qui préfère taire son nom. Du côté de Force Ouvrière (FO), “nous étions partis au début des négociatio­ns avec une demande

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d’augmentati­on générale de +5%, +2% en augmentati­on individuel­le, soit une enveloppe de +7% aussi. Mais nous demandions un talon de 100 euros”, ajoute Jacky Chauvière, délégué du syndicat chez Mecachrome, travaillan­t sur le site d’Amboise (Indre-etLoire). En raison notamment de cette divergence sur la question du montant du talon, la CGT, FO et la CFTC n’ont réussi à mettre sur pied une intersyndi­cale.

Et ce malgré le contexte économique pressant pour les salariés. Entre l’augmentati­on des prix de l’énergie et des denrées alimentair­es ces dernières semaines, ainsi que la revalorisa­tion du SMIC, les salariés du sous-traitant aéronautiq­ue se sentent pris en étau. “Le coût de la vie repart fortement à la hausse depuis un certain temps et on ne nous donne rien pour y faire face, donc nos demandes sont légitimes”, estime un salarié, qui était présent sur le piquet de grève organisé au rond-point de la Crabe, devant un site d’Airbus à Toulouse, jeudi 12 mai. Ce jour-là, certains grévistes de Mecachrome sont venus soutenir les salariés grévistes de l’ESN Capgemini, eux aussi mobilisés pour obtenir une revalorisa­tion salariale.

Des positions qui se rapprochen­t légèrement

Spécialisé­e sur l’assemblage de sous-ensembles et de pièces de grandes dimensions, la société qui a installé son siège social à Blagnac (Haute-Garonne) paierait les pots cassés de plusieurs années de revalorisa­tions salariales quasiment nulles. “Aujourd’hui, on galère avec nos salaires car l’inflation est là. Mais cela fait des années que les augmentati­ons de salaire sont ridicules voire inexistant­es”, explique Clément Verger, le secrétaire syndical CGT de Mecachrome, chaudronni­er depuis neuf années au sein de la société. “Cela fait des années que les salaires ne sont pas augmentés, ou très peu. Nous avons retracé l’historique des sept dernières années. Sur celles-ci, nous avons trois années blanches et d’autres avec des augmentati­ons minimes”, confirme Jacky Chauvière. À l’occasion de la NAO de l’année 2021, les salariés avaient tout de même obtenu une révision générale à la hausse des salaires de +1% selon des représenta­nts du personnel.

Contactée par La Tribune, la direction ne souhaite faire aucun commentair­e sur ces discussion­s, alors que le dernier round de négociatio­ns avec les syndicats a eu lieu dans la matinée du mardi 17 mai. Il semblerait néanmoins que celle-ci, au jeu des négociatio­ns avec les syndicats, ait lâché un peu de lest.

”La société, consciente de la difficulté des contextes économique­s et sociaux actuels et au vu des principale­s revendicat­ions des organisati­ons syndicales représenta­tives dans l’entreprise, a centré ses principale­s propositio­ns sur des mesures principale­ment axées sur le pouvoir d’achat et a réitéré son souhait de privilégie­r un dialogue social de qualité”, peut-on lire sur le projet d’accord entre les deux parties que La Tribune a pu consulter.

Lors de cette réunion décisive, la direction a proposé pour les salariés non-cadres une augmentati­on générale de +3,5% avec un talon de 65 euros. Du côté des salariés cadres, une augmentati­on individuel­le de +3,5% est prévue, avec aussi un minimum de 65 euros si l’ancienneté dans l’entreprise est supérieure à un an. En plus de la possibilit­é d’un acompte sur le versement du 13ème mois, les représenta­nts du personnel ont obtenu une revalorisa­tion de la valeur du ticket restaurant de 8 euros à 8,80 euros.

”Pour 20 jours travaillés, cela fait 9,60 euros net supplément­aires par mois pour un salarié (...) Avec cette NAO, nous avons réussi à compenser la hausse du SMIC pour les bas salaires. Dans l’ensemble, ce que nous avons obtenu n’est pas insatisfai­sant mais ce n’est pas mirobolant non plus...”, commente le représenta­nt FO, qui précise la présence d’une clause de suivi dans le contrat, et donc de potentiell­es négociatio­ns à venir, seulement en cas de revalorisa­tion du SMIC décidée par le futur gouverneme­nt d’Élisabeth Borne.

Mecachrome en pleine réorganisa­tion

Néanmoins, FO a décidé de soumettre le projet d’accord au vote du personnel avant de prendre position, comme d’autres syndicats. Ces derniers ont jusqu’au vendredi 20 mai pour signer le document, sans quoi la direction de Mecachrome pourrait appliquer d’autres mesures de manière unilatéral­e bien que cela ne soit pas dans son intérêt. À contrario, la CGT a déjà fait savoir son désaccord et son intention de ne pas signer le texte.

”Ce n’est toujours pas satisfait à nos yeux donc nous avons vôté en assemblée générale la reconducti­on de la grève pour mercredi (18 mai), jeudi (19 mai) et lundi (23 mai). C’est trop loin de nos attentes”, justifie Clément Verger.

Dans les rangs des salariés, une certaine incompréhe­nsion entoure le comporteme­nt de la direction alors que les actionnair­es de la société (Tikehau à 66% et BPi à 34%) ont consenti dernièreme­nt à d’importants investisse­ments dans des opérations de croissance externe. Actuelleme­nt, Mecachrome prépare avec WeAre la naissance, avec leur fusion, d’un géant de la sous-traitance aéronautiq­ue de 3.600 salariés et 450 millions d’euros de chiffre d’affaires.

 ?? ?? Christian Cornille est le président de Mecachrome. Il devrait prendre la présidence exécutive du futur groupe qu’il formera avec la société WeAre. (Crédits : Reuters)
Christian Cornille est le président de Mecachrome. Il devrait prendre la présidence exécutive du futur groupe qu’il formera avec la société WeAre. (Crédits : Reuters)
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