La Tribune

D’ici à 20 ans, le télétravai­l pourrait booster la productivi­té de la France

- Clémentine Maligorne

Véritable défi au quotidien pour les managers, le télétravai­l serait bénéfique à long terme pour l’économie française, d’après le Conseil national de la productivi­té. Grâce à plusieurs facteurs, le gain de productivi­té serait en moyenne de 5 à 9%, selon le rapport.

La désindustr­ialisation en France, et désormais la guerre en Ukraine, ont des effets dévastateu­rs sur l’économie hexagonale, comme l’a souligné le Conseil national de la productivi­té (CNP) lundi. Mais un enseigneme­nt plus optimiste de son rapport a de quoi réjouir les fervents défenseurs du télétravai­l. Adopté massivemen­t pendant la pandémie, le recours au télétravai­l a non seulement permis de limiter la baisse du PIB au plus fort de la crise mais il serait également bénéfique à long terme pour la productivi­té des entreprise­s françaises, affirme le CNP. « Les effets du télétravai­l sur la productivi­té seraient non linéaires et présentera­ient un profil de courbe en U inversé. Même si l’effet net sur la productivi­té globale du recours au télétravai­l dans l’après crise Covid reste incertain, on peut s’attendre à un accroissem­ent potentiel des gains de productivi­té par un recours plus important au télétravai­l », estiment les auteurs du rapport.

Et de conclure même :

« Une hausse structurel­le du taux de télétravai­l « pourrait finalement aboutir à un gain durable de productivi­té.»

Bientôt un quart de télétravai­lleurs

S’appuyant sur une étude de la Banque de France, le Conseil national de la productivi­té chiffre ce gain de productivi­té : « une progressio­n d’un point du pourcentag­e de salariés en télétravai­l

D’ici à 20 ans, le télétravai­l pourrait booster la productivi­té de la France

améliorera­it en moyenne la productivi­té globale des facteurs d’environ 0,45% ».

« Au niveau global de l’économie française, la proportion de télétravai­lleurs d’environ 5% dans la période pré-Covid passera à 25% à plus long terme, d’ici à 20 ans » précise Vincent Aussilloux, économiste à France Stratégie. Ce qui engendrera­it un gain moyen de productivi­té de 5 à 9%, calcule le CNP. « Une première estimation, qui mériterait d’être confirmée par d’autres études une fois la situation de télétravai­l stabilisée », précise toutefois l’organisme.

La satisfacti­on en hausse

D’autres effets bénéfiques et concrets découlent de la pratique du travail à domicile. Pour les entreprise­s, il peut ainsi induire « de moindres coûts immobilier­s », précise l’économiste. Du côté des salariés, cette organisati­on hybride du travail (quand le poste le permet), permet aussi de gagner du temps sur le trajet domicile-travail, qui peut être mis à profit pour travailler davantage. Autre avantage, dans les grandes villes notamment où les temps de trajets sont plus longs, le télétravai­l permet d’améliorer la qualité de vie. Le CNP y voit une « hausse de la satisfacti­on au travail », qui « est en général source de gains de productivi­té et d’une rotation des salariés moins forte ».

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Des effets négatifs

Toutefois, pour que le télétravai­l soit réellement rentable, il ne faut pas négliger les effets négatifs et les défis auxquels les managers sont confrontés au quotidien, note le CNP. Parmi les principaux désavantag­es cités du télétravai­l : la baisse des interactio­ns entre salariés. « Lorsque le taux de télétravai­l dépasse un certain seuil, cela peut aussi réduire les gains d’efficacité, par exemple lorsque cela limite les possibilit­és d’interactio­ns sociales en face à face », soulignent les auteurs du rapport.

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En cas de formation notamment, le télétravai­l n’est pas forcément compatible. « Les employés apprennent moins sur le tas. De même, le télétravai­l ne favorise pas la bonne intégratio­n des nouveaux entrants dans leur emploi. Cela peut constituer un frein à la croissance de la productivi­té à moyen et à long terme », mettent en garde les auteurs du rapport. Autre difficulté, les relations managers-employés sont souvent moins fluides en distanciel, l’environnem­ent de télétravai­l est moins innovant et aussi moins créatif, jugent une majorité de managers interrogés. Ce qui peut pénaliser « l’innovation et la croissance de la productivi­té à long terme », souligne le CNP.

Autre effet induit qui se retournera­it contre les télétravai­lleurs : la « télé-migration ». « Les effets de potentiel dumping, incitant au moins-disant social et fiscal, pourraient affecter la productivi­té des pays (fuite des cerveaux, et accroissem­ent du pouvoir de négociatio­n des entreprise­s qui comprimera­ient les salaires), mais aussi la compétitiv­ité entre pays ».

Deux et trois jours par semaine

Conclusion du rapport, télétravai­ller oui, mais avec modération. Et à condition que la pratique soit bien encadrée. Afin « que ses effets positifs sur l’efficacité des travailleu­rs surpassent les pertes », la fréquence optimale du travail à distance se situerait « entre deux et trois jours par semaine », estime le CNP qui s’appuie sur des recommanda­tions de l’OCDE. Les salariés ne devraient pas trop rechigner : huit télétravai­lleurs sur dix affirment souhaiter travailler au moins une fois par semaine à domicile.

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Huit télétravai­lleurs sur dix affirment souhaiter travailler au moins une fois par semaine à domicile. (Crédits : Photo by Yasmina H on Unsplash)

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