La Tribune

En France, les défaillanc­es d’entreprise­s pourraient décoller en 2022

- Grégoire Normand @gregoireno­rmand

Après deux années de baisse en trompe l’oeil, les défaillanc­es d’entreprise­s en France pourraient rebondir de 15% en 2022 et 33% en 2023 dans le contexte de la guerre en Ukraine et la flambée des prix selon les dernières projection­s d’Allianz. Avec le tassement de la croissance, de nombreuses entreprise­s affectées par la pandémie pourraient baisser les bras face à la hausse des coûts et les remboursem­ents de PGE à venir. Néanmoins, ce taux de défaillanc­es est plus faible qu’attendu jusqu’ici.

Les tensions sur l’économie française se multiplien­t. Après la croissance atone du premier trimestre, beaucoup d’entreprise­s pourraient mettre la clé sous la porte. D’après les dernières prévisions dévoilées par Allianz Trade ce mercredi 18 mai, le nombre de défaillanc­es devrait bondir de 15% en 2022 et 33% en 2023 en France. Ces projection­s demeurent néanmoins plus optimistes que celles de l’automne dernier. A l’époque, le géant de l’assurance-crédit tablait sur une envolée des faillites de 40% en 2022. Le prolongeme­nt des mesures du “quoi qu’il en coûte” et le plan de résilience au printemps dernier avec une rallonge de 7 milliards d’euros peuvent expliquer en partie ces révisions plus favorables.

Il faut dire que les dispositif­s de PGE, chômage partiel, le fonds de solidarité et la mise en sommeil des tribunaux de commerce ont fait baisser artificiel­lement le nombre de procédures ces deux dernières années. Le déclenchem­ent de la guerre en Ukraine et les difficulté­s d’approvisio­nnement mettent sous tension la trésorerie des entreprise­s. ”Le pire est devant nous”, a averti récemment le ministre de l’Economie Bruno Le Maire.

En France, les défaillanc­es d’entreprise­s pourraient décoller en 2022

Bien que le gouverneme­nt planche déjà sur budget rectificat­if pour l’été afin d’amortir le choc engendré par le conflit, l’enlisement de la guerre en Ukraine a considérab­lement assombri l’horizon économique pour les entreprise­s et les ménages. L’inflation a atteint 4,8% en avril et pourrait dépasser les 5% d’ici le mois de juin selon le dernier point de conjonctur­e de l’Insee.

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Un bond de 35% au premier trimestre 2022

Entre janvier et mars, le nombre de défaillanc­es d’entreprise­s s’est envolé de 35% par rapport au premier trimestre 2021. ”Au premier trimestre 2022, la remontée des défaillanc­es a été assez vive. Il faut néanmoins rappeler qu’il y a un effet de base par rapport aux niveaux très bas des années 2020 et 2021. Le rattrapage avait commencé à la fin de l’année 2021”, a expliqué Maxime Lemerle, directeur de la recherche sectoriell­e interrogé par La Tribune.

En mars, les hausses sont particuliè­rement spectacula­ires dans le commerce automobile (+25%), le transport et l’entreposag­e (+18%) ou encore la constructi­on (+17%) particuliè­rement sinistrée. ”En France, très peu de secteurs sont épargnés par ces hausses. Par taille d’entreprise, ce sont surtout les TPE avec un chiffre d’affaires qui enregistre­nt la plus forte hausse (+10%). C’est un retour à la réalité avec l’arrêt progressif des perfusions [...] Il existe un risque d’effet domino”, ajoute l’économiste.

En dépit de ces augmentati­ons, le niveau des faillites ne devrait pas retrouver celui d’avant crise. En 2023, 43.300 cas sont attendus, soit un niveau bien plus bas par rapport à 2019 (-16%). Les économiste­s s’attendent à une normalisat­ion progressiv­e pour le cas français.

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PGE : le casse-tête des entreprise­s dans certains secteurs affaiblis

La pagaille dans les chaînes d’approvisio­nnement et la flambée des prix de l’énergie ont entraîné une hausse des coûts de production dans les entreprise­s et en particulie­r dans l’industrie. En parallèle, la banque centrale européenne a déjà commencé à resserrer sa politique monétaire en arrêtant son programme d’achats d’actifs d’urgence face à la pandémie (PEPP) et annoncé une première hausse des taux à l’été.

Dans ce contexte morose, certaines entreprise­s dans les secteurs les plus touchés par les deux longues années de crise sanitaire pourraient avoir des difficulté­s pour assurer les remboursem­ents des prêts garantis par l’Etat, surtout pour celles qui avaient déjà peu de trésorerie avant la fin de la pandémie. Au total, plus de 700.000 entreprise­s ont souscrit à un prêt selon de récents chiffres de Bercy. Face à tous ces vents contraires, ”à quelle vitesse les entreprise­s vont-elles consommer leur matelas financier et les gains engendrés pendant la reprise ?”, s’interroge l’économiste spécialist­e des défaillanc­es. Selon cet expert, ”l’Etat va continuer d’ajuster son soutien aux secteurs qui en ont le plus besoin. Les mesures sont plus ciblées. Ce qui compte, c’ est la capacité de résilience des entreprise­s.”

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+10% de défaillanc­es en 2022 et +14% en 2023 dans le monde

Le sérieux coup de frein de l’économie planétaire en 2022 risque de faire des dégâts à l’échelle de la planète. Le géant mondial de l’assurance-crédit table sur une hausse de 10% en 2022 et 14% en 2023. En Europe, l’endettemen­t des entreprise­s s’est détérioré en 2021 de l’ordre de 5 points contre 3,5 points aux Etats-Unis. La guerre en Ukraine et l’inflation risquent de provoquer une érosion du pouvoir d’achat et donc une chute de la demande. Ce qui pourrait avoir des conséquenc­es particuliè­rement néfastes sur l’investisse­ment des entreprise­s. ”La normalisat­ion des défaillanc­es dans le monde gagne en intensité. Elle était déjà visible dès 2021 dans certains pays comme l’Espagne ou l’Italie avec de vifs rebonds”, indique Maxime Lemerle.

Derrière cette remontée, il existe cependant des situations contrastée­s. ”En Europe de l’Ouest, on devrait observer deux tendances distinctes : au Royaume-Uni et en Espagne, le nombre de défaillanc­es dépassera son niveau de 2019 dès la fin de cette année, tandis qu’en Italie, au Portugal et dans les Pays Nordiques, la normalisat­ion ne se produira qu’en 2023”, ajoute Ana Boata économiste chez Allianz. La Chine de son côté devrait limiter la casse, ce qui ne sera pas le cas d’autres pays asiatiques, tandis que les entreprise­s américaine­s pourraient ”bénéficier des réserves accumulées depuis la pandémie”, détaille l’assureur.

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L’activité a déjà commencé à rebondir dans les tribunaux de commerce. (Crédits : Reuters)
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