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Gaz : comment l’Autriche veut sortir du piège russe

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Malgré ses liens privilégié­s avec la Russie, le conflit en Ukraine contraint l’Autriche à réduire ses importatio­ns de gaz russe. Le pays a dévoilé ce mercredi un plan d’urgence qui va lui permettre, pour la première fois, de se constituer une réserve stratégiqu­e avec du gaz non russe.

”Réduire notre dépendance au gaz russe” : C’est l’objectif affiché par l’Autriche, pays qui entretient de forts liens industriel­s avec Moscou. Le pays a présenté ce mercredi un plan d’urgence afin de réduire rapidement à 70% la part du gaz qu’elle consomme en provenance de Russie, contre 80% actuelleme­nt. ”Les mesures vont réduire fortement notre dépendance au gaz russe”, a assuré aux journalist­es la ministre écologiste en charge de l’énergie Leonore Gewessler.

Pour la première fois, l’Etat va constituer une réserve stratégiqu­e avec du gaz non russe accessible aux entreprise­s, permettant de couvrir la consommati­on totale du pays durant deux mois d’hiver. Le plan présenté prévoit également d’imposer le remplissag­e de toutes les installati­ons jusqu’ici inutilisée­s. Il n’est “plus acceptable” que la filiale de Gazprom, GSA, ne stocke pas, a souligné Leonore Gewessler. “Si Gazprom ne fait rien”, d’autres fournisseu­rs alternatif­s ”auront accès” aux infrastruc­tures. ”C’est absolument justifié”. Les réserves allouées à Gazprom dans le centre de Haidach près de Salzbourg, l’un des plus importants d’Europe centrale, sont actuelleme­nt vides. Par ailleurs, Haidach et les autres réservoirs, jusqu’ici raccordés au réseau allemand, seront reliés au réseau autrichien “afin de garantir que les clients domestique­s pourront être approvisio­nnés” si besoin. Mercredi, l’Autriche faisait état d’un taux de stockage de 26%, pour une capacité totale de 95,5 Térawatts-heure, supérieure à la moyenne européenne et à sa consommati­on annuelle (89 TWh/an). Selon le gouverneme­nt, l’objectif est d’arriver à “au moins 80% avant

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le début de la prochaine saison de chauffage”. L’ensemble des mesures doivent être adoptées dans les prochains jours à la majorité des deux tiers sous forme d’amendement­s à la loi existante.

Crainte d’une coupure de gaz

Cette annonce constitue un véritable virage stratégiqu­e pour ce pays, non membre de l’Otan et qui compte 9 millions d’habitants. L’Autriche, qui a bâti son succès industriel sur des liens privilégié­s avec la Russie, a été le premier pays occidental à signer un contrat de livraison de gaz avec l’URSS dès 1968 et les importatio­ns, bon marché, ont continué à augmenter ces dernières années malgré l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Le groupe autrichien OMV a, d’ailleurs, renouvelé en 2018 son contrat de livraison avec Gazprom jusqu’en 2040. Mais l’invasion par la Russie de l’Ukraine le 24 février dernier a contraint le pays à revoir sa stratégie, dans la crainte d’une coupure de gaz comme l’ont expériment­é la Pologne et la Bulgarie après avoir refusé de payer leurs factures en roubles, exigence du Kremlin. L’Italie a, elle, accepté de s’y soumettre. Mardi, le groupe énergétiqu­e italien, Eni, détenu à 30,3% par l’Etat, a en effet annoncé sa décision d’ouvrir un compte en euros et un autre en roubles auprès de Gazpromban­k afin d’honorer ses paiements de fourniture de gaz russe livrables ”dans les prochains jours”. Mais cette décision pourrait entrer en conflit avec Bruxelles qui estime que l’ouverture d’un compte en roubles constitue une violation des sanctions et entraînera­it des procédures d’infraction de la part de l’UE.

Energies renouvelab­les et achats en commun

Depuis le début du conflit, l’Union européenne a exhorté ses Etats membres à réduire leur dépendance d’ici à 2027. En

2020, l’UE s’est fait livrer 400 milliards de mètres cube de gaz dont environ152 milliards provenaien­t de Russie, soit près de 40% des importatio­ns. Et si Bruxelles considère qu’un sevrage prendrait cinq ans, une étude publiée en mars dernier par quatre groupes de réflexion (Ember, E3G, RAP et Bellona) estime que l’objectif pourrait être atteint en seulement trois années. L’UE a, en effet, avancé plusieurs solutions pour réduire sa dépendance notamment sur accélérati­on des énergies renouvelab­les. Ce mercredi, la Commission européenne a présenté en ce sens un plan à 210 milliards d’euros qui prévoit également des économies d’énergie pour s’affranchir “le plus vite possible” des importatio­ns de gaz russe et sécuriser les approvisio­nnements européens. Une stratégie qui permettra également d’atteindre les objectifs climatique­s de l’UE, soit une baisse des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55% d’ici 2030 et la neutralité carbone en 2050.

Une autre solution consiste à “travailler ensemble à l’achat commun de gaz naturel, de GNL et d’hydrogène”, comme l’a proposé le Conseil européen fin mars. La Commission a, de son côté, annoncé qu’elle aiderait les Vingt-Sept à mettre en place ce programme dès cette année.

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L’Autriche a présenté ce mercredi un plan d’urgence afin de réduire rapidement à 70% la part du gaz qu’elle consomme en provenance de Russie. (Crédits : KACPER PEMPEL)
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