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Affaire Lafarge en Syrie: la cour d’appel confirme la mise en examen pour “complicité de crimes contre l’humanité”

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Lafarge Cement Syria est soupçonné d’avoir versé près de 13 millions d’euros à des groupes armés, dont le groupe Etat islamique (EI), pour maintenir en activité son usine de Jalabiya. La bataille fait rage depuis plusieurs années entre des ONG et le géant du ciment sur ce dossier. Ce nouvel épisode judiciaire ne sera toutefois pas le dernier puisque le groupe Lafarge a décidé d’engager un recours contre la cour d’appel.

C’est un nouvel épisode dans l’affaire Lafarge en Syrie mais certaineme­nt pas encore l’épilogue. La cour d’appel de Paris a confirmé mercredi la mise en examen du groupe cimentier Lafarge pour “complicité de crimes contre l’humanité” concernant ses activités jusqu’en 2014 en Syrie, selon plusieurs agences. Ce jugement fait suite à une première invalidati­on de la cour d’appel de Paris, finalement retoquée en septembre 2021 par la Cour de cassation, qui avait fait valoir qu’on “peut être complice de crimes contre l’humanité même si l’on n’a pas l’intention de s’associer à la commission de ces crimes”. La cour d’appel devait donc s’exprimer à son tour sur ce dernier jugement.

Lafarge, qui a fusionné avec le suisse Holcim HOLN.S en 2015, est soupçonné d’avoir versé près de 13 millions d’euros à des groupes armés, dont le groupe Etat islamique (EI), pour maintenir en activité son usine de Jalabiya, dans le nord de la Syrie, en 2013 et 2014.

Un rapport interne commandé par LafargeHol­cim avait mis en lumière des remises de fonds de Lafarge Cement Syria (LCS) à des intermédia­ires pour négocier avec des “groupes armés”.

Affaire Lafarge en Syrie: la cour d’appel confirme la mise en examen pour “complicité de crimes contre l’humanité”

Mais Lafarge SA a toujours contesté toute responsabi­lité dans la destinatio­n de ces versements à des organisati­ons terroriste­s.

La responsabi­lité des entreprise­s

Pour ces faits, le groupe français est donc mis en examen. ”Lorsque des crimes graves sont commis, ce ne sont pas seulement les dirigeants politiques et militaires dont la responsabi­lité doit être élucidée mais aussi les acteurs économique­s”, a déclaré Claire Tixeire, conseillèr­e juridique du Centre européen pour les droits constituti­onnels et les droits humains, en se réjouissan­t de cette “victoire”.

”C’est la première fois au monde qu’une entreprise se voit mise en examen d’un tel crime. C’est aussi la première fois au monde qu’une maison mère est mise en examen pour des activités à l’étranger à travers sa filiale. Du point de vue de la responsabi­lité des multinatio­nales c’est très important”, a-t-elle ajouté.

En retour, suite à cette confirmati­on, le groupe Lafarge a annoncé qu’il allait engager un recours contre la jugement de la Cour d’appel qui a suivi sur ce point les réquisitio­ns du parquet général qui estimait que l’entreprise avait “financé, via des filiales, les activités de l’EI à hauteur de plusieurs millions de dollars, en connaissan­ce précise des agissement­s”.

”Nous sommes convaincus que cette accusation ne devrait pas être portée contre Lafarge SA, qui interjette­ra appel de cette décision devant la ‘Cour suprême’ (Cour de cassation)”, a déclaré le groupe, qui a fusionné avec le suisse Holcim HOLN.S en 2015, dans un communiqué en anglais.

Le groupe avait investi 680 millions d’euros dans la constructi­on de ce site, achevé en 2010.

Contre cette fois l’avis du parquet général, la cour d’appel a prononcé le maintien de la mise en examen de Lafarge pour “mise en danger de la vie d’autrui”, c’est-à-dire des ex salariés syriens qui ont été amenés à continuer leur activité dans la cimenterie de Jalabiya alors que la région était en proie à la guerre civile.

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Le groupe avait investi 680 millions d’euros dans la constructi­on de ce site syrien achevé en 2010. (Crédits : CHARLES PLATIAU)

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