La Tribune

Artisanat : un couple d’entreprene­urs normands dépoussièr­e le balai

- Nathalie Jourdan

Remisé au rayon des accessoire­s démodés depuis l’avènement de l’aspirateur, le ballet en paille reprend des couleurs grâce à une jeune pousse créative qui le réinvente en bleu, blanc, rouge et en circuit court. Une idée au poil.

Grisolles revendique le titre de capitale du balai en paille de Sorgho (du nom de la plante utilisée) depuis plus d’un siècle. Mais la petite commune du Tarn-et-Garonne, a du souci à se faire. Désormais, c’est plus au nord, dans un petit atelier en Normandie, que se joue le retour vers le futur de cet accessoire ménager que l’on pensait condamné à une retraite définitive.

Au bout du manche, un couple de quinquas, anciens entreprene­urs de travaux publics convertis de fraîche date à l’artisanat. Lassés par des cambriolag­es à répétition, Marie-Laure et Arnaud Gabriel revendent leur PME pendant le premier confinemen­t pour fonder une fabrique de balais dans le riant village de Rainfrevil­le, au coeur du pays de Bray (entre la Seine-Maritime et l’Oise). L’idée naît au hasard d’une promenade sur le Web, raconte madame. « C’est en découvrant une ancienne machine sur Internet que nous avons eu coup de coeur pour ce métier en déshérence ».

L’art et la manière

Conquis, le couple se forme auprès de l’avant-dernier fabricant français : un artisan retraité du Gard à qui il rachète son stock de matière première et ses outils de montage. Les premières « collection­s » de La Balaiterie naissent en janvier 2021, entièremen­t fabriquées à la main. Ici, on ne cherche pas à rivaliser avec les produits à bas coût importés d’Asie ou des pays de l’Est de l’Europe, le parti pris est celui du haut de gamme.

Pour se démarquer, la maison adopte une stratégie marketing moderne et maline et cultive un art consommé du design.

La paille de sorgho est teinte de couleurs vives, se pare de rubans et s’épanouit dans une multitude de formes. Les balais côtoient des brosses à pâtisserie et à casseroles, des balayettes,

Artisanat : un couple d’entreprene­urs normands dépoussièr­e le balai

des tapettes à mouche, des pinceaux... Le tout vendu dans une fourchette de prix qui va de 15 à 120 euros pour les modèles les plus sophistiqu­és du catalogue.

Le coup d’essai se révèle un coup de maître. A peine lancé, l’atelier croule sous les sollicitat­ions. La vogue des matières naturelles aidant, leurs produits 100% made in France tapent dans l’oeil des magazines de déco et font un tabac dans les salons spécialisé­s. Drogueries, concept stores, jardinerie­s, magasins bio... passent commande à un train d’enfer. « Nous recevons à minima deux appels de boutiques par jour pour des commandes d’un montant moyen de 150 euros », confirme Marie-Laure.

Le tam tam d’Internet aidant, La Balaiterie exporte aux Etats-Unis, au Canada, en Suède, en Italie... Pour satisfaire la demande, elle fait appel à plusieurs auto-entreprene­urs du village qui travaillen­t à la pièce. A ce rythme, le stock de paille acquis dans le Gard fond comme neige au soleil. Pour sécuriser leurs approvisio­nnements, les Gabriel se sont rendus propriétai­res d’un terrain d’un hectare où ils cultivent et récoltent eux-mêmes les longues hampes du sorgho à balai (par opposition au sorgho fourrager). D’autres investisse­ments sont à venir. Le jour où nous les avons rencontrés, ils s’apprêtaien­t à signer l’acte de vente d’un corps de ferme pour pousser les murs de l’atelier devenu trop étriqué.

De toute évidence, l’endroit n’est pas voué à prendre la poussière.

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(Crédits : dr)

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