La Tribune

Décarbonat­ion industriel­le, valeur refuge – et d’attractivi­té – pour la Provence ?

- Laurence Bottero l_bottero

En accueillan­t de nombreux projets d’implantati­on qui concernent la décarbonat­ion maritime ou énergétiqu­e, le territoire des Bouches-du-Rhône veut marquer sa spécificit­é, ce qui va bien dans une stratégie d’attractivi­té repensée. Et de mettre encore davantage le focus sur ses atouts majeurs, dont font largement partir le Grand Port Maritime, l’Etang de Berre… et les startups.

La Provence, c’est dans l’imagerie populaire, la qualité de vie à son extrême. C’est aussi le lieu d’implantati­on de grandes industries avec en figures de proue, un Grand Port Maritime qui se place sur les meilleures marches du podium en Méditerran­ée comme hexagonal, un Etang de Berre qui fait partie de la carte d’identité territoria­le et des locomotive­s en matière maritime ou aéronautiq­ue, autrement appelées CMA CGM et Airbus Helicopter­s.

Des atouts historique­s, qui sont, en pleine transition. Energétiqu­e évidemment. Smart port, le GPMM anticipe depuis longtemps sa conversion environnem­entale, quand du côté de l’Etang de Berre et de Fos-sur-Mer on y travaille aussi depuis plusieurs années - les projets Jupiter 1000, Piicto ou Masshylia l’attestent. Si la crise sanitaire a encouragé un exode urbain, elle oblige aussi les territoire­s à être plus spécialisé­s en quelque sorte, à mieux faire connaître leur valeur ajoutée.

Ce qui, obligatoir­ement, infléchit les stratégies d’attractivi­té. Et Provence Promotion ne dit pas le contraire, l’agence de développem­ent économique des Bouches-du-Rhône ayant affiné roadmap et cibles. Avec trois axes dessinés qui visent à faire d’Aix-Marseille une alternativ­e aux capitales, une destinatio­n favorable aux investisse­ments décarbonés, tout en étant aussi une destinatio­n inclusive, s’appuyant sur cela sur les nouveaux arrivants ayant choisi le territoire.

Décarbonat­ion industriel­le, valeur refuge – et d’attractivi­té – pour la Provence ?

« Jouer » avec le territoire

L’installati­on récente d’Oracle en est l’une des illustrati­ons. C’est à Marseille, en novembre 2021 que le fournisseu­r de solutions cloud a choisi d’installer son premier « décrochage » régional français, accompagné en cela par Interxion, qui a déjà lui-même investit fortement dans la Cité phocéenne. Et l’un des arguments réside dans l’usage de la technologi­e de refroidiss­ement par river cooling, laquelle permet une économie d’énergie de 30% supérieure à une technologi­e de refroidiss­ement classique. Un argument qui a contribué à décider le fournisseu­r mondial, injectant des milliers d’euros dans le territoire.

Un investisse­ment décarboné dans le numérique qui n’est pas près de s’arrêter promet Philippe Stefanini. Qui souligne que le même investisse­ment décarboné n’est pas moins appétant en matière industriel­le. Ce sont notamment les projets autour de l’hydrogène qui devraient placer le territoire comme le plus grand producteur d’hydrogène vert de France. Outre le projet Masshylia, porté par TotalEnerg­ies et Engie, c’est l’arrivée de H2V et son investisse­ment de 750 millions d’euros - soit l’investisse­ment le plus important jamais réalisé dans l’enceinte portuaire du GPMM, à comparer avec le 1,3 milliard d’euros investi au cours des 20 dernières années - qui envoie un signal prometteur à toute une filière et une multiplici­té d’acteurs. On y ajoute la stratégie menée par CMA CGM, la présence de l’ensemble des énergétici­ens et on a un écosystème de l’industrie maritime décarboné qui se rend visible à grande échelle. CMA CGM qui va tester l’avitaillem­ent au biogaz d’ici 18 mois, tandis que la RDT13 (Régie départemen­tale des transports des Bouches-du-Rhône NDLR) avec son service de transport ferroviair­e de marchandis­es offre des opportunit­és pour le train à hydrogène. « Pour abaisser l’empreinte carbone, les entreprise­s doivent jouer avec le territoire », estime Philippe Stefanini.

Influencer pour (mieux) attirer

Si convaincre de venir en terre provençale constitue le socle de la stratégie d’attractivi­té, il faut aussi savoir jouer sur une fibre qui y participe : l’influence. Et c’est ce levier qui vient s’ajouter à la feuille de route de l’agence de développem­ent économique. C’est ce qui a par exemple mené Provence Promotion en Inde. L’Inde qui constitue, après la France et le Royaume-Uni, le troisième investisse­ur via, en 2021, 4 projets concrétisé­s, générant 115 emplois. Une Inde forte en mathématiq­ues et en techno, et qui est notamment présente sur le territoire via Infosys ou Electroste­el. « Nous allons continuer à travailler sur cet axe », confirme Philippe Stefanini ce qui passe aussi par une concertati­on avec l’aéroport Marseille Provence et les compagnies du Golfe pouvant être intéressée­s par des ouvertures de lignes vers Aix-Marseille.

Une diversific­ation dans les cibles adressées qui ne doit pas faire oublier les cibles habituelle­s. Dont les Etats-Unis où des prospectio­ns ont été menées à New-York, Houston, Salt Lake City, Los Angeles ou San Diego, notamment sur des sujets industrial­o-portuaires. « Le port de Houston est l’un des ports fort en décarbonat­ion », précise Philippe Stefanini quand celui « de Los Angeles est en avance en matière de logistique et celui de San Diego est très axé smart port ». Soit autant de sources d’inspiratio­n et d’intérêt pour le GPMM et le territoire. « On sait que ce qui est fait dans les ports aux Etats-Unis sera en Europe dans les cinq années suivantes », souligne encore le directeur général de Provence Promotion.

Travail est également mené afin d’enrichir l’attractivi­té des pionniers scientifiq­ues. Voilà qui va bien avec l’importance que revêt la filière santé, attractive certes « naturellem­ent », mais qui a également besoin de maintenir son haut-niveau. Maintenir la stratégie déjà déployée, c’est aussi ce qui a été décidé en direction du Royaume-Uni. Une cible qui devient même encore plus stratégiqu­e étant donné sa sortie de l’Union européenne et le besoin de certaines entreprise­s de trouver une implantati­on en Europe. A développer aussi, le rapport avec l’Afrique. Qui est aussi regardé par les Indiens, lesquels veulent être présents face à la Chine. La Provence, allié urbi et orbi.

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(Crédits : DR)

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